Sobriété : des entreprises amorcent la refonte de leur « business model »
Comment réconcilier les enjeux économiques, écologiques et sociaux ? « Au niveau macroéconomique, la sobriété doit s’organiser à plusieurs niveaux, explique l’économiste Dominique Méda. Il s’agit en même temps de soutenir l’activité productive de manière sélective, c’est-à-dire de produire ce dont nous avons vraiment besoin en privilégiant la durabilité des produits ; de favoriser les filières de recyclage et les filières de réparation qui sont un gisement d’emplois ; de renforcer les infrastructures de transport et de mettre en place des politiques et des revenus de transition. »
Mais au niveau microéconomique ? « L’objectif est de sortir de la RSE [responsabilité sociétale des entreprises] à la papa, d’arrêter la logique de réduire les impacts négatifs pour passer à une recherche d’impacts positifs quantifiables », explique Armelle du Peloux, cofondatrice du projet Convention des entreprises pour le climat (CEC).
Prise de conscience
Pour passer de la parole aux actes, 170 entreprises de tous secteurs et de toute taille planchent depuis septembre 2021 et jusqu’à fin juin pour mettre à plat leur business model et le réorienter. Leurs dirigeants étaient personnellement sensibilisés avant de rejoindre la CEC. Concrètement, le premier pas du chef d’entreprise consiste à répondre à deux questions : Qu’est-ce que je lâche ? Qu’est-ce que je développe ? Il peut s’agir de produits, de services, de mode de production ou de conditions de travail. Car la sobriété se pose aussi en matière de ressources humaines.
Dans les faits, la première étape largement partagée par les participants à la CEC aura été une prise de conscience. « Personnellement, dès la première séance, j’ai pris ma claque. Je me croyais engagé pour l’environnement, mais je ne connaissais qu’un dixième de la réalité des enjeux. Je me donnais du temps, or du temps, il n’y en a pas. On va droit dans le mur, si on ne change rien », reconnaît Raphaël Zaccardi. L’ex-PDG de Caterpillar France (1 450 salariés en France) vient de passer la main à Dominique Krubler pour poursuivre le projet désormais bien engagé.
La deuxième phase est celle de la sensibilisation, autrement dit la formation, à la fois pour mettre tous les salariés au même niveau d’information et pour que le projet soit porté par tous les encadrants, au-delà des dirigeants, « pour que chacun sache ce qu’il peut faire à son niveau dès cette année, pendant qu’on travaille au devenir du groupe à dix ans », explique M. Zaccardi. « Il est important de réhabiliter le temps long, en commençant par donner du temps aux collaborateurs pour se former. On a mis en place un MOOC [cours en ligne] obligatoire et on s’est donné jusqu’en 2023 pour former tout le monde », témoigne Xavier Ouvrard, PDG de Babilou Family, gestionnaire de crèches qui compte 5 000 salariés en France.
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