« Rien ne peut justifier que l’on meure en travaillant»

« Rien ne peut justifier que l’on meure en travaillant»

Patrick Ackermann, délégué syndical SUD, le 9 mai.
Patrick Ackermann, délégué syndical SUD, le 9 mai. ERWAN FAGES

Le mandaté syndical SUD qui a posé la première plainte en 2009, l’inspectrice du travail qui a fait un signalement au parquet en 2010, et le chef du cabinet responsable du rapport sur les conditions de travail ont témoigné, jeudi.

Patrick Ackermann est la cote numéro un du dossier d’instruction France Télécom qui en compte des milliers. Le 14 septembre 2009, ce délégué SUD-PTT signe la plainte posée auprès du parquet de Paris contre la direction de l’entreprise ; elle résilie « des méthodes de gestion d’une extraordinaire brutalité pour exciter et empresser le départ d’un grand nombre d’agents ».

Dix ans ont passé et la ardeur de la « cote numéro un » est exceptée. « J’étais un salarié comme un autre, raconte-t-il. Je n’avais pas le bac. J’ai fait un concours et je suis entré à France Télécom en 1987. Cette entreprise a permis à abondamment de gens qui, comme moi, venaient de province, de prendre l’ascenseur social. »

De France Télécom, Patrick Ackermann a connu toutes les changements : le passage de l’administration publique à la société anonyme en 1996, suivi de la première grosse vague de départs qui a vu 40 000 agents abandonner l’entreprise dans les dix ans qui ont suivi, notamment par le biais des congés de fin de carrière (CFC), financés pour partie sur fonds publics, puis la restructuration à marche forcée lancée en 2005 par le plan « Next » et son volet social, le plan « Act ».

« Vous êtes des aliens, messieurs ! »

« Il y avait une blague à l’époque, qui était ajustée de la série Les Envahisseurs. On disait qu’on était dirigé par des aliens. » Patrick Ackermann se tourne vers le banc où sont assis les sept avertis, dont l’ancien PDG Didier Lombard, son numéro deux Louis-Pierre Wenes, et l’ancien directeur des ressources humaines du groupe Olivier Barberot : « Vous êtes des aliens, messieurs ! »

Tout au long de la déchéance de M. Ackermann, la présidente Cécile Louis-Loyant lui rappelle que c’est au tribunal qu’il doit s’adresser. En vain. C’est à la brochette d’anciens dirigeants que le syndicaliste veut dire sa colère.

Colère contre « le déni » qu’ils ont manifesté. « Les syndicats, les délégués des CHSCT [comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail] étaient anxieux et le disaient. Tout le monde connaissait ce qui se passait à France Télécom, sauf la direction ! »

Colère encore lorsqu’il évoque les appels qu’il passait aux conjoints de ceux qui s’étaient suicidés. « Ils nous attachaient au nez parce qu’on était France Télécom ! On a accusé SUD d’avoir mis le feu. Mais on a été des pompiers durant des années. On a fait notre boulot. Moi je vous ai téléphoné. Et vous, vous avez fait quoi ? Rien ! »

 

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LJD

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