La Légion d’honneur mise à mal par le management

Carnet de bureau. Le syndicat CFE-CGC Orange a récemment demandé le retrait de la Légion d’honneur décernée à l’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard, à son numéro deux Louis-Pierre Wenès, à l’ex-DRH Olivier Barberot, et à deux anciennes cadres, Nathalie Boulanger et Brigitte Dumont, tous condamnés pour « harcèlement moral institutionnel » ou « complicité » dans l’affaire des suicides de France Télécom. « Maintenir ces distinctions serait, selon nous, un affront aux victimes et à nos institutions », commente la première organisation syndicale du groupe Orange (ex-France Télécom) dans un communiqué publié jeudi 13 mars.

Le grand collier de la Légion d’honneur, au palais de l’Elysée, à Paris, le 16 septembre 2023.

Créée par Napoléon en 1802 pour exprimer la reconnaissance de l’Etat envers ceux qui œuvrent de manière exceptionnelle pour le bien commun, la Légion d’honneur est un marqueur de la méritocratie républicaine, sans grand rapport avec des activités managériales.

Avec le temps, les décorés ont été de plus en plus nombreux et de plus en plus divers, jusqu’à récompenser les influenceurs dans les années les plus récentes. La banalisation du titre est régulièrement critiquée que ce soit par des responsables politiques, des historiens ou des membres de la Légion d’honneur. En 1962 déjà, Charles de Gaulle en avait réduit le contingent pour faire barrage à sa dévalorisation. Le quota annuel est fixé par décret. Pour la période du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026, les contingents annuels sont d’un peu plus de 3 000.

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Les DRH ne se voient pas encore confier l’organisation du temps de travail à une IA

Peut-on tout confier à l’intelligence artificielle (IA), à commencer par la gestion du temps de travail ? C’est la question qui était posée à une dizaine de responsables des ressources humaines, le 6 mars, à Paris, à l’occasion des Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité des ressources humaines, créé par Le Monde en partenariat avec l’Association pour l’emploi des cadres.

« La gestion du temps, c’est l’élément central de l’organisation du travail : elle a une dimension individuelle, mais aussi collective, a introduit Marie Benedetto-Meyer, sociologue du travail et maîtresse de conférences à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, spécialiste des usages professionnels des outils numériques. Comment va-t-on réussir à organiser cette planification des temps avec des collectifs qui se multiplient ? Il y a aussi une variabilité des temps selon les personnes, leur expérience, leurs compétences. »

Si les outils numériques, a fortiori ceux recourant à des IA génératives, promettent d’optimiser la gestion du travail, notamment avec des « algorithmes prédictifs », la chercheuse a rappelé que leur usage n’est pas neutre. Ils posent notamment le risque de surcharger les agendas de chacun.

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« On travaille sur la planification assistée par IA », assume Corentin Travers-Lesage, directeur organisation et santé au travail chez DomusVi, un groupe qui gère notamment des résidences pour personnes âgées. Face aux rythmes de travail contraints dans les métiers du soin (journées de dix ou douze heures), l’entreprise voit dans l’aide de l’IA un moyen de tester des plannings « différents », « qui répondent aux besoins de l’activité, mais qui soient plus flexibles pour les collaborateurs » : un outil d’IA permettrait ainsi de récolter à grande échelle un maximum de « desiderata » des salariés, certains souhaitant travailler plutôt le matin, revenir à un rythme de sept heures par jour… Sans submerger les cadres de santé, pour qui la planification représente déjà une grande part du travail.

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« Pour avoir envie de voter, pour croire dans l’efficacité du personnel politique, il est important d’avoir un travail décent »

Le Centre d’étude sur la vie politique française (Cevipof) publie, chaque année, une enquête sur la perception du monde politique par les électeurs, le « Baromètre de la confiance politique », et le dernier, paru en février, est particulièrement alarmant. Le niveau de défiance à l’égard du politique est, dans l’Hexagone, le plus élevé d’Europe, avec les trois quarts des Français qui disent n’accorder leur confiance ni à l’Assemblée nationale ni au gouvernement.

Et si cette absence de confiance, ce sentiment d’avoir un personnel politique déconnecté, incompétent, voire malhonnête, traduisait une colère en réalité ancrée ailleurs, et plus précisément dans la vie au travail ? Cette hypothèse peut paraître curieuse alors que la multiplication des scandales impliquant les politiques semble être au cœur du phénomène. Nous avons toutefois voulu tester le lien entre malaise démocratique et malaise professionnel.

L’étude du Cevipof s’inscrit dans une tendance de la recherche en sciences sociales. Depuis une dizaine d’années, les travaux se multiplient sur ce thème, suggérant par exemple que les emplois qui offrent plus d’autonomie renforcent la confiance en soi et conduisent à une plus grande participation politique, ou, dans un tout autre registre, que les emplois précaires incitent les individus à voter, cette fois pour « renverser la table » afin d’améliorer leur situation.
Nous avons interrogé un panel de participants à trois reprises, à quelques mois d’intervalle, avec des questions portant sur leurs perceptions de leur travail, sur leurs émotions vis-à-vis de leurs employeurs, sur leur confiance vis-à-vis du personnel politique et sur leur participation électorale.

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Les conclusions de cette recherche sont claires. Lorsque les personnes ressentent une dégradation de leurs conditions de travail au sens large, elles expriment de la colère, et cette colère « déborde » au-delà des seuls employeurs : elle prend aussi pour cible les politiques, sous la forme d’une plus grande défiance et d’une moindre participation électorale. Ce lien entre emploi qui se dégrade et colère politique contribue à expliquer pourquoi la baisse du chômage obtenue par Emmanuel Macron pendant son premier quinquennat n’a pas permis, comme il l’espérait, de redonner aux Français une confiance dans l’action politique. Autant que la quantité de travail, c’est sa qualité qui compte.

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Cinq ans après le Covid-19 : « Les problèmes des travailleurs de deuxième ligne sont mieux identifiés, mais ces sujets ne sont pas repris au niveau politique »

Ramassage des poubelles pendant le confinement, à Paris, le 30 avril 2020.

Dans son discours télévisé du 13 avril 2020, en plein confinement, Emmanuel Macron soulève un paradoxe : « Notre pays, aujourd’hui, tient tout entier sur des femmes et des hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal. » Il dresse une longue liste des métiers mobilisés « en deuxième ligne », la première étant les soignants. A l’issue de la crise liée à la pandémie de Covid-19, le ministère du travail a confié une mission à Sophie Moreau-Follenfant, ex-DRH chez Derichebourg, aujourd’hui au directoire de RTE (Réseau de transport d’électricité), et Christine Erhel, directrice du centre d’études de l’emploi et du travail du Conservatoire national des arts et métiers. Elles ont rendu leur rapport en décembre 2021. Cinq ans après le premier confinement, Christine Erhel revient sur la définition de ces nouvelles catégories de travailleurs.

Au départ, quel est l’objectif de la mission que vous confie le ministère du travail ?

D’abord, identifier les travailleurs de la deuxième ligne en lien avec la seule définition qui existait alors, qui était le discours d’Emmanuel Macron. Ensuite, qualifier et mesurer leurs conditions de travail et d’emploi. Puis accompagner les partenaires sociaux dans les branches où ils sont le plus employés pour améliorer leur situation.

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Réforme du RSA : le nouveau régime de sanction critiqué

Siège de la CAF de Gironde, à Bordeaux, le 15 décembre 2017.

Les critiques s’accumulent contre la réforme du revenu de solidarité active (RSA). Mardi 18 mars, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE), instance rattachée au premier ministre, publie un avis sur les risques d’exclusion induits par la mise en œuvre de la loi « pour le plein-emploi » de décembre 2023.

Celle-ci instaure notamment un « accompagnement rénové » pour les bénéficiaires du RSA, qui doivent désormais s’acquitter « d’au moins quinze heures d’activité par semaine ». La loi prévoit certaines exemptions − problèmes de santé, situation de handicap, parent isolé sans situation de garde pour un enfant de moins de 12 ans. Les allocataires sont aussi automatiquement inscrits à France Travail. Expérimentée dans plusieurs bassins d’emploi dès le printemps 2023, la réforme a été généralisée en janvier à tout le territoire.

La disposition est combattue depuis le début par la gauche, les syndicats et les associations de lutte contre la pauvreté. En décembre 2024, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a adopté un avis considérant que cette obligation « porte atteinte aux droits humains ». ATD Quart Monde s’apprête également à lancer une pétition contre les sanctions qu’encourent les allocataires du RSA. L’avis du CNLE, que Le Monde s’est procuré, insiste sur les risques liés à l’instauration d’un nouveau régime de sanction, appelé « suspension-remobilisation », qui permet de suspendre son allocation au bénéficiaire du RSA s’il ne respecte pas son contrat d’engagement, en prévoyant un versement rétroactif – dans la limite de trois mois – s’il se conforme à ses obligations.

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« Face au cancer, seul le travail peut sauver de la chute » : Isabelle Arnaud-Roy, directrice adjointe du Capitole, à Toulouse

Isabelle Arnaud-Roy, directrice générale adjointe en charge des ressources à l'Opéra et Orchestre du Capitole, à Toulouse, le 5 mars 2025.

Peut-on transcender la maladie en s’investissant davantage dans le travail ? Refuser une sorte de fatalité pour en tirer des exemples pour ses collègues ? Pour la Toulousaine Isabelle Arnaud-Roy, la réponse est « oui », deux fois « oui ». Successivement cadre à haute responsabilité dans plusieurs collectivités, désormais directrice générale adjointe chargée des ressources des prestigieux Orchestre, Ballet et Opéra du Capitole, elle contracte deux cancers en l’espace de quatre ans. « Par peur de mourir, on s’empêche de vivre, dit-elle. Alors, j’ai mis en place des stratégies, car le travail peut être un phare dans la tempête. »

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Après des études en khâgne, un troisième cycle de sciences politiques et une attirance pour la fonction publique, sa carrière débute en banlieue toulousaine, à Quint-Fonsegrives (Haute-Garonne), en tant que directrice générale des services municipaux. En 2009, repérée et très appréciée, elle entre à la communauté urbaine de Toulouse, puis à la mairie de la Ville rose, aux ressources humaines. « C’est une personne rare, une perle », estime Francis Grass, maire adjoint à la culture, qui l’a recrutée dès 2014 pour réorganiser les services. « Elle a une force de travail extraordinaire », constate Jean-Baptiste Fra, délégué général de l’Etablissement public administratif du Capitole (EPA), avec ses 420 permanents, musiciens, techniciens, décorateurs, chanteurs ou personnel administratif. « Sa maladie, je ne l’ai apprise que récemment », avoue d’ailleurs M. Fra.

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« C’est un métier ! » : chez les ascensoristes, la culture de la débrouille persiste

« J’aime pouvoir organiser mes journées, savoir que les visites et les gestes à effectuer ne seront jamais les mêmes selon le type de matériel qu’on va croiser », témoigne Johan Ravier, technicien de maintenance chez Schindler à Marseille depuis huit ans, fils et frère d’ascensoriste.

Quelque 17 000 personnes, presque exclusivement des hommes, entretiennent les 650 000 ascenseurs du pays. La profession est souvent divisée en trois branches : l’installation, la réparation et la maintenance, cette dernière constituant la majorité de l’activité, car chaque ascenseur doit être visité toutes les six semaines. Entre le marasme actuel de la construction neuve et les importants besoins de rénovation des ascenseurs vétustes, les projections sur l’avenir sont stables. Le vieillissement de la population est aussi un enjeu qui rend la filière indispensable, regroupant aussi le métier d’élévatoriste, qui installe et entretient des monte-charges, notamment chez les particuliers.

Le métier est particulièrement technique et requiert des compétences en mécanique, en électricité, en hydraulique, en électronique… Et, évidemment, en relation client. C’est la raison pour laquelle Johan Ravier aime son métier : « Ce qu’on aime, c’est la satisfaction de réussir des dépannages, de rendre service. »

La grande variété des modèles d’ascenseurs et des configurations de travail nécessite une certaine expérience pour que les salariés puissent travailler en autonomie. Cette variété s’est accentuée ces dernières années. « C’est de la débrouille, il faut que les gens aient soif de connaissances, il y a beaucoup de travail personnel », explique Loïc Fari, président de l’Association nationale des PME d’ascenseurs. Les petits acteurs déplorent à ce propos un « verrouillage technologique » des grands groupes, qui sont les seuls à posséder les pièces de rechange, et les vendent cher.

« Ce qui a changé sur les dix dernières années, c’est qu’avant on entretenait juste le matériel de l’entreprise. Maintenant, la majorité du parc appartient à des concurrents, ce qui ajoute de la difficulté, décrit Adrien Pettré, délégué syndical CGT de Schindler. Or on met trop rapidement les salariés en situation de gérer une tournée, alors qu’ils ne comprennent pas comment fonctionnent tous les ascenseurs. »

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« Mes collègues m’appelaient “la diva” parce que je refusais de remplir à ras bord les sacs de gravats » : quand la reconversion dans un métier manuel met le corps à l’épreuve

Culture du chou-fleur dans le marais audomarois (Pas-de-Calais).

« C’est le métier qui rentre » ; « il va falloir t’endurcir un peu » ; « tu crois que tu vas tenir physiquement ? » : combien de fois Marguerite, Pierre, Cédric ou encore Bastien ont-ils entendu ces petites phrases depuis qu’ils ont entamé leur reconversion ? Il y a quelques années ou plus récemment, ces cadres ont décidé de tout plaquer pour embrasser une carrière d’agricultrice, de plombier, de fromager ou de boulanger.

Un virage à 180 degrés sur lequel fantasmeraient quelque 37 % des salariés français, selon un sondage OpinionWay de 2022. Mais, dans les parcours de reconversion radicale, les questionnements existentiels sont souvent suivis d’une réflexion sur une problématique plus concrète : comment le corps réagit-il quand il devient un outil de travail à part entière ? Comment le ménager dans l’effort pour qu’il tienne sur la longueur et ne compromette pas la bifurcation professionnelle ?

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