Les jeunes cadres font monter Decathlon et Total sur le podium
Le distributeur d’articles de sport Decathlon, qui vient de s’offrir l’« Amazon du vélo », la start-up Alltricks, fait une entrée dans le top 5 du classement de la société suédoise Universum, publié le 11 septembre. Spécialisée dans la marque employeur, l’entreprise interroge, chaque année depuis 20 ans, les jeunes des grandes écoles d’ingénieur et de commerce sur leur employeur idéal.
Les étudiants s’expriment au printemps. Puis, depuis 2016, les jeunes cadres issus de ces mêmes écoles établissent leur palmarès à l’automne. La gradation des employeurs dans ce classement, souvent le produit du travail de communication des entreprises sur leur image, exprime aussi de nouvelles attentes des jeunes étudiants et des cadres. « Decathlon est un des cinq employeurs les mieux perçus concernant l’environnement de travail humain (« friendly »), le respect des salariés, la parité, l’esprit d’équipe et sur l’orientation client de l’entreprise. Ce dernier critère est plus important auprès des cadres qu’auprès des étudiants », déclare Aurélie Robertet, la directrice Universum France et Benelux.
Chaque année, la société suédoise Universumau consulte 1 300 000 étudiants d’une soixantaine de pays, dont quelque 40 000 en France. Au printemps 2019, 36 578 étudiants ont ainsi été interrogés.
Depuis 2016, Universum met ces résultats à l’avis de leurs aînés, qui ont déjà inséré le monde du travail, dans le but de mesurer l’évolution de l’image employeur à l’épreuve du terrain. Au total, 11 511 cadres sortis avec un niveau master des mêmes écoles d’ingénieurs ou de commerce que les étudiants consultés au printemps ont ainsi répondu à l’enquête, d’octobre 2018 à mai 2019.
Entre eux, 37 % sont issus d’écoles d’ingénieurs et 49 % d’écoles de commerce et de management, les autres ont des masters universitaires. Les jeunes cadres sont diplômés de 130 établissements. Leur expérience professionnelle moyenne est de sept ans pour les ingénieurs et de six ans pour les manageurs. Dans ce panel, un peu plus d’un ingénieur sur quatre (26 %) est une ingénieure et un peu plus d’un manageur sur deux (54 %) est une manageuse.
Les valeurs sûres
La composition du top 5 est très stable depuis des années. Elle reflète l’attraction solide des entreprises du luxe auprès des jeunes manageurs et de celles de l’aéronautique auprès des ingénieurs. LVMH, Google et L’Oréal Group sont les favoris des jeunes cadres d’école de commerce et de management, comme des étudiants des mêmes établissements. Les entreprises du luxe (LVMH, L’Oréal), continuellement au plus haut dans le classement, progressent encore cette année en nombre de voix. L’avionneur Airbus, Google et le groupe d’électronique Thales sont érigés en tête de classement par les jeunes ingénieurs, comme par les étudiants des mêmes écoles.
Les Gafam (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) progressent particulièrement dans le palmarès des ingénieurs : Apple gagne 15 places (11e), Amazon 2 (14e), Microsoft 9 (16e). Et Google tient sa deuxième place. Facebook n’a jamais rejoint le classement car « il est trop peu recruteur en France », précise Aurélie Robertet.
Les petits nouveaux
Le palmarès est établi à partir d’un questionnaire semi-assisté, comprenant 130 noms d’entreprises soumis aux jeunes cadres, qui sont invités à désigner leur « top 5 employeurs ». Ils peuvent, en plus, citer spontanément d’autres noms, ce qui explique l’entrée de nouvelles sociétés dans le palmarès d’une année sur l’autre.
Les étudiants en école de commerce ont ainsi fait entrer le créateur Chanel et la plate-forme de covoiturage BlaBlaCar en 2016, et le distributeur numérique de musique Deezer en 2018. Cette année, les jeunes ingénieurs, à leur tour, ont élu Chanel, à la 23e place, ainsi que l’entreprise biopharmaceutique Sanofi (28e), le spécialiste du diagnostic in vitro Biomérieux (74e), le groupe sucrier Tereos (96e), la société de commerce électronique Vente privée (98e). Decathlon avait accédé au palmarès des étudiants d’écoles de commerce en 2010 et à celui des anciens élèves en 2016, avant d’atteindre leur top 5 en 2019.
Les choix divergents entre anciens élèves et étudiants
Les jeunes cadres interrogés par Universum ont de six à huit ans d’expérience sur le marché du travail. Leur palmarès valide certains critères prioritaires des étudiants pour sélectionner leur employeur et corrige quelques fantasmes de jeunesse. Sur les 40 critères proposés pour définir l’attractivité des embaucheurs, les défis à relever et le travail dans une bonne ambiance sont importants pour les cadres et les étudiants, mais les priorités des cadres sont le salaire d’entrée et l’équilibre vie privée-vie professionnelle.
Cette différence d’attendus explique que les entreprises de conseil en stratégie séduisent moins les cadres que les étudiants (l’équilibre vie privée-vie professionnelle n’est pas dans leurs 10 premiers critères). McKinsey & Company a ainsi perdu 4 places dans le classement des jeunes manageurs et The Boston Consulting Group, 5. « Dans les objectifs de carrière, la quête de sens et l’équilibre vie privée-vie professionnelle sont plus importants pour les cadres que pour les étudiants », commente Aurélie Robertet.
Les banques ne font pas non plus rêver les jeunes ingénieurs : BNP Paribas (56e) recule de 8 places, le groupe Crédit agricole (70e) perd 9 places, Goldman Sachs perd 20 places et la Banque de France, 24. En revanche, les entreprises de l’agroalimentaire, boudées par les étudiants, ont gagné en attractivité auprès des jeunes ingénieurs. Nestlé (21e) gagne ainsi 6 places et Danone (18e), trois.
Les laissés-pour-compte
Dans l’énergie, le désamour se poursuit entre les recrues des grandes écoles et les entreprises du secteur. Il est tiré vers le bas par Orano (ex-Areva), dont le changement de nom n’a pas amélioré la cote (89e). Les jeunes ingénieurs ont déclassé le groupe d’énergie nucléaire de 38 places ! Dans ce déclin général, le groupe pétro-gazierTotal fait exception à la règle et crée la surprise en intégrant le top 5 du palmarès des jeunes ingénieurs, en quatrième place juste derrière Thales. « Même si ce n’est qu’une petite partie de leur business, ils communiquent beaucoup sur les énergies renouvelables », avance Aurélie Robertet. La « raison d’être inspirante de l’entreprise », devenue en 2019 le deuxième critère des jeunes cadres pour choisir leur futur employeur, aura sans doute profité à Total.