Une grande mobilisation contre la réforme des retraites
Après la RATP, les avocats, médecins, personnels navigants du transport aérien, infirmières ou kinésithérapeutes manifestent lundi à Paris.
La vague de mécontentement contre la réforme des retraites continue de déferler. Trois jours après la grève – inédite en douze ans – des agents de la RATP, d’autres catégories d’actifs manifestaient, lundi 16 septembre à Paris, entre Opéra et Nation, pour s’opposer à ce chantier majeur du quinquennat d’Emmanuel Macron. Il s’agit d’une mobilisation sans précédent, orchestrée par le collectif SOS Retraites dans lequel on retrouve des corporations qui n’avaient jusqu’à présent jamais défilé ensemble : avocats, personnels navigants du transport aérien, médecins, infirmières, kinésithérapeutes… Leurs inquiétudes restent entières, malgré l’intervention du premier ministre, Edouard Philippe, qui avait affiché, le 12 septembre, sa volonté de dialogue.
Dans la journée d’action organisée lundi, les avocats ont joué un rôle décisif, par le truchement du Conseil national des barreaux (CNB). Cette instance a, en effet, exhorté toute la profession à battre le pavé, dans la capitale, et à faire la grève des audiences. Un appel qui s’annonce très suivi, au point que le fonctionnement des juridictions pourrait être perturbé. Le CNB a également donné une impulsion très forte pour agréger autour de lui d’autres groupes sociaux et former un cartel dont la composition surprend, de prime abord. « Le point commun, c’est que chacun d’entre nous dispose de régimes autonomes », explique Ghislaine Sicre, présidente de Convergence infirmière (CI). Des régimes qui seront appelés à se fondre, à terme, dans le système universel promis par M. Macron.
Crainte d’une « spoliation »
Ce scénario, Me Christiane Féral-Schuhl, la présidente du CNB, le rejette, avec l’ensemble des membres de SOS Retraites, car il serait synonyme de « captation des réserves » accumulées par les différentes caisses concernées. Chez les avocats, les sommes en jeu s’élèvent à deux milliards d’euros. S’agissant de la Carpimko – la caisse des orthophonistes, infirmières, orthoptistes, etc. –, les montants atteignent 3,4 milliards, d’après Mme Sicre : « Nous ne voulons pas qu’un hold-up ait lieu », affirme la présidente de CI. Le discours est identique chez les navigants du monde de l’aérien : « Notre caisse de retraite complémentaire existe depuis le début des années 1950 et n’a rien coûté à la collectivité, confie Yves Deshayes, le numéro un du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL). Nous ne voulons pas qu’elle disparaisse. »
La crainte d’une « spoliation » est d’autant plus vive que la collecte des cotisations sera, à terme, entièrement confiée aux Urssaf, une « administration » à la main de l’Etat, relève Jean-Paul Hamon, le président de la Fédération des médecins de France (FMF). A ses yeux, toutes les conditions seront alors réunies pour détourner les réserves des régimes autonomes vers le pot commun du système universel.
D’autres facteurs, plus spécifiques, alimentent la colère. Plusieurs professions redoutent d’être assujetties à des prélèvements majorés avec la réforme – telle qu’elle a été esquissée dans le rapport remis en juillet par Jean-Paul Delevoye, le haut commissaire en charge du projet. Chez les avocats, le taux de cotisation va doubler, voire un peu plus (sur les revenus inférieurs à 40 000 euros). La hausse va être difficile à encaisser, notamment pour ceux qui débutent ou dont l’activité repose, en grande partie, sur des dossiers rémunérés par l’aide juridictionnelle, affirme Me Féral-Schuhl.
« Plus de ponctions pour moins de pensions »
L’appréhension est identique parmi les organisations impliquées dans SOS Retraites qui représentent le paramédical. « Les cotisations vont augmenter de quatorze points, ce qui va porter notre taux de charges à 60 %, déclare Mme Sicre. Au final, il y aura plus de ponctions pour moins de pensions. »
Dans d’autres métiers, en revanche, le taux de contributions pour l’assurance-vieillesse est susceptible de reculer, ce qui est favorable au pouvoir d’achat des actifs, mais réduit aussi leurs droits à la retraite : « La baisse des cotisations sera de 20 % mais les pensions, elles, diminueront davantage, de l’ordre de 38 % », indique M. Hamon. Autrement dit, les intéressés y perdront, au final. Le problème pourrait, éventuellement, être résolu, en recourant à l’épargne-retraite supplémentaire, mais de tels produits, proposés par les assureurs et les banquiers, offrent des rendements beaucoup moins intéressants, rapporte M. Deshayes. En outre, ajoute-t-il, rien ne garantit que de tels dispositifs seront mis en place dans toutes les compagnies aériennes.
« Le mouvement va être long et aller crescendo », prophétise Mme Sicre. « C’est l’avenir de notre profession que nous défendons », renchérit Me Féral-Schuhl. D’autres organisations s’apprêtent à emboîter le pas de SOS Retraites : FO, le 21 septembre ; la CGT, trois jours après. L’exécutif n’est pas au bout de ses peines.