« S’il fait trop chaud, on s’arrête », dans le BTP des chantiers freinés par la canicule

« S’il fait trop chaud, on s’arrête », dans le BTP des chantiers freinés par la canicule

Un homme se rafraîchit avec de l’eau alors qu’il travaille sur un chantier de construction à Merignac, près de Bordeaux, le 14 juin 2022.

La soirée électorale de Francis Dubrac, président de Dubrac TP, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) – « quatre cents bonshommes, une cinquantaine de chantiers en Ile-de-France » –, a pris une autre tournure, dimanche 12 juin, au moment de la diffusion du bulletin météo annonçant des fortes chaleurs partout en France, en fin de semaine. Dès lundi matin, il adressait une note de service « alerte canicule » à tous ses chefs de chantier pour les inciter à surveiller les coups de chaleur chez leurs ouvriers et leur rappeler la conduite à tenir au moindre mal de tête. L’eau est disponible à volonté, mais là, insiste-t-il, 3 litres minimum doivent être distribués par personne.

Le même jour, un semi-remorque de palettes de bouteilles d’eau a été livré au dépôt principal de la société Fayolle, à Soisy-sous-Montmorency (Val-d’Oise) – cinq cents salariés, une centaine de chantiers autour de Paris. Pour les ouvriers les plus exposés, comme ceux qui étalent de l’enrobé ou de l’asphalte à 180 °C, la journée de travail pourra démarrer dès 6 heures et se terminer à midi, explique Christophe Rogron, directeur travaux publics de l’entreprise. « On applique ces règles depuis une vingtaine d’années. La canicule de 2003 a laissé des traces. »

Des horaires plus matinaux

Décaler les horaires, programmer les tâches les plus physiques à la fraîche, boire avant d’avoir soif, se rafraîchir régulièrement, ce n’est ni plus ni moins que la recommandation de l’Organisme de prévention des branches professionnelles du BTP. « Ensuite, on adapte. ça n’est pas la même chose si le chantier est en ville, à la campagne, sous les arbres ou non », poursuit le directeur de Fayolle. Les chantiers en France ne sont toutefois pas encore organisés comme à Dubaï, où le travail commence à l’aube, s’arrête à midi, et reprend en fin d’après-midi, parfois jusqu’à 22 heures. « En zone habitée, nous ne pouvons pas faire de bruit le matin, ni tard le soir », explique M. Dubrac. « La réglementation interdit de faire du bruit entre 22 heures et 6 heures. Mais, en zone dense, avant 8 heures, ça n’est pas très accepté ; 7 h 30, on y arrive, mais 6 heures, jamais, relève Philippe Servalli, le président de la Fédération française du bâtiment Grand Paris Ile-de-France. Par ailleurs, comment demander aux compagnons d’arriver tôt si le métro ne circule pas ? Tout cela demande une réflexion globale. »

Le code du travail ne donne pas de température seuil au-delà de laquelle l’activité est interdite, mais les employeurs sont tenus de veiller à la sécurité et à la santé de leurs salariés. Dans certains cas, la climatisation a tout changé. Les grutiers travaillent désormais au frais, dans leur cabine, tout comme les conducteurs de pelles. Les couvreurs et les étancheurs, profession moins connue mais très exposée aux fortes chaleurs puisqu’il s’agit de dérouler des bandes de bitume noires ou réfléchissantes sur les toitures et de les souder au chalumeau, n’ont pas ce privilège. Tout au plus peuvent-ils monter une glacière sur le toit. « Pour nous couvreurs, il n’y a pas de sujet, explique Guillaume De Koninck, 43 ans dont vingt-sept passés sur les toits de Paris et d’Ile-de-France. S’il fait trop chaud, on s’arrête. Il y a déjà peu de candidats pour faire notre métier, si en plus je ne fais pas travailler les gars dans de bonnes conditions, je ne m’en sortirai pas. »

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LJD

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