Travail à distance : comment le téléprésentéiste donne l’illusion d’être actif alors qu’il fait ses courses

Travail à distance : comment le téléprésentéiste donne l’illusion d’être actif alors qu’il fait ses courses

Malgré une incontestable évolution des mœurs, le management à la française n’a pas totalement rompu avec ses démons présentéistes. L’équation absurde consistant à supposer une équivalence entre présence et implication professionnelle continue à être valable, même à distance. A tel point qu’un nouvel archétype a vu le jour, enfant monstrueux du télétravail et de la surveillance corporate : le téléprésentéiste. A la fois absent et omniprésent.

Pour qualifier ce nouvel état, où l’on n’est pas physiquement là mais où l’on se manifeste au travers des outils numériques, le chercheur Christian Licoppe parle de « présence connectée ». « Ce qui donne ici consistance à la présence, ce n’est pas la coprésence des corps et la concentration (hypothétique) de l’attention, c’est la fréquence des contacts et la continuité temporelle qu’ils instaurent », écrit-il dans son texte « Les formes de la présence » (Revue française des sciences de l’information et de la communication, 2012). A la présence comme état (physique et psychique) s’est substituée une présence signalétique, détachée de l’« être ici et maintenant ».

Comme jadis la bonne vieille martingale de la veste laissée sur le dos de la chaise de bureau pour faire croire qu’on est aux toilettes alors qu’on est parti faire ses courses, les signaux envoyés par un usage frénétique de Slack, de Teams et autre Hangout sont parmi les nombreuses astuces que le téléprésentéiste mettra en œuvre pour avoir l’air de se consacrer à fond à son travail.

Se manifester très tôt le matin par un simple « hello » vous fera passer pour un type qui démarre sa journée de travail aux aurores, même si, en vrai, vous êtes en train d’accueillir le chauffagiste en pyjama. Idem si un message vous surprend au rayon charcuterie de Monoprix pendant vos heures de travail : « Je te réponds tout à l’heure, je suis en rendez-vous extérieur », balancera alors, dans la demi-seconde, le téléprésentéiste, qui aime à faire savoir qu’il ne ménage pas sa peine, il est également du genre à poster sur les réseaux sociaux des photos de lui en train d’avaler un sandwich devant son laptop, assorties des hashtags #workfromhome et #viededingue.

Superviser l’activité des salariés à distance

S’insérer dans les boucles de mails, faire coucou à ses supérieurs en leur posant une question « super importante » par texto, intervenir de manière marquante dans une visio avant de couper discrètement la caméra et le son (au passage, choisir un fond d’écran qui évoquera le labeur et non un décor de Riviera mexicaine) sont de bons moyens de se montrer téléimpliqué.

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LJD

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