Pour la plupart des plates-formes Internet, « le salariat, c’est le grand Satan »

Pour la plupart des plates-formes Internet, « le salariat, c’est le grand Satan »

Un livreur Uber Eats lors d’une manifestation à Nantes, le 12 mars 2021.

En France, la Cour de cassation a rendu, en mars 2020, une décision comparable à celle de la Cour suprême de Londres : elle a requalifié le contrat de prestataire d’un chauffeur de VTC Uber en contrat de travail. Pour autant, dans l’Hexagone, Uber poursuit sa route avec des autoentrepreneurs. En conséquence, les chauffeurs de VTC désirant être requalifiés comme salariés doivent porter leur affaire devant les tribunaux, avec des fortunes diverses.

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Le 4 mars 2020, l’arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, qui a jugé que le statut d’indépendant d’un chauffeur de VTC d’Uber était « fictif » et que sa relation relevait, en réalité, d’un contrat de travail avec Uber, avait fait l’effet d’une bombe. La Cour avait traduit l’arrêt en plusieurs langues et l’avait assorti d’un communiqué, signe que, pour elle, la messe était dite.

Mais cela n’a pas eu le résultat escompté. L’arrêt « n’a entraîné ni requalification immédiate ou automatique de tous les chauffeurs » Uber « ni même eu une conséquence sur la jurisprudence en la matière », se félicite-t-on chez Uber. En effet, les tribunaux ne se sont pas tous alignés sur la position de la Cour de cassation.

« C’est une absurdité »

Le 23 juillet 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a confirmé que le contrat de huit chauffeurs avec Uber était commercial. Le 31 juillet, il a renvoyé une autre affaire en départage (formation avec un juge professionnel), les quatre conseillers n’ayant pu dégager une décision majoritaire. A l’inverse, le 23 novembre, le conseil de prud’hommes de Nantes a requalifié le contrat d’un chauffeur en contrat de travail. Uber a fait appel.

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Le 15 janvier 2021, la cour d’appel de Lyon, elle, a confirmé le statut d’indépendant d’un chauffeur Uber, qui se pourvoit en cassation. « Elle a repris tous les critères relevés par la Cour de cassation pour les tordre, déplore Stéphane Teyssier, l’avocat du chauffeur, qui en représente 200 autres devant les prud’hommes. Et, dans le même temps, elle reconnaît la compétence du conseil de prud’hommes, qui juge les affaires de salariés. C’est une absurdité. » Un mois plus tard, le conseil de prud’hommes de Paris a rejeté la requalification en salarié d’un chauffeur d’Uber.

Des travailleurs d’autres plates-formes ont saisi la justice. Ainsi, la cour d’appel de Paris a reconnu, le 18 février, l’existence d’un contrat de travail entre un chauffeur de VTC et la société Bolt, qui peut encore se pourvoir en cassation. Chez les livreurs de repas, plusieurs décisions leur étant favorables sont intervenues. Le 4 février 2020, le conseil de prud’hommes de Paris a condamné Deliveroo pour travail dissimulé et requalifié le contrat d’un livreur en contrat de travail. Le dossier est en appel. Des dizaines de décisions de requalification de livreurs de l’ex-Take Eat Easy par les prud’hommes continuent de tomber.

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