Réforme des retraites : le chômage des seniors, angle mort du débat public
La réforme des retraites risque de causer des dégâts collatéraux dont il a peu été question, jusqu’à présent, dans le débat public. C’est l’une des réflexions qui vient à l’esprit à la lecture d’une étude publiée, mercredi 1er mars, par l’Unédic, l’association paritaire qui gère l’assurance-chômage. Elle remet en lumière un phénomène déjà exploré par d’autres recherches : le fait de reculer l’âge d’ouverture des droits à une pension est susceptible de se traduire par un plus grand nombre de seniors sans activité.
Le document diffusé par l’Unédic s’intéresse en particulier aux incidences de la loi de novembre 2010, qui avait reporté de 60 à 62 ans l’âge légal de départ à la retraite. En préambule, les auteurs de la note prennent la précaution de souligner que les résultats auxquels ils aboutissent ne peuvent pas « être projetés tels quels » sur la période à venir, notamment parce que « les générations ne sont pas comparables d’une décennie à l’autre », tout comme les « contextes économiques ». Pour autant, ce retour sur le passé apporte un éclairage sur ce qui pourrait advenir avec la réforme en cours d’examen au Sénat, puisqu’elle repousse, elle aussi, de deux années l’âge d’ouverture des droits.
Entre la mi-2010 et la mi-2022, le nombre de bénéficiaires de l’allocation-chômage, âgés d’au moins 60 ans, s’est accru de 100 000. Quant aux indemnisations versées aux demandeurs d’emploi d’au moins 55 ans, elles ont augmenté de 38 % entre 2010 et la période allant de la mi-2021 à la mi-2022. Soit une progression très supérieure à celle observée pour les moins de 55 ans (+ 16 %). Là encore, la prudence s’impose, car « l’effet propre des réformes des retraites sur les dépenses [pour les] seniors est complexe à isoler », plusieurs facteurs entrant en ligne de compte (conjoncture économique, modification des règles de l’assurance-chômage, évolution démographique…).
Des propositions au Sénat
Ces données convergent avec celles issues d’enquêtes conduites antérieurement. Deux d’entre elles, réalisées par des directions ministérielles, ont été présentées lors d’une réunion du Conseil d’orientation des retraites en janvier 2022. L’une indique que le décalage de l’âge légal de départ de 62 à 64 ans « se traduirait » par une hausse de « près de 84 000 » du nombre de bénéficiaires de l’allocation-chômage, « dont près de 60 000 » auraient 62 et 63 ans. L’autre montre qu’une telle mesure d’âge pourrait faire basculer davantage de personnes vers les minima sociaux : + 30 000 pour ce qui est du revenu de solidarité active et + 30 000, également, s’agissant de l’allocation de solidarité spécifique attribuée aux chômeurs en fin de droit – cette évolution étant très concentrée sur les tranches d’âge situées après 60 ans.
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