« Je comprends enfin l’économie » : quand des experts étudient avec plus de clarté

« Je comprends enfin l’économie. 25 questions qui font l’actu par les économistes nouvelle génération ». Dunod, 192 pages, 12,90 euros.
« Je comprends enfin l’économie. 25 questions qui font l’actu par les économistes nouvelle génération ». Dunod, 192 pages, 12,90 euros. DR

En vingt-sept ans, le Fond Monétaire International  et son millier d’économistes ont attendu uniquement un recul sur cinq. A chaque erreur, les économistes sont critiqués. Injustice ou nécessité de davantage de pédagogie ?, questionnent les auteurs de « Je comprends enfin l’économie ».

Omniprésents dans notre vie, les instruments économiques captivent, de temps à autre rebutent, mais ne laissent jamais insensibles. Un Français sur trois malgré cela ne connaît ni le niveau de richesse ni celui d’endettement de la France. Les économistes se heurtent très souvent à cette inexpérience des limites des sciences économiques : en vingt-sept ans, le Fonds monétaire international (FMI) et son millier d’économistes ont prévu uniquement un recul sur cinq. A chaque erreur les économistes sont décriés. Inquiétude ou besoin de davantage de pédagogie ?

« A la décharge de ceux qui découvrent l’économie floue et précieuse, elle est souvent difficile à capturer en raison d’un grand nombre d’idées reçues et d’un surplus d’informations qui mélangent les pistes. Et c’est là que les économistes se doivent de participer. Pas à coups de jargons, de chiffres hors de portée du grand public, ou encore moins à coups de partis pris. Leur intervention doit se baser sur la illumination et la pédagogie », évaluent les membres de BSI Economics, un think tank créé dans cette optique. Structure indépendante et apolitique, il réunit une nouvelle génération d’économistes spécialisés sur des sujets variés, qui ont tous à cœur de développer les mécanismes économiques et financiers.

Leur composition, Je comprends enfin l’économie (Dunod), traite les notions d’accroissement, de crise, de finance, d’emploi, d’ouvrage ou encore de dette publique, à travers vingt-cinq questions qui font l’actualité. Les banques ne prêtent-elles qu’au CAC 40 ? L’estimation est-elle néfaste pour l’économie ? Les fonds de placement sont-ils tous des vautours ?

Faut-il établir un revenu universel ? La dette publique doit-elle être contrôlée ? La guerre commerciale mondiale va-t-elle avoir lieu ?

Science non certaine

Les questions sont rassemblées en trois parties : une première sur le monde de la finance, une deuxième sur les questions de société et une dernière sur des sujets économiques plus habituels. Les auteurs se tentent de répondre à ces questions de façon pragmatique, en confrontant les grandes théories économiques, les références sérieuses et les données chiffrées disponibles.

Objectif : concevoir enfin l’économie sans trop proposer sur l’autel de la simplification. « Si les économistes pouvaient parvenir à ce qu’on les examine comme des gens humbles, compétents, sur le même pied que les dentistes, ce serait merveilleux », écrivait l’économiste britannique John Maynard Keynes dans ses Essais sur la monnaie et l’Economie.

Quand la rivalité vient de l’intérieur de l’entreprise

« Reste que les salariés également autoentrepreneurs disposent d’un atout de poids : leur structure personnelle, plus légère, leur permet de pratiquer des tarifs souvent bien plus doux. »
« Reste que les salariés également autoentrepreneurs disposent d’un atout de poids : leur structure personnelle, plus légère, leur permet de pratiquer des tarifs souvent bien plus doux. » Chris Ryan/Ojo Images / Photononstop

En conduisant une « double vie professionnelle », des salariés négligent la loyauté due à leur patron. Un phénomène qui concerne aussi bien la sphère publique que privée et qui prend de plus en plus d’ampleur.

Dans le monde de l’entreprise, certains ont fait de la « perruque » une grande spécialité. Point de postiches ici, mais la volonté de former une double vie professionnelle. Le terme indique alors l’utilisation de son temps de travail ou des outils de l’organisation pour accomplir des travaux qui ne coïncident pas à ceux pour lesquels on est payé. Ces collaborateurs adoptent en indépendant, et régulièrement en secret, une activité souvent similaire à celle exercée dans leur propre entreprise.

Un rapport de la Cour des comptes édité en février annonce cette pratique au sein du Mobilier national, citant en exemple le « cas emblématique » d’un agent exécutant à l’atelier de recherche et de création, chargé d’accomplir des meubles à la pointe de l’innovation. Problème : selon les « Pages jaunes », il exerce pareillement en libéral du lundi au samedi, de 9 heures à 21 heures 30. Une sanction disciplinaire a été formulée en 2015, particulièrement pour les perturbations qu’il provoquait dans l’atelier où il passait durant ses horaires de travail.

« Remède à l’ennui »

Dans la sphère officielle comme particulière, de telles conditions, peu fréquentes, ont toutefois pu prendre de l’ampleur ces dernières années, à la faveur du développement du régime d’autoentrepreneur. « Il rend plus facile la pluriactivité et, par extension, sa dissimulation », résume Stéphane Bellini, enseignant-chercheur à l’IAE de Poitiers. En créant en quelques minutes sa microentreprise, il devient possible de développer un complément de revenu, de préparer progressivement son départ de la société qui nous salarie, ou d’apercevoir un… « remède à l’ennui ».

« Parmi ceux qui développent une activité parallèle, il y a des cadres qui ont passé l’âge de 40 ans et sont sous-utilisés dans leur entreprise », développe un cadre du service RH d’un grand groupe. Formant dans son domaine d’expertise, le cumulard peut s’apercevoir en concurrence avec sa propre entreprise. Bertrand (le prénom a été modifié) a ainsi œuvré durant plusieurs années dans une agence de communication spécialisée dans l’industrie automobile.

Un client de son entreprise lui a offert d’animer des sessions de « média training » (entraînement à la communication dans les médias), alors même que ce type d’apports était proposé par son agence. « Je souhaitais partir et, même si je n’étais pas très à l’aise avec une telle pratique, j’ai déterminé de saisir toutes les opportunités qui m’étaient offertes. »

 

Boeing 737 MAX : le fantôme de « la faute de fabrication »

« Boeing avait mis en avant, ces dernières années, une politique agressive de réduction des coûts qui avait dopé sa valeur boursière » (Boeing 737 MAXà  Renton, Washington, en 2015).
« Boeing avait mis en avant, ces dernières années, une politique agressive de réduction des coûts qui avait dopé sa valeur boursière » (Boeing 737 MAXà  Renton, Washington, en 2015). Matt McKnight / REUTERS
Les fautes de fabrication sont aussi antiques que l’industrie. L’étude a montré que ces fautes résultent parfois d’une évaluation biaisée des risques, d’une organisation inadaptée ou d’une réduction excessive des coûts, explique le titulaire de la chaire Théorie et méthodes de la conception innovante, Armand Hatchuel.

Avec son 737 MAX interdit de vol, Boeing fait face au pire des soupçons : un nouveau logiciel de pilotage destiné à dresser une conduite indiscrète de l’avion, mais méconnu ou mal compris des pilotes, serait en cause dans deux crashs récents. Les erreurs de conception sont aussi anciennes que l’industrie.

Certaines peuvent être imprévisibles, mais la recherche a montré que ces erreurs résultent parfois d’une appréciation biaisée des risques, d’une organisation inadaptée ou d’une réduction excessive des coûts. Mais comment une conduite dysfonctionnelle de la conception d’un avion est-il possible dans une entreprise de la stature de Boeing ?

Contradictoirement à la production, plus récurrente, chaque projet de création comporte des innovations et des singularités. Face à cette part d’inconnu malheureuse, la maîtrise technique, une coordination intense des équipes et une bonne évaluation des priorités sont indispensables. S’imposent aussi des tests sévères, réalisés en interne ou par des autorités indépendantes, afin de détecter au plus tôt les erreurs dangereuses. En général, ces vérifications sont fiables et sûres, et ne sont prises en défaut que très rarement et lorsque le danger était accidentel : comme pour le Titanic, dont la collision avec un iceberg géant apaisait de l’impensable.

Mais un autre type d’erreur peut se constituer et doit être échappé. Il naît d’une fragilité du système que l’on aperçoit tard et qui se révèle pénible à résoudre. Renvoyer le projet serait alors utile mais aurait des suites commerciales trop importantes. Dès lors, une dérive collective devient possible. Soumis à une pression immodérée sur les coûts et les délais, les concepteurs tendent à limiter les études et à retenir les solutions abandonnées. Des tests ambigus sont interprétés positivement.

La navette Challenger en 1986

On admet que les acteurs engagés et les utilisateurs futurs sauront gérer convenablement cette fragilité. Certes, les effets d’une catastrophe seraient néfaste, mais cette alternative n’est pas convenue ou jugée trop improbable par les responsables. Un tel scénario fut à l’origine de l’explosion au décollage de la navette Challenger en 1986. En origine, la faiblesse d’un simple joint technique, dont le péril était signalé mais l’information s’était fondue dans la chaîne de décisions.

L’erreur de création se confond alors avec une erreur de conduite. Elle révèle une distorsion des responsabilités et des objectifs. Pour l’échapper, les leçons de la recherche sont claires : instaurer une conduite responsable des activités de création, donc capable de résister à des objectifs intenables de coûts et de délai ; inversement, la direction d’entreprise, doit comprendre qu’une trop grande pression sur les équipes d’ingénierie peut avoir des effets complexes, peu visibles et dont les suites négatives, si elles s’expriment, sont beaucoup plus graves que les surcoûts de création que l’on tentait à éviter.

 

«61 % des attributions aux postes de changement digital ont intéressé des femmes, depuis 3 ans »

« Il est peu étonnant que les rênes de la transformation numérique et technologique soient de plus en plus données aux femmes en France, les transformations de ce secteur nouveau nécessitant des leaders plus progressistes dans leurs pensées et leurs façons de faire. »
« Il est peu étonnant que les rênes de la transformation numérique et technologique soient de plus en plus données aux femmes en France, les transformations de ce secteur nouveau nécessitant des leaders plus progressistes dans leurs pensées et leurs façons de faire. » Jonathan McHugh/Ikon Images / Photononstop

En charge du digital au cabinet de recrutement Heidrick & Struggles

Jennifer Flock et Ahmad Hassan, consultants chez Heidrick & Struggles, examinent que les grandes entreprises tentent à encourager un type de management « différent » pour accomplir la mutation de leur modèle économique.

Depuis trois ans, la propension s’inverse en France en ce qui intéresse les postes de cadres supérieurs dans les domaines du digital et des nouvelles technologies. Dans ces secteurs jusque-là très masculins, 61 % des nominations aux postes de transformation et d’innovation numérique de ces trois dernières années intéressaient des femmes, selon les chiffres reçus par Heidrick & Struggles, et ce dans de grandes entreprises telles que Carrefour, Danone, Roche France, Travelzoo ou encore Europcar, pour n’en appeler que quelques-unes.

Au-delà de la France, ce changement reflète une disposition internationale progressive : celle de l’exigence d’un style de leadership différent. Si les profils techniques sont généralement préemptés largement par les hommes (71 %), les profils de direction, sélectionnés pour mener la transformation et l’innovation digitale, sont désormais de plus en plus l’apanage de profils féminins.

De façon générale, les bonnes recettes passées en matière de leadership étendent à devenir un handicap, en particulier dans les secteurs progressistes et avant-gardistes que sont le numérique et les nouvelles technologies, axés sur la conduite du changement.

Des qualités souvent attribuées aux femmes

Alors que dans un monde des affaires volatil, incertain, complexe et ambigu, les entreprises

« Traditionnelles » fonctionnent encore trop en silos, les leaders qui conduisant le changement nécessaire à ce nouvel environnement de marché doivent aussitôt être capables de travailler autrement. Cela compromet de créer du lien et de faire œuvrer les différentes fonctions de l’entreprise de manière transverse, d’écouter et de faire affermir l’information, de co-développer des solutions, de faire preuve d’empathie… des qualités souvent octroyées aux femmes.

Une détermination s’impose, malgré cela. Nous ne parlons pas ici de styles de leadership masculins et féminins, mais plutôt des lignes de leadership « masculins » et « féminins » que les hommes et les femmes ont choisir de développer ou non. Si l’on observe les styles de leadership mis en place dans des entreprises fonctionnant en silo, il n’est pas vraiment surprenant que les personnes aux commandes étendent à être des hommes et des femmes (mais surtout des hommes) démontrant davantage de « traits de leadership masculins », caractérisés par un contrôle fort et un leadership baissant.

Or, la révolution digitale et technologique exige aux dirigeants de s’ajuster à une nouvelle façon de réfléchir. Les grands projets de changement organisationnel sollicitent la reconnaissance des collaborateurs, et sont donc focalisés sur le travail d’équipe et la collaboration entre les différentes parties prenantes internes. L’implication est donc indispensable au progrès d’une telle entreprise et sur ce terrain, les femmes, en général, sont plus aptes à accepter et accompagner ce type de changement.

« Le changement en cours de la fonction publique laisse une sensation d’imperfection»

« Est-il crédible de parler d’une loi ambitieuse en ne soumettant au débat parlementaire que des mesures techniques et en renvoyant à de multiples ordonnances sur des sujets aussi cruciaux que la santé et les conditions de travail ? » (Photo : manifestation des agents de la fonction publique pour l’emploi et les salaires, fonctionnaires à Nantes en 2013.)
« Est-il crédible de parler d’une loi ambitieuse en ne soumettant au débat parlementaire que des mesures techniques et en renvoyant à de multiples ordonnances sur des sujets aussi cruciaux que la santé et les conditions de travail ? » (Photo : manifestation des agents de la fonction publique pour l’emploi et les salaires, fonctionnaires à Nantes en 2013.) ALAIN LE BOT / Photononstop

Johan Theuret, DRH dans la fonction publique, appelle à une véritable gestion des compétences, dont les employeurs publics sont actuellement dépourvus.

Le gouvernement termine les différentes consultations relatives au projet de loi de transformation de la fonction publique et devrait déposer la version définitive en conseil des ministres mercredi 27 mars. Initialement annoncé comme une nouvelle grande loi en faveur de la fonction publique, l’actuel projet constitue avant tout une loi technique, mais qui a le mérite d’amorcer de véritables et concrètes simplifications.

On nous annonçait un vent de modernisation en faveur d’une fonction publique rénovée. Ce n’est pourtant qu’une trentaine d’articles techniques qui vont être soumis aux parlementaires.

Malgré cela, ayons l’honnêteté de soigner le sang-froid de véritables mesures de diminution contenues dans le projet de loi, comme la fusion des comités techniques et des comités d’hygiène, santé et conditions de travail (CHSCT), le recentrage des commissions administratives paritaires, la création d’un contrat à durée déterminée (CDD) de projet, l’établissement d’un mécanisme enveloppé de rupture habituelle, la transposition du protocole d’accord en faveur de l’égalité femmes-hommes qui crée de véritables droits et protections.

Des outils ajustés aux réalités

Pour autant, toutes ces mesures utiles, attendues et portées depuis plusieurs années par plusieurs acteurs, ne forment pas une loi porteuse de sens et n’offrent pas à la fonction publique toutes les éventualités dont elle a besoin pour se moderniser.

Sortira-t-on de la simple gestion administrative des ressources humaines pour cheminer vers une véritable gestion des compétences dont les employeurs publics ont affreusement besoin ? Sans doute pas si on n’allège pas toutes les dispositions administratives qui se sédimentent au fur et à mesure des réformes successives et qui participent à rendre le statut, les déroulements de carrière et les conditions de rétribution de plus en plus opaques et inaccessibles par les non-initiés.

Est-il véridique de parler d’une loi ambitieuse en ne exigeant au débat parlementaire que des mesures techniques et en renvoyant à de multiples ordonnances sur des sujets aussi cruciaux que la santé et les conditions de travail, tandis que le taux d’absentéisme est de 7,85 % dans le versant territorial par exemple ? Est-il réalisable actuellement de parler de réforme de la fonction publique et d’occulter la question de l’ouverture de la fonction publique afin qu’elle soit plus représentative de la diversité de la société française, alors que de nombreux rapports déplorent les différences d’accès et les limites des concours académiques ?

Incertitudes de corruptions au sein de l’administration de garantie des rémunérations

Le Medef et la CPME ont posé une plainte après de « graves anomalies » dans le mouvement de l’AGS, l’association qui verse le salaire aux personnes qui travaillent dans des entreprises en pénuries.

Opération mains propres dans le monde patronal. Le Medef a montré, lundi 25 mars, avoir envoyé une plainte au procureur de la République de Paris, « à la suite de suspicions de malversations » dans  l’AGS. Cette structure associative, guidée par des organisations d’employeurs, assure le versement du salaire aux personnels d’entreprises en pénuries (redressement ou liquidation judiciaire). La Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) ainsi que l’AGS elle-même se sont associées à cette démarche, dont le parquet n’avait pas encore connaissance, mardi matin. Les faits pourraient relever de « l’abus de confiance et de la corruption active ou passive », d’après une déclaration du Medef.

Le pot aux roses a été aperçu grâce à un audit lancé peu après l’arrivée de nouvelles personnalités à la tête de l’AGS, en particulier celle de Houria Sandal-Aouimeur, nommée directrice générale du régime de garantie des salaires en septembre 2018. Réalisé par le cabinet EY, l’audit en question a révélé de « graves anomalies », selon le communiqué du Medef.

Une source patronale, précise qu’il s’agit de « petits arrangements entre amis », pour des montants de « plusieurs centaines de milliers d’euros », voire au-delà du million d’euros. Les sommes accusées auraient été perçues par une société de services et un cabinet d’avocats, pour des prestations dont la tangible est sujette à caution, assure cette même source.

Les investigations se poursuivent

Au sein de l’AGS, l’implication de plusieurs cadres ou ex-cadres pourrait être promise, dont celle de l’ancien directeur général de l’AGS, Thierry Météyé. Ce dernier ne nous a pas répondu. Les investigations d’EY se poursuivent et pourraient mettre au jour d’autres difficultés.

Simultanément, Mme Sandal-Aouimeur a établi plainte, dans un commissariat, après avoir été nouvellement victime de plusieurs gestes malveillants (lettres anonymes, actes de vandalisme contre son domicile), qui pourraient avoir un lien avec son entrée en fonction à l’AGS. Ce sont des « tentatives d’intimidation », déclare un haut gradé d’un mouvement patronal.

Financée par une contribution des employeurs, l’AGS a commencé à faire des avances sur rémunérations pour un montant un peu supérieur à 1,48 milliard d’euros, en 2018.

Décentralisation des fonctionnaires à la compagne

Gérald Darmanin à Dieppe le 27 février.
Gérald Darmanin à Dieppe le 27 février. CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Devant la crise sociale des « gilets jaunes », Gérald Darmanin vent « déconcentrer » les services de l’Etat des villes vers les zones plus rurales.

Ce pourrait être un passage de sortie du grand débat. Le gouvernement se prépare à larguer une vague de décentralisation de services de l’Etat : d’ici deux ans, un certain nombre d’entre eux seront amenés des grandes villes vers les zones rurales.

La décision a certainement été lancée avant l’action des « gilets jaunes ». C’est en juillet 2018 que le premier ministre, Edouard Philippe, a sollicité au gouvernement de lui faire « les propositions les plus ambitieuses possible pour donner un nouvel élan à la déconcentration ». Mais cette décision pourra présenter fort opportunément comme un message envoyé aux « gilets jaunes » et aux habitants des campagnes qui se sentent isolés.

Depuis l’été, les choses ont avancé, particulièrement à Bercy. En visite dans le Limousin du 20 au 22 mars, Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics, a éclairci aux élus locaux qu’il a aperçus qu’il comptait bien « remettre des agents dans les zones rurales et faire maigrir les grosses métropoles », à débuter par la région parisienne, parce que, dans ces dernières, « il y a peut-être trop d’agents des finances publiques ».

A ce niveau, au moins une « dizaine » de services nationaux seront déplacés. Mais la réflexion est en cours et la liste finale sera probablement plus longue. Plusieurs centaines d’agents seront concernés, au bas mot. « La dématérialisation permet de traiter ici de choses qui se passent à Lille », a déclaré le ministre, en amenant qu’il faudrait au préalable s’assurer que les infrastructures, la fibre optique particulièrement, suivent. De nombreux services sont concernés : il pourrait s’agir, par exemple, des services de facturation, de la publicité foncière, du cadastre ou encore du contrôle fiscal sur pièces…

Cette volonté de rééquilibrage entre villes et campagnes n’est pas nouvelle. Elle a commencé dans les années 1960, mais certains gouvernements en ont fait un axe solide. C’est le cas de celui d’Edith Cresson (1991-1992), qui avait jeté le processus et appuyé le départ de plusieurs milliers de postes vers la province en s’attaquant à des symboles comme l’Ecole nationale d’administration (transférée à Strasbourg).

 « Frustration »

Gérald Darmanin, ancien maire de Tourcoing (Nord), invite fréquemment que les écoles nationales des douanes ont été délocalisées, en 1993, de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), vers Tourcoing et La Rochelle. « Neuilly-sur-Seine n’avait pas besoin de cela pour avoir des emplois et le loyer coûtait cher », ajoute M. Darmanin. Une décennie plus tard, le gouvernement Raffarin (2002-2005) a poursuivi le mouvement, en amenant notamment le Centre national de documentation pédagogique dans le Poitou. Mais cette décentralisation ne s’était pas bien passée, les agents s’y étant ardemment opposés.

Les neurosciences s’enlèvent du management

« Il serait possible de modeler notre cerveau à volonté et d’optimiser ses performances, que ce soit sur le plan de l’intelligence, de la mémoire ou de la gestion de ses émotions. »
« Il serait possible de modeler notre cerveau à volonté et d’optimiser ses performances, que ce soit sur le plan de l’intelligence, de la mémoire ou de la gestion de ses émotions. » Ingram / Photononstop

Administration du stress, recherche de talents… Les dernières découvertes sur le fonctionnement du cerveau dégagent de nouvelles pistes aux managers.

Après avoir encaissé le terrain du développement personnel et de l’éducation, les neurosciences se prennent actuellement du management. À la foire Solution Ressources Humaines, qui s’est soutenu du 19 au 21 mars à Paris, pas moins de cinq conférences ont appelé cette discipline. Les progrès de la recherche ont mis les neurosciences sous les feux de la rampe. Le premier atelier autour de l’intelligence cognitive, « comment booster son intelligence adaptative », a aussi fait salle comble.

Il faut dire de même que l’orateur de ce discours, Pierre Moorkens, cofondateur de l’Institut de NeuroCognitivisme, sait se présenter déterminant : « Il y a vingt ou trente ans, on ne savait pas ce qui se passait dans le cerveau, fait-il valoir. Actuellement, les neurosciences admettent d’aller beaucoup plus loin dans la compréhension de son fonctionnement ».

La promesse est attirante : il serait éventuel de façonner notre cerveau à volonté et d’améliorer ses performances, que ce soit sur le plan de l’intelligence, de la mémoire ou de la gestion de ses émotions. Le tout en se fondant sur les découvertes scientifiques les plus récentes, qui admettent de cartographier plus exactement le fonctionnement du cerveau.

Les experts se sont abondamment concentrés sur les hémisphères gauche et droit. Mais les dernières avancées scientifiques ont dévoilé que le cerveau est en fait dirigé par quatre pilotes différents, dont le reptilien pour l’intelligence obtenue et le néocortex préfrontal pour l’intelligence adaptative. « Le premier permet de prendre des décisions précipitamment, tandis que le second sert à orner et à accepter les événements », déclare Pierre Moorkens.

Gérer la complexité                                                                                                                                                                

Des recherches naissantes sur la progression du cerveau ont exposé que le stress était soutenu par la rivalité entre ces deux zones. « Le reptilien ne sait pas administrer la complexité, alors que si je développe mon intelligence adaptative, si je suis curieux… j’apprends à relativiser, soutient le cofondateur de l’Institut de NeuroCognitivisme. Devant un collègue est continuellement en retard, on peut s’énerver, mais aussi s’adapter face à cette situation : si je décide de débuter la réunion à 9 heures, quoi qu’il arrive, cela l’incitera à venir plus tôt la prochaine fois ! » Selon Pierre Moorkens, des pilotes de chasse de l’armée de l’air qui ont été cultivés pour développer leur intelligence adaptative face aux situations de stress sont parvenus à améliorer leurs performances de 700 %.

Ascoval : quatre acheteurs en position

Des ouvriers de l’aciérie Saint-Saulve, le 19 décembre 2018.

Des ouvriers de l’aciérie Saint-Saulve, le 19 décembre 2018. FRANCOIS LO PRESTI / AFPBritish Steel, Calvi Networks, l’industriel Pascal Cochez et l’entrepreneur Frank Supplisson ont dressé lundi 25 mars un projet de récupération de l’aciérie de Saint-Saulve.

Ils seront quatre, voire cinq ! Après le retrait d’Altifort d’Ascoval, courant janvier, beaucoup de candidats s’entassent pour récupérer l’aciérie de Saint-Saulve et ses 281 salariés. Et cette fois, « il y en a des sérieux et très solides », promet un bon connaisseur du dossier. Selon nos informations, le métallurgiste britannique British Steel, le spécialiste italien des aciers spéciaux Calvi Networks, l’industriel Pascal Cochez et Frank Supplisson, l’ancien président d’Ascometal, sont en lice, tandis qu’une cinquième société a exprimé son intérêt pour le dossier.

Parmi ces solliciteurs, deux sortent vraiment du lot. Le premier, British Steel est un groupe d’aciéries racheté à Tata Steel en 2016 par Greybull Capital des frères français Nathaniel et Marc Meyohas. La société, qui a accompli en 2018 un chiffre d’affaires de 1,4 milliard de livres, soit 1,63 milliard d’euros, serait prête à soutenir dans un délai rapide de 200 000 à 300 000 tonnes de commandes d’aciers.

Pour un site engendré pour constituer jusqu’à 600 000 tonnes, cela admettrait de couvrir les coûts fixes de l’usine. Fin 2018, cependant, la société britannique a avisé la suppression de 400 postes pour assurer son avenir.

Le second acheteur potentiel est le groupe italien Calvi, qui affiche 230 millions d’euros de chiffre d’affaires dans les aciers spéciaux. Ce transformateur soutiendrait quelque 100 000 tonnes de débouchés à Ascoval. « Quels que soient les projets, l’essentiel, c’est de découvrir un débouché, assure un bon compétent du secteur sidérurgiste. Et British Steel semble actuellement en surcapacité avec ses propres usines, alors pourquoi en reprendre une ? »

Le détail de l’ensemble des offres n’est pas encore connu

D’autre part, deux autres candidats se sont fait connaître. Pascal Cochez, un entrepreneur des Hauts-de-France qui avait déjà établi une offre en octobre 2018 face à Altifort. Selon la Voix du Nord, il conduit le groupe Cochez qui avait repris le site de Sacsum en 2014 pour y défaire ses activités de services aux industries et emploie 150 salariés. En 2017, il a repris la conserverie de poisson de la région de Boulogne. Chez Ascoval, M. Cochez a déjà acquis le surnom de « Batman »…

Le tutoiement au travail, un délicat signe social

Eric Audras/PhotoAlto / Photononstop / Eric Audras/PhotoAlto / Photononstop

Pour Baptiste Coulmont Professeur de sociologie à l’Université Paris VIII, l’usage du « tu » reste un marqueur des différences de capacité et d’écart entre groupes.

Le tutoiement, affaire de feeling ou d’habitude ? Certains ont le tutoiement si libre qu’il semble être dans leur nature. Mais il s’étend, signe qu’il n’appartient pas que des individus. Il était déjà totalitaire durant l’enfance, puis dans le monde étudiant. Il est actuellement omniprésent au travail. C’est une des premières règles qu’on m’a présentées, à mon entrée à l’université Paris-VIII : « Ici on se tutoie. »

On se tutoie parce qu’on s’apprécie être égaux. Mais voilà de nos jours, en majorité, c’est aussi son chef qu’on tutoie, alors même qu’il nous commande. L’enquête COI sur les transmutations organisationnelles et l’informatisation a demandé à 16 000 salariés, parmi plusieurs autres questions, s’ils tutoyaient leur supérieur hiérarchique. Le plus souvent, la réponse est « oui ». Alex Alber (université de Tours) déplie les tenants et les conséquences de cette pratique sociale artificiellement anodine dans le dernier numéro de la revue Sociologie du travail.

C’est d’abord une commode d’hommes et de cadres du secteur privé. Seule une femme sur deux tutoie son chef. C’est malgré cela le cas de sept hommes sur dix.

Les cadres tutoient leur « n + 1 » (qui est aussi cadre, et souvent de sexe masculin). Les employées et employés le font moins : leur chef n’est pas employé, il est cadre ou profession intermédiaire, et souvent d’un autre sexe qu’eux. Les plus jeunes tutoient plus que les plus âgés… et on tutoie d’autant plus son chef qu’il est plus jeune que nous.

La plus ou moins grande fréquence du tutoiement reflète alors les frontières : entre groupes professionnels, entre groupes de sexe, entre générations. C’est un marqueur subtil des différences de pouvoir et de distance entre groupes. On voit bien qu’il ne s’agit pas là simplement de feeling : les grandes variables sociales sont associées à la répétition du tutoiement du chef.

Nouvelles formes de distribution du travail

Mais le plus captivant affleure quand le sociologue se demande alors s’il ne s’agit pas d’habitudes ou d’une « culture » du tutoiement, qu’on sait habituel dans les start-up, par exemple.

Plutôt que vers une « culture du tu », c’est vers les nouvelles formes d’organisation du travail qu’il faut regarder: on tutoie son « n + 1 » quand ce dernier n’a plus l’habit du « petit chef ». Le tutoiement du chef direct est plus habituel quand les salariés font l’objet d’évaluations particularisées ou reçoivent des primes : le « management par objectifs », associé à l’autonomie dans les méthodes de travail, s’accompagne d’un recours plus intensif au tutoiement. L’organisation en « groupes de projet », qui assemblent des salariés de niveaux hiérarchiques différents et venants de directions différentes, développe encore l’appel au tutoiement, lingua franca des interactions. Dans ces mondes professionnels, le contrôle de l’activité est délégué à des outils normalisés qui servent de cadre entre le chef et ses subordonnés. Ce n’est plus le chef qui sanctionne, c’est la machine.