Trois candidats pour reprendre Phildar
Le tribunal de commerce de Lille Métropole a examiné, mardi 8 septembre, les trois offres de reprise de Phildar présentées par PP Yarns, Mondial Tissus, et Kindy. L’enseigne de fil à tricoter nordiste a été placée en redressement judiciaire en juillet. Car la crise du Covid-19 a accéléré la chute de cette marque septuagénaire à l’origine de l’empire Mulliez (Auchan, Boulanger, Leroy Merlin…). Le quatrième candidat, une filiale de Krief Consulting (groupe de conseil et de prise de participation en « business développement »), s’est retiré quelques jours avant l’audience.
Même si ces trois dernières années, les actionnaires de l’AFM (Association familiale Mulliez) ont remis près de 7,5 millions d’euros pour maintenir à flot l’entreprise qui compte encore 211 salariés, dont 131 dans les 115 magasins, aucune stratégie n’a été mise en place pour sauver l’entreprise. Du moins, pas assez rapidement pour sauver Phildar.
Un nouveau directeur général a, en effet, été nommé en décembre 2019. Eric Vandendriessche devait présenter son plan de redressement le 19 mars, mais l’épidémie due au coronavirus l’a contraint à reporter. C’est finalement devant le tribunal de commerce sis à Tourcoing, mardi, que M. Vandendriessche a présenté son plan, devenu offre de reprise. Représentant la société PP Yarns (PP, pour Phildar Pingouin, et Yarns, pour « fils textiles » en anglais), Eric Vandendriessche s’est associé à 24 autres actionnaires individuels, dont 20 membres de la galaxie Mulliez, pour proposer la reprise de 86 salariés, 8 succursales et 7 boutiques affiliées. PP Yarns souhaite abandonner le prêt-à-porter pour se recentrer sur l’offre de fils à tricoter, la laine et le savoir-faire de Phildar et Pingouin à travers une « web company ».
« Manipulation »
Cette offre, qui n’est pourtant pas celle qui propose de maintenir le plus d’emplois ni le plus de magasins, a reçu, lundi, un avis favorable à l’unanimité du comité social et économique (CSE, anciennement comité d’entreprise ou CE). « On a choisi nos dirigeants actuels car Eric Vandendriessche est fédérateur, et il a une stratégie pour l’avenir, expliquent Bernard Fovez, délégué CFDT Phildar, et Dominique Vanwildermeersch, secrétaire du CSE. D’ailleurs, on n’en veut pas à l’AFM. »
Difficile à comprendre pour les deux autres repreneurs potentiels. « Il y a un vrai problème de manipulation, avance Salih Halassi, PDG de Kindy. Comment se fait-il que le comité d’entreprise valorise l’offre de PP Yarns contre la nôtre alors qu’on propose de reprendre presque le double d’emplois ? » Kindy reprendrait 139 salariés et 27 magasins pour faire muter l’activité prêt-à-porter vers le homewear et le cocooning. Mondial Tissus garderait 93 salariés et 16 magasins et propose de reclasser les autres salariés dans les Mondial Tissus. Partenaire de Salih Halassi dans son offre de reprise de Phildar, Jérémie Nathan, ex-directeur général de Phildar, ajoute : « Notre offre a été commentée dans l’entreprise par le dirigeant actuel. Or, on ne peut pas être juge et partie. »
Dans le cadre de l’urgence sanitaire, une ordonnance d’Emmanuel Macron du 20 mai facilite pourtant les reprises des entreprises par leurs propriétaires. Ce n’était possible auparavant qu’à condition d’avoir reçu une autorisation préalable du parquet. « Cette ordonnance est un vrai problème qui change les règles du jeu, puisque, aujourd’hui, on peut organiser sa propre reprise, son propre défaut de paiement et mettre en jeu l’avenir des fournisseurs », estime Salih Halassi.
Le tribunal a mis l’affaire en délibéré au 22 septembre.