Qui veut encore travailler à la Défense ?
EnquêteLe quartier d’affaires au nord-ouest de Paris se vide. Cette vie minérale et encravatée ne fait plus rêver les jeunes actifs. En cause : leur plébiscite du télétravail et l’isolement – relatif – du centre économique, dont la verticalité symbolise un rapport au travail périmé
C’était en décembre 2021, entre deux vagues de Covid-19. Sogeprom, promoteur immobilier et filiale de la Société générale, organisait une conférence d’échanges d’idées sur l’avenir du bureau. « Vous préférez venir ou être en visio ? On est à la Défense », m’interrogeait-on. L’option à distance m’allait bien. Deux jours plus tard, un autre appel demandait aux participants s’ils se déplaceraient au cas où la réunion aurait lieu à Paris. La rencontre s’est finalement tenue dans un salon loué pour l’occasion près de la station George-V, autrement dit à six arrêts de métro de la station Esplanade-de-la-Défense.
Malgré ses beaux locaux, Sogeprom sait que les gens traînent les pieds pour venir dans le quartier d’affaires, qui est loin d’avoir retrouvé sa population d’avant la crise sanitaire. Combien de personnes manque-t-il dans ce qui est le plus grand pôle tertiaire d’Europe ? Un quart des 180 000 personnes qui travaillaient là avant la pandémie, à en croire Paris La Défense, l’établissement public qui gère le quartier. Le restaurant Sodexo interentreprises, installé dans Les Collines de l’Arche, prévu pour 2 000 personnes, n’en sert plus que la moitié, « et encore, c’est la moyenne haute », selon un de ses responsables.
Alors qu’on reprochait au quartier d’affaires d’être débordé par ses flux – illustrés par la queue pour l’escalator qui permet de s’extirper du RER A –, confinements et télétravail ont montré qu’on n’y vivait pas nécessairement mieux en étant moins nombreux. « Pendant les confinements, j’ai totalement perdu l’habitude de me coltiner 45 minutes de métro ou de RER », raconte Marc (plusieurs des personnes interrogées ont souhaité rester anonymes), 29 ans. Fin 2020, il a repris le boulot dans une agence numérique, passée de Paris à la Défense par souci d’économie, en instaurant le télétravail. Son entreprise lui impose deux jours par semaine dans les bureaux – deux jours de trop, selon lui. Comme il travaille avec des développeurs en Roumanie et dans d’autres pays européens, quand il arrive au bureau, il met son casque sur les oreilles.
Open spaces vides
« A chaque réunion, il y a au moins un participant en conf’call. Chaque fois je me dis que j’aurais très bien pu ne pas venir. Quand je suis sur place, je ne peux pas me lever pour faire un café ou me mettre dans le canapé », regrette Marc. Ajoutez à cela que les open spaces vides peuvent être sinistres. Les entreprises qui « rendent des étages », comme on dit à La Défense, passent généralement au flex office en même temps qu’au télétravail partiel. « Celui qui arrive le plus tôt chope la meilleure place, sinon c’est l’entrée ou le couloir… », raconte Marc à propos de la nouvelle organisation de son agence, hébergée dans un espace de coworking. En entreprise, les postes ne sont plus attribués alors qu’ils le sont encore à la table de la cuisine, chez soi.
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