Risque de pénurie de Carambar en raison d’un conflit social dans le Nord
Et si les Carambar disparaissaient momentanément des rayons des supermarchés ? Ce n’est pas une blague, mais bien la conséquence d’une dizaine de journées de débrayage entamées depuis la mi-novembre 2020 par une grande partie des 114 salariés de l’usine Carambar de Marcq-en-Baroeul, dans le Nord. « La semaine dernière, on devait sortir 120 tonnes de marchandises, on en a fait que 12, explique Fayçal Rahali, délégué SUD. Ralentir la production, c’est le seul levier qui nous reste face à la direction. »
Début novembre, le groupe Carambar & Co (marques Lutti, Poulain, Krema, Michoko, Suchard, Malabar…) a annoncé le déménagement de l’usine vieillissante de Marcq-en-Baroeul à 8 kilomètres de là, dans le site Lutti, à Bondues, où travaillent déjà 300 salariés. Objectif de l’entreprise française, créée lors du rachat de la marque par la société d’investissement Eurazeo en 2017, améliorer la « compétitivité » du premier producteur de confiserie français.
C’est à Bondues que sont notamment produits certains bonbons stars du marché français comme les Arlequin, Bubblizz ou Koala. Le PDG de Carambar & Co, Thierry Gaillard, a assuré aux représentants syndicaux que le déménagement et la fermeture de l’usine de la rue de la Chocolaterie se feraient sans suppressions d’emplois : 105 postes seront proposés à Bondues pour les 114 CDI salariés de Marcq, et 10 postes (pour les non ouvriers) en reclassement sur les cinq autres sites du groupe.
« Nous allons perdre en moyenne 22 % de notre rémunération »
« Le déménagement ne nous pose pas de problème, mais la perte de salaire, si ! Ils ferment l’usine, ils nous licencient, puis nous reprennent à Bondues en supprimant une partie de nos primes. Nous allons perdre en moyenne 22 % de notre rémunération, détaille David Poure, délégué FO, syndicat majoritaire dans l’usine marcquoise, construite en 1899, rue de la Chocolaterie. On a entrepris une médiation avec la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, qui a admis que ce n’était pas possible de nous baisser ainsi nos salaires. »
Le PDG a fait savoir que son groupe était sur un marché compliqué, concurrentiel, en déclin depuis deux ou trois ans. A La Voix du Nord, il a précisé : « Nous faisons des économies d’échelle en regroupant tout sur un même site. Rappelons-nous qu’en d’autres temps, d’autres actionnaires parlaient de délocalisation en Pologne ou en Turquie… » Les salariés mettent eux en avant le bon chiffre d’affaires de leur entreprise : 330 millions d’euros pour une production annuelle de Carambar de 7 500 tonnes, soit plus de 80 000 kilomètres de barres au caramel et cacao, ou aux fruits produits chaque année.
Avec ses collègues réunis autour de pneus enflammés déposés devant l’entrée de l’usine marcquoise, Fayçal Rahali prévient : « On est prêts à faire des concessions, mais on gagne en moyenne 1 550 euros nets par mois, alors notre seule arme pour négocier, c’est de sortir le moins possible de Carambar, Michoko et Gom’s de l’usine. » L’approvisionnement en lait et graisse a été bloqué jusqu’à lundi par les grévistes. « A ce rythme, ajoute-t-il, il sera bientôt plus facile de trouver une PlayStation 5 que des Carambar… »