Peut-on accuser son patron d’être « un bandit un escroc et un voleur » ?

Peut-on accuser son patron d’être « un bandit un escroc et un voleur » ?

Droit social Un DRH considérant que son directeur général abuse des notes de frais en fait part au bureau de l’association qui l’emploie. Le lendemain matin, le directeur général (DG), toujours en poste, notifie au DRH sa « mise en congé pour huit jours ». Persuadé que le bureau de l’association ne comptait rien faire et que cette mise en congé augurait mal de son avenir professionnel, le DRH traite alors le DG de « bandit, d’escroc et de voleur » devant ses collègues.

Quelques jours plus tard, il est licencié pour faute grave pour avoir tenu ces propos. Il saisit alors le conseil de prud’hommes pour faire annuler son licenciement, au motif qu’il était un « lanceur d’alerte » et donc protégé par la loi contre toute sanction liée à sa dénonciation de faits délictueux. La Cour de cassation lui donnera finalement raison le 29 septembre 2021.

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L’association faisait valoir que le DRH n’était pas de bonne foi : qu’il ne pouvait pas se prévaloir du statut de lanceur d’alerte, car il avait connaissance des faits depuis de nombreuses années, qu’il avait d’ailleurs validé certaines notes de frais. Selon l’employeur, il avait alerté le bureau uniquement pour obtenir une protection légale, car il savait que son poste serait bientôt supprimé.

Pas une protection totale

La Cour de cassation n’entrera pas dans ce débat. Cela semble confirmer la tendance à une extension de la notion de bonne foi. Cela démontre aussi la réticence des tribunaux à examiner les motivations plus ou moins avouables du lanceur d’alerte. Il serait donc suffisant d’avoir, à l’époque du signalement, des motifs raisonnables de croire à la véracité des faits dénoncés, à la lumière des circonstances et des informations dont dispose alors le lanceur d’alerte.

Un précédent arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2020 avait d’ailleurs précisé que le lanceur d’alerte pouvait être de bonne foi même si une enquête révélait ultérieurement qu’il s’était trompé. Il n’est pas exclu que la Cour de cassation ait anticipé la transposition en droit français de la directive UE 2019/1937 du 25 septembre 2019 sur la protection des lanceurs d’alerte, qui contient cette définition de la bonne foi. Il est également probable que le projet de loi actuellement à l’étude inclut cette même définition.

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Il serait judicieux qu’à l’occasion de cette transposition, le législateur prévoie que la personne ayant participé aux faits reprochés ne puisse pas invoquer la protection de lanceur d’alerte. En résumé, même si vous lancez une alerte pour nuire à votre employeur ou pour vous protéger contre un licenciement, vous aurez le statut de lanceur d’alerte. Statut qui ne protège toutefois pas de tout licenciement, car l’employeur peut se séparer d’un salarié pour des faits distincts du signalement.

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LJD

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