Reconstruction de Notre-Dame : « L’altruisme des grandes entreprises n’est pas une aberration économique »

Reconstruction de Notre-Dame : « L’altruisme des grandes entreprises n’est pas une aberration économique »

Dans une tribune au « Monde », les chercheuses en management Héloïse Berkowitz et Isabelle Martinez expliquent que les dons faits par les entreprises ont à la fois une fonction éthique et une fonction économique.

Publié aujourd’hui à 11h23, mis à jour à 11h49 Temps de Lecture 3 min.

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Pendant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril 2019.
Pendant l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, lundi 15 avril 2019. JEAN-CLAUDE COUTAUSSE / FRENCH POLITICS POUR « LE MONDE »

Tribune. La prompte générosité financière du secteur privé venu au secours de Notre-Dame ouvre un débat sur la nature du contrat social existant entre les entreprises et la société, et sur la prédominance de certaines logiques (morales ou économiques) dans l’action des firmes.

La notion de responsabilité sociale est apparue au milieu du XXe siècle, parallèlement au développement de la « grande entreprise ». Cette notion fait référence à la fois à des objectifs extra-financiers, et aux obligations morales de l’entreprise vis-à-vis de la société, notamment celle d’assurer son bien-être. C’est dans cette perspective qu’il convient de situer les actuelles discussions sur « le rôle social de l’entreprise » évoqué par la loi Pacte et la controverse sur les dons pour la reconstruction de la cathédrale.

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L’empressement des donateurs est-il le signe d’une véritable prise en compte de cette responsabilité sociale, ou un effet d’aubaine ? Cet incident n’est-il pas in fine aussi, voire surtout, une opportunité économique ?

Motivations philanthropiques et altruistes

A première vue, la forte et rapide mobilisation des donateurs peut s’expliquer par des motivations philanthropiques et altruistes. Selon le moine bouddhiste Matthieu Ricard, l’altruisme suppose d’accorder de la valeur à l’autre et d’être concerné par sa situation, sans pour autant que cela exige un sacrifice (Plaidoyer pour l’altruisme, Nil, 2013). L’exemple de Notre-Dame recouvre ces deux dimensions : l’élan de solidarité de la part des entreprises témoigne de leur volonté de préserver un bien commun, sans risquer de mettre en péril leur viabilité financière. En comparaison avec des catastrophes environnementales ou humanitaires, c’est bien parce que Notre-Dame possède une valeur forte aux yeux des donateurs que son incendie a suscité un tel émoi et un tel altruisme.

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Pour faire taire toute ambiguïté sur la possible défiscalisation des sommes versées, certains ont d’emblée promis qu’ils renonçaient à celle-ci. D’autres entreprises ont annoncé privilégier, non pas le don financier, mais le don du temps de leurs salariés dit « mécénat de compétences ». Pour autant, la défiscalisation ne signifierait pas une absence pure et simple de dépense. Les régimes de défiscalisation sont nombreux et complexes, mais dans ce cadre précis, les dons, même défiscalisés, augmenteraient en réalité les dépenses de l’entreprise. Il y a donc bien une forme de générosité.

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LJD

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