Ascoval, Jean Caby, Froneri… l’industrie du Nord est à la peine

A l’usine Jean Caby de Saint-André-Lez-Lille (Nord), le 28 juin.

Ce mercredi, le tribunal de grande instance de Strasbourg a repoussé sa décision sur l’aciérie nordiste Ascoval, accordant de fait un délai de cinq semaines au repreneur Altifort pour tenter de boucler son dossier et sauver cette usine sidérurgique, qui emploie 281 salariés.

Mardi 6 novembre, le directeur de cette aciérie de Saint-Saulve, près de Valenciennes (Nord), se disait « confiant » après des mois d’incertitude. « Le travail a repris lundi comme prévu et, sur la recherche de nouveaux clients, on avance », confiait Cédric Orban, juste après s’être entretenu avec un prospect indien. Il y a dix jours à peine, les salariés en grève bloquaient leur outil de travail, écœurés par l’attitude de Vallourec, propriétaire d’Ascoval à 40 %. Le groupe, qui a affiché une perte de 307 millions d’euros au premier semestre 2018, a jusqu’ici refusé de soutenir l’offre de reprise du franco-belge Altifort.

Après une forte médiatisation, le dossier Ascoval fait désormais partie des sujets brûlants de Bruno Le Maire. La semaine dernière, le projet de reprise proposé par Altifort a été jugé « solide » par le ministre de l’économie même s’il reste à confirmer le carnet de commandes, consolider le plan de financement et convaincre les banques de participer. Le président de la République a lui-même déclaré lundi dans la presse qu’il « peut y avoir un avenir pour le site Ascoval ». Le président de la région des Hauts-de-France reste prudent. Ancien agent d’assurances, d’un naturel méfiant, Xavier Bertrand a pour habitude de dire : « Tant que ce n’est pas signé, ce n’est pas fait. »

Le maintien de l’industrie, un combat permanent

Ne pas crier victoire d’autant que d’autres dossiers régionaux rappellent que le maintien de l’industrie est un combat permanent. A Beauvais (Oise), les salariés de Froneri (ex-Nestlé) ont appris le 10 octobre que leur usine fermerait ses portes en mars 2019. « C’est un coup…

Pourquoi faut-il se méfier des choix par défaut

« Le Biais comportementaliste », de Henri Bergeron, Patrick Castel, Sophie Dubuisson-Quellier, Jeanne Lazarus, Etienne Nouguez, Olivier Pilmis, Editions Les Presses de Sciences Po, 124 pages, 14 euros.

Livre. En Californie, en 1998, après que la ville de La Verne a informé 120 ménages chaque jour pendant un mois du nombre de foyers recyclant ses déchets dans leur quartier, le volume de recyclage a augmenté de 19 %. C’est ce qu’on appelle un « nudge », littéralement « un coup de coude » [une sorte de « coup de pouce »], pour inciter un individu ou un groupe d’individus à adopter un comportement voulu.

Les économistes comportementaux ont ainsi identifié une trentaine de biais cognitifs – la volonté de se conformer à une norme reconnue de tous, la préférence du choix par défaut, etc. – à partir desquels peuvent être élaborés des « nudges » pour les mettre au service des politiques publiques : de la santé, de l’éducation, etc. Dans Le Biais comportementaliste, un précis de théorie économique, six chercheurs du centre de sociologie des organisations de Sciences Po analysent l’essor de l’économie comportementale et ses dangers pour la société.

Cinq Prix Nobel

L’essor est indéniable tout comme la reconnaissance internationale : l’économie comportementale qui fait l’objet de plusieurs rapports de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) à partir de 2015 peut se prévaloir de cinq Prix Nobel. Depuis les premiers textes fondateurs de la fin des années 1970, les différentes approches ont été progressivement dominées par une économie comportementale « complémentaire à l’économie classique ».

Effet de mode ? Innovation politique ? L’économie comportementale séduit de plus en plus, et se diffuse dans un nombre de pays toujours plus grand. Après la création en 2010 par David Cameron d’une « Nudge Unit » au Royaume-Uni, ce fut au tour des Etats-Unis de Barack Obama en 2014 de créer la Social and Behavioral Sciences Team. L’unité américaine est chargée de concevoir des outils d’action publique pour la santé, la justice, la défense, le travail, etc. Canada, Allemagne, Pays-Bas, Danemark,…

Sécurité des accès informatiques

Quel est le Graal pour un pirate informatique ? Infiltrer l’Active directory de Microsoft, C’est à dire la base de données gérant les authentifications et les droits informatiques des usagers sur le réseau de l’entreprise.

« C’est le cœur d’une infrastructure informatique. Si un pirate en prend le contrôle, il dispose alors de toutes les clés et a accès à absolument tous les secrets de l’entreprise « , explique Emmanuel Gras, le responsable de 33 ans et fondateur d’Alsid avec Luc Delsalle.

Les deux jeunes ingénieurs ont mis en œuvre leur expérience opérationnelle acquise à l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) pour créer leur start-up en juin 2016. Au sein de l’agence de cybersécurité, ils ont analysé en détail les modes opératoires des cyberattaquants pour mieux les contrer. Les dernières failles sont détectées en temps réel et peuvent être colmatées grâce à des mises à jour téléchargeables depuis le cloud.

Cette démarche pratique séduit les très grandes entreprises qui disposent de milliers de postes informatiques à protéger. Parmi ses clients : Sanofi, Vinci énergies, Airbus Helicopters, Lagardère … Son service, payé sous forme d’abonnement annuel en fonction de la taille du réseau sécurisé, protège ainsi plus de 2 millions d’usagers dans le monde. De quoi lui assurer un chiffre d’affaires qui dépasse  1 million d’euros pour l’exercice 2018.

En 2017, la société a levé 1,5 million d’euros, ce qui lui a permis d’embaucher et d’avoir une équipe d’une quinzaine de personnes. Le développement international est déjà commencé avec l’ouverture de bureaux en Asie (Hongkong, Malaisie et Japon). En outre, deux poids lourds de la cybersécurité, Thales et Orange Cyberdéfense, revendent sa solution. Début 2019, Alsid présentera la version 2.0 de son logiciel qui vise à réduire le temps de réaction pour détecter une cyberattaque.

La nouveauté                                             

La solution ajustée par la société Alsid, est un système de détection de cyberattaque vu de l’angle du pirate cherchant le point faible pour accéder à la base de données des comptes informatiques. Elle n’exige pas de logiciel intrusif aucun privilège d’accès au système informatique de l’entreprise.

 

La direction d’Air France ne veut rien lâcher à ses pilotes

Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

Les directions passent mais les négociations salariales ne changent pas ! Benjamin Smith, le nouveau PDG d’Air France KLM, qui a aussi pris la casquette de patron d’Air France, semble s’être glissé dans les traces de ses prédécesseurs. La fermeté était toujours de rigueur à l’ouverture, lundi 5 novembre, des discussions catégorielles. Pour ce premier rendez-vous avec les organisations de pilotes, Air France a choisi la politique de la douche froide. « La direction nous a annoncé qu’il n’y avait pas d’enveloppe pour les négociations avec les pilotes », déplore Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL).

La posture de la direction est peut-être liée au refus du SNPL, accompagné de la CGT, de signer, à la mi octobre, l’accord salarial proposé aux syndicats. Face aux représentants des navigants, la direction a indiqué qu’elle souhaitait parvenir à « un accord à coût nul », pointe M. Evain. Air France veut obtenir « un accord équilibré pour l’entreprise », qui ne lui coûte rien, ajoute le responsable syndical. La direction de la compagnie ne souhaite accorder d’augmentation que si, en contrepartie, les pilotes sont d’accord pour faire de nouveaux efforts capables « de générer des économies pour le même montant », détaille le SNPL.

L’idée d’avoir à financer une éventuelle augmentation de leur rémunération, comme l’exige la direction, ne fait pas bondir de joie le syndicat des pilotes. Il rappelle que ces derniers ont déjà été mis à forte contribution. « En juillet 2017, nous avons signé un accord dans le cadre du plan Trust Together, qui prévoyait 4 % d’économie », se souvient M. Evain. Un effort payant pour la compagnie, qui y avait gagné « 40 millions d’euros de mesures de productivité et d’efficacité économique », ajoute le président du SNPL.

Arrière-pensées

Face au refus des pilotes de payer pour être augmentés, la direction a proposé, indique le SNPL,…

Vivarte met en vente San Marina, Minelli et CosmoParis

Que restera-t-il de Vivarte ? Au lieu du simple « recentrage » annoncé, le groupe de distribution de chaussures et de vêtements va-t-il finir entièrement vendu par morceaux ? C’est ce que redoutent les syndicats après l’annonce, lundi 5 novembre, de la mise en vente de trois réseaux supplémentaires, San Marina, Minelli et CosmoParis. Au total, ces enseignes de chaussures implantées en centre-ville emploient plus de 1 500 personnes et comptent 612 boutiques, pour un chiffre d’affaires d’environ 270 millions d’euros. « Elles feront l’objet de trois processus distincts » de cession, précise la direction.

Initialement, ces réseaux devaient rester au cœur de l’ex-empire André, aux côtés de Caroll et de La Halle. Mais « la dégradation du marché de la chaussure a été plus forte qu’anticipé, ce qui nous amène à modifier notre périmètre », a expliqué Patrick Puy, président de Vivarte. Exit donc San Marina, Minelli et CosmoParis, trois marques dont la vente devrait permettre de récupérer un peu d’argent pour faire face aux prochaines échéances financières.

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Le marché de la chaussure a baissé de 3,5 % en un an

Le groupe détenu en LBO (achat par endettement) par un consortium de fonds d’investissement a certes déjà négocié avec ses créanciers en 2017, et sa dette a été ramenée à quelque 400 millions d’euros. Ce fardeau reste néanmoins élevé alors que le groupe a perdu 305 millions d’euros en 2017, et que les clients font défaut : le marché de la chaussure a baissé de 3,5 % en un an, celui de l’habillement a chuté de 5 % depuis le début de l’année.

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Désormais, le groupe entend officiellement « se concentrer sur la Halle et Caroll », qui représentent 80 % de son chiffre d’affaires. Deux enseignes seulement, pour un groupe qui en comptait il y a quelques années encore une quinzaine, dont André, Kookaï, Chevignon, Naf-Naf, Pataugas et Besson.

Selon les syndicats, le démantèlement risque de ne pas s’arrêter là. Une fois bouclée la fusion en préparation de la Halle aux vêtements et de la Halle aux chaussures, la future entité pourrait être vendue à son tour en 2019, de même que Caroll, avance la CGT. Ces deux cessions « ne sont pas d’actualité », répond la direction, en insistant sur les investissements prévus dans ces deux réseaux. Peut-être une simple question de temps.

Egalité salariale : à partir du 6 novembre à 15 h 35, les Françaises travaillent « gratuitement »

A compter de mardi 6 novembre, à 15 h 35, les Françaises travaillent pour rien. C’est ce qu’annonce Les Glorieuses, à l’origine de ce calcul annuel. En 2017, la newsletter féministe avait arrêté la date du 3 novembre à 11 h 44. Avec trois jours « gagnés » en un an, le chemin vers l’égalité des salaires des hommes et des femmes s’annonce encore long. Les Glorieuses conclut :

« A ce rythme-là, l’égalité est pour 2168. Il est temps d’agir… »

Pour mobiliser, la fondatrice de la newsletter, Rebecca Amsellem, a lancé le hashtag #6novembre15h35 sur Twitter, heure et date qui correspondent au moment où le salaire des hommes dépasse, en cumulé, celui des femmes sur une année complète. L’objectif étant de sensibiliser l’opinion au sujet des inégalités salariales.

La Journée européenne de l’égalité salariale a eu lieu samedi 3 novembre, date à partir de laquelle les Européennes travaillent gratuitement, selon les données fournies par Eurostat. En France, les femmes ont un salaire inférieur de 15,2 % à celui des hommes. Un écart assez proche de la moyenne européenne (16,2 %), qui stagne.

Les Glorieuses cite plusieurs autres données, à commencer par la différence de salaires de 9 % entre hommes et femmes « à travail égal, en prenant en compte les tranches d’âges, le contrat, le temps, le secteur d’activité et la taille de l’entreprise ». Enfin, selon les chiffres les plus récents de l’Institut national de la statistique et des études économioques (Insee), qui remontent à 2015, toutes catégories confondues, « les salaires des femmes sont inférieurs de 23,7 % à ceux des hommes. En d’autres termes, les hommes perçoivent 31,1 % de plus que les femmes », écrit la newsletter.

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Sanctions possibles à l’avenir

Une situation qui pourrait changer peu à peu. Des sanctions possibles à l’avenir sont évoquées par le gouvernement pour pénaliser les sociétés où les écarts seraient flagrants.

Les entreprises de plus de cinquante salariés où des inégalités salariales entre femmes et hommes auront été mesurées auront « trois ans » pour remédier à la situation, faute de quoi elles pourraient encourir une « sanction » équivalente à « 1 % du chiffre d’affaires », a annoncé, le 23 octobre, la ministre du travail, Muriel Pénicaud. L’égalité salariale femmes-hommes, « l’un des quatre volets importants » de la loi sur l’avenir professionnel votée cet été, constitue « une ambition très forte » qui, « grâce à la loi », est « devenue un objectif », a dit la ministre.

Rebecca Amsellem plaide pour l’allongement du congé paternité, à égalité avec le congé maternité, afin d’équilibrer les interruptions de carrières pour les parents des deux sexes, car les écarts se creusent au moment de la naissance du premier enfant, relève-t-elle. La militante appelle aussi à une transparence obligatoire des salaires dans l’entreprise, s’appuyant sur les exemples des pays qui ont mis en place cette pratique et au sein desquels les inégalités s’amenuisent.

L’Islande est exemplaire en matière de parité. Le 1er janvier, elle a été le premier pays à légiférer contre les différences de salaires entre les femmes et les hommes.

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Une nouvelle autoroute ferroviaire sur les rails

Chargement d’un camion sur un wagon affrété par Viia, au Boulou, dans les Pyrénées-Orientales, en octobre 2017.

Elle reste modeste mais c’est incontestablement une nouvelle étape dans le mouvement de décarbonation de la France. Mardi 6 novembre, Elisabeth Borne, la ministre des transports, Guillaume Pepy, président de la SNCF, et Thierry Le Guilloux, président de Viia, opérateur de fret, filiale de la Société nationale des chemins de fer, devaient inaugurer une nouvelle autoroute ferroviaire, la quatrième lancée en France, et l’une des plus longues puisqu’elle doit relier sur 1 150 kilomètres Calais dans le nord de la France à Turin en Italie.

Qu’est-ce qu’une autoroute ferroviaire ? Le terme est un peu trompeur car il ne s’agit pas d’une infrastructure ferrée mais plutôt d’un service de transport, consistant, pour une destination donnée, à mettre des semi-remorque sur des wagons spéciaux afin de les faire voyager sur longue distance hors des autoroutes françaises et européennes désormais saturées de poids lourds.

La société Viia détenue par SNCF Mobilités, spécialisée dans cette niche du transport ferroviaire de marchandises, proposera aux transporteurs de faire circuler leurs remorques en train entre le port de Calais et le terminal d’Orbassano dans la banlieue de la capitale piémontaise. Les engins sont montés sur des wagons conçus par la société alsacienne Lohr Industrie qui permettent d’embarquer n’importe quelle remorque de 30 tonnes.

Investissements nécessaires

« C’est la particularité de notre service : nos clients n’ont pas besoin de semi-remorques coûteuses spécialement adaptées pour prendre le train, explique M. Le Guilloux. Le chargement se fait à l’horizontale, en faisant rouler les véhicules, et non à la verticale, à l’aide d’une grue, comme traditionnellement. » Pour la nouvelle autoroute ferroviaire Calais-Turin, Viia a investi 40 millions d’euros dans 110 wagons Lohr flambant neufs.

Trois autoroutes ferroviaires existent déjà en France. La première a vu le jour en 2003 entre Chambéry et Turin afin…

Les écoles de commerce soignent leur image de marque

Le sigle ESC est en passe d’entrer dans les livres d’histoire. Depuis dix ans, les unes après les autres, les écoles de management ont changé de nom. Derniers en date : les groupes Sup de Co La Rochelle et ESC Troyes, qui ont révélé leur nouvelle identité en octobre. Le premier devient Excelia Group, le second Y Schools. « Avec “Sup de Co”, nous étions les derniers des Mohicans à utiliser ce terme très marqué années 1980”, confie Bruno Neil, le directeur général d’Excelia Group. Or, nous avons des formations dans le tourisme ou dans le numérique, à côté de l’école de commerce. La Rochelle Business School, qui garde son identité mais avec le logo Excelia Group, ne représente aujourd’hui que 70 % de nos activités. »

« La marque ne fait pas tout, mais elle véhicule l’image globale de l’école, notamment à l’international. » Jean Coulon, directeur du pôle « naming » de l’agence Nomen.

Même constat du côté de Troyes. « Groupe ESC Troyes ne correspond plus à ce que nous sommes », affirme Francis Bécard, le directeur général de Y Schools, qui comprend une école de management, de tourisme, de design… L’école de management avait changé de nom un an auparavant pour devenir South Champagne Business School (SCBS), en écho au terroir voisin du Champagne, mondialement connu ; celle de Dijon, en Bourgogne, s’était, elle, rebaptisée Burgundy School of Business (BSB). « Il fallait montrer que nous étions ­ancrés sur notre territoire mais aussi tournés vers l’international », justifie Francis Bécard.

Si Audencia fait figure de précurseur en abandonnant le sigle ESC dès le début des années 2000, le mouvement s’est intensifié depuis 2009 avec Skema Business School. Issu de la fusion entre l’ESC Lille et le Ceram, l’établissement était ­contraint de changer de nom. « Les écoles avaient 120 ans d’existence. Il ne fallait pas se rater », se rappelle Alice Guilhon, la directrice générale.

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La business school se fait ­accompagner par l’agence Nomen, leader de la création de marques (Areva, Enedis, Engie…). Elle teste près de 40 noms, les prononce dans toutes les langues pour ne pas commettre d’impair ou tomber sur un jeu de mots délétère. Skema, pour School of Knowledge and Management(« école de savoir et de gestion ») finit par sortir.

 « Un label sur le CV »

Neuf ans plus tard, Alice Guilhon note le pouvoir de la marque : « C’est un label que les alumni auront à vie sur leur CV. Ils doivent en être fiers ». Le marché de l’éducation, souligne-t-elle, est mondial : « D’un côté, les Français peuvent hésiter entre l’une de nos écoles et l’Instituto de Empresa à Madrid ou HEC Montréal. De l’autre, nos formations accueillent de plus en plus d’étrangers. C’est encore plus frappant quand on regarde les perspectives d’emploi des diplômés. »

En dix ans, toutes les écoles de commerce ont d’ailleurs ajouté ­« business school » ou « school of ­business » à leur nom pour mettre en avant ce changement d’échelle. « La marque ne fait pas tout, mais elle véhicule l’image globale de l’école. Avec ce besoin d’internationalisation, les établissements s’en servent pour se différencier », décrypte Jean Coulon, directeur du pôle « naming » de l’agence Nomen.

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Nécessaire pourconquérir l’étranger, cette stratégie de marque s’avère aussi pertinente en France. Même quand elles restent focalisées sur le management, les écoles de commerce ont, à côté du programme classique, un « portefeuille de formations » qui propose des Bachelors, MBA, mastères spécialisés ou formations continues. Elles s’adressent à des publics qui vont du lycéen au cadre expérimenté. La marque doit apporter de la cohérence.

« Nous avons attendu le bon timing : l’école changeait de statut, venait de recevoir l’accréditation Equis. Le changement de marque alimentait cette dynamique. » Stéphan Bourcieu, directeur de Burgundy School of Business

Les élèves de prépa, surtout intéressés par les classements et les ­accréditations, commencent aussi à y être sensibles. « Il y a encore dix ans, les étudiants ne voyaient pas bien ce qui différenciait une ESC d’une autre. Ils choisissaient autant la ville que l’école. Les nouveaux noms nous permettent de mettre en avant une identité spécifique », analyse Delphine Manceau, directrice de Neoma Business School, issue pour sa part de la fusion, en 2013, des anciennes ESC de Reims et de Rouen.

Stéphan Bourcieu, directeur de Burgundy Business School, en a fait l’expérience. Obao, Impulse… quand son établissement a voulu moderniser son identité en 2016, les propositions de l’agence sollicitée ont été audacieuses. L’école a joué la prudence en prenant le nom qu’elle utilisait à l’international depuis 2002. « Nous vivions dans une schizophrénie, raconte Stéphan Bourcieu. Gérer deux noms, l’un en France, l’autre à l’international, devenait impossible. Nous avons attendu le bon timing : l’école changeait de statut, venait de recevoir l’accréditation européenne Equis et de se doter d’un campus ­rénové. Le changement de marque alimentait cette dynamique. »

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Dynamique qui s’illustre depuis dans le classement du système d’intégration aux grandes écoles de management (Sigem), baromètre de l’attractivité des écoles auprès des élèves de prépa. BSB y a gagné une place en 2018 et entre dans le « top 15 ». Stéphan Bourcieu reconnaît que cette politique de différenciation est plus difficile à mettre en œuvre dans l’Hexagone : « Si on mise beaucoup sur laSchool of Wine and Spirit Business [la filiale vin et alcool de BSB], on ne veut pas être réduit à ce seul secteur en France. Nous souhaitons garder une image généraliste. »

Un cours d’oenologie à la Burgundy School of Business, le 16 mars 2017.

Les stratégies de marque vont ­au-delà du nom de l’école. Les business schools déclinent leur identité en « baseline » qui sont autant de promesses. L’EM Lyon accole ainsi le slogan « early makers » à toute sa communication. « Makers report », « makers world », « makers factory »… Le message est décliné sur les réseaux sociaux. « Nous avons ­défini une ligne éditoriale pour illustrer l’évolution de notre stratégie », confie Nathalie Hector, la directrice du programme grande école de l’ex-ESC Lyon. Dès le concours d’entrée, un discours d’une vingtaine de ­minutes explique aux admissibles ce qu’est un « early maker », « capable de prendre en main son destin, d’être acteur et entrepreneur de son existence » égrène le site de l’école.

Marketing et numérique

« Derrière une stratégie de marque, il faut du sens, pointe Nathalie Hector. Je démontre aux étudiants que les ruptures numériques que connaît la société demandent des manageurs adaptables et créatifs, des entrepreneurs découvreurs de tendances et que c’est eux que nous voulons former. » L’EM Lyon martèle ce message au moment des entretiens de motivation, et pendant le cursus.

Aujourd’hui, la bataille de la marque se livre sur les réseaux sociaux. Thomas Froehlicher en a bien conscience. Après avoir dirigé l’ICN à Nancy, HEC Liège et Kedge, il est à la tête de Rennes School of Business depuis janvier. Parmi ses premières actions : créer une direction du marketing et du numérique. « Il nous faut une marque identifiable en un coup d’œil, pour capter les étudiants dès les réseaux sociaux et nouer le contact avec eux, estime le doyen. Le numérique, c’est le Graal. »