Pour les jeunes, des discriminations à l’emploi décuplées en temps de crise
La jeunesse est la population qui paie le plus lourd tribut à la crise économique engendrée par l’épidémie. En un an, le nombre de chômeurs de moins de 24 ans a bondi de 16 % au troisième trimestre 2020, selon les chiffres de l’Insee. Leur taux d’emploi a, lui, quatre fois plus reculé pour le reste de la population. Et pour les jeunes qui trouvaient déjà portes closes avant le Covid-19 en raison de leurs origines, de leur couleur de peau ou encore de leur handicap, les phénomènes de rupture s’accentuent encore davantage.
« A chaque fois que l’économie se dégrade, les discriminations à l’emploi sont décuplées », souligne le sociologue Jean-François Amadieu, directeur de l’Observatoire des discriminations. « Lorsque les employeurs ont plus de latitude de choix, avec un déséquilibre de l’offre et de la demande, et font face à des impératifs d’urgence induits par la crise, l’influence des biais liés notamment au physique, au poids ou à l’origine explose de manière mécanique à l’embauche », complète le chercheur.
En dehors des périodes de crise, ces biais discriminants agissent déjà grandement sur le choix des recruteurs. Ainsi, les candidats ayant un prénom à consonance maghrébine ont 25 % de chances en moins de recevoir une proposition positive à l’envoi d’un CV, a montré une vaste enquête du CNRS, rendue publique en 2020. Les femmes obèses ont, elle, 7 points de moins de probabilité de trouver un emploi, indique une note de l’Insee de 2016.
« Subjectivité du recruteur »
« Les jeunes font partie d’une catégorie déjà défavorisée sur le marché de l’emploi », soulève Yamina Meziani, chercheuse en sociologie au centre Emile-Durkheim de l’université de Bordeaux et coautrice de l’ouvrage à paraître La Jeunesse fantôme, jeune âge et discrimination dans le recrutement (éditions le Bord de l’eau). « On les traite différentiellement sur un marché du travail français où l’accumulation d’expérience est de plus en plus valorisée pour juger des compétences du candidat, et notamment de ses soft skills, montre-t-elle. Comme les jeunes ne peuvent que peu mobiliser cette notion d’expérience, ce sont d’autres éléments, davantage basés sur la subjectivité du recruteur, qui vont venir nourrir la sélection. »
« Il y a une recherche d’idéaux types : le jeune qui aura fait la même école que le recruteur, qui aura été recommandé… Avec l’idée qu’il s’agit de minimiser le risque, ou ce qui est perçu comme tel » Yamina Meziani, chercheuse
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