« Trop chaud pour travailler », sur Arte : la productivité à l’épreuve du réchauffement climatique
ARTE – MARDI 20 JUIN À 20 H 55 – DOCUMENTAIRE
Chaleur et travail n’ont jamais fait bon ménage. Et dans un monde en surchauffe, le changement climatique, avec ses épisodes caniculaires de plus en plus fréquents, devient une menace concrète pour des centaines de millions de travailleurs de « première ligne ».
Santé en danger, productivité en baisse : comment continuer à travailler comme avant dans un monde plus chaud ? Le modèle économique fondé sur une forte productivité peut-il perdurer ? Parce qu’elle nous fait travailler moins vite et moins bien, la chaleur fait perdre plus de 2 000 milliards de dollars (environ 1 830 milliards d’euros) à l’économie mondiale chaque année.
Avec ce documentaire qui, du Qatar à la France en passant par les Etats-Unis, l’Inde, l’Italie ou le Nicaragua, éclaire le redoutable phénomène de stress thermique en analysant les enjeux sanitaires, économiques et environnementaux, Mikaël Lefrançois et Camille Robert ont réalisé un remarquable travail. Ils ont interrogé des médecins, des architectes, des économistes, des responsables d’ONG et des dirigeants politiques dont les analyses, couplées aux récits d’hommes et de femmes décrivant leurs conditions de travail inadaptées aux fortes chaleurs, permettent de mieux saisir l’urgence de la situation.
Décès, graves maladies rénales, évanouissements, les effets du climat sont terribles pour des travailleurs qui subissent souvent des cadences infernales et ne sont pas protégés des températures caniculaires. Principales victimes : les ouvriers du bâtiment, dans les pays du Golfe mais aussi en Europe. En Inde, les ouvrières du textile entassées dans de gigantesques hangars mal climatisés, ou les très nombreuses couturières à domicile, travaillant dans des bidonvilles où tôle et ciment piègent la chaleur.
Accidents cardiaques et maladies rénales
Autres victimes : les ouvriers agricoles, comme ces coupeurs de canne à sucre en Amérique centrale qui travaillent dans des conditions archaïques. Les fortes chaleurs associées au travail musculaire intense et aux pauses trop peu nombreuses provoquent accidents cardiaques et maladies rénales.
Autre exemple frappant, celui des chauffeurs-livreurs de la compagnie UPS aux Etats-Unis : harcelés en temps réel par des manageurs qui traquent la moindre minute perdue, ils doivent effectuer entre cent trente et deux cents livraisons par jour dans un camion non climatisé où la température peut monter jusqu’à 50 degrés ! Accusée à de nombreuses reprises par l’inspection du travail américaine, la direction d’UPS affirme se soucier de la santé de ses salariés en équipant les camions de ventilateurs et les livreurs de nouveaux uniformes plus confortables. Des mesures évidemment insuffisantes dans un pays où, en soixante ans, le nombre de vagues de chaleur a triplé.
La situation est devenue tellement inquiétante que Joe Biden et sa vice-présidente, Kamala Harris, se sont emparés du sujet, demandant à l’agence gouvernementale OSHA de plancher sur une réglementation destinée à prévenir le stress thermique au travail.
Judy Chu, représentante démocrate de Californie, se bat depuis longtemps pour faire entrer la menace du climat dans le droit du travail américain. En 2006, une loi a été appliquée en Californie, imposant aux entreprises des pauses et la mise à disposition d’eau lorsque la température atteint 35 degrés. Suffisant ? Spécialiste du stress thermique, l’épidémiologiste Tord Kjellström estime qu’à la fin du siècle, au rythme actuel du réchauffement, « 15 % des heures de travail vont être perdues ».
Trop chaud pour travailler, de Mikaël Lefrançois et Camille Robert (Fr., 2023, 93 min).