Travail détaché : une peine sans précédent pour Terra Fecundis, déjà condamnée il y a un an
Le tribunal de Marseille vient d’infliger une très lourde sanction financière à une entreprise d’intérim espagnole impliquée dans une affaire de travail dissimulé. La société Terra Fecundis – récemment renommée Work for All – a été condamnée, vendredi 10 juin, à verser un peu plus de 80 millions d’euros de dommages-intérêts à l’Urssaf pour compenser le préjudice lié au non-paiement de cotisations sociales. Il s’agit d’un « record », selon Me Jean-Victor Borel, l’avocat de cet organisme. La décision, qui intervient au plan des intérêts civils, s’inscrit dans le prolongement du jugement rendu le 8 juillet 2021 sur le terrain pénal dans le même dossier : l’ex-Terra Fecundis s’était alors vu infliger 500 000 euros d’amende – soit le maximum encouru –, et des peines de prison avec sursis avaient été prononcées à l’encontre de plusieurs de ses dirigeants ou ex-dirigeants.
Les faits incriminés remontent à la période allant de 2012 à 2015. L’entreprise espagnole a été poursuivie pour avoir mis à la disposition de maraîchers établis dans le Midi plusieurs milliers de salariés sans déclarer ces derniers aux organismes sociaux français. En outre, les travailleurs concernés, de nationalité équatorienne pour la plupart, ont subi de graves atteintes à leurs droits : heures supplémentaires non payées, durées maximales d’emploi très largement dépassées… C’était « Germinal dans les exploitations agricoles », selon la formule lancée lors du procès par le procureur de la République, Xavier Leonetti.
« Une très belle victoire »
Les infractions ont été commises en dévoyant le système dit du « détachement ». Ce dispositif permet à un patron d’envoyer du personnel à l’étranger tout en réglant les cotisations sociales dans l’Etat où il est implanté. A une condition : les salariés « exportés » ne doivent effectuer que des missions temporaires dans le pays d’accueil. Une obligation dont l’ex-Terra Fecundis s’est exonérée, en faisant travailler ses intérimaires pendant des mois dans l’Hexagone, sans les affilier à l’Urssaf, tout en payant ses contributions en Espagne, où elles sont moins élevées.
Le jugement de vendredi constitue une « très belle victoire » dans le cadre de « la plus grosse affaire de fraude sociale jamais jugée en France », confie Me Borel. « Le tribunal a fait droit à l’intégralité de nos demandes », ajoute-t-il, les dommages-intérêts alloués correspondant aux contributions que l’ex-Terra Fecundis aurait dû verser à l’Urssaf. « C’est une grande satisfaction », renchérit Me Vincent Schneegans, le conseil de deux organisations de la CFDT qui étaient parties civiles dans la procédure et qui ont obtenu 15 000 euros chacune, « en réparation du préjudice moral ». La Confédération paysanne, également partie civile, s’est, pour sa part, vu attribuer 10 000 euros au même titre.
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