Fin du numerus clausus en médecine
Les annonces gouvernementales ne affirmassent pas que le nombre de médecins formés va bien aggraver ni que la question des déserts médicaux sera décidée.
A la rentrée 2020, presque cinquante ans après sa conception, le numerus clausus aura évidemment disparu. Cette suppression, enseignée par le chef de l’Etat en septembre 2018 et choisie lundi 3 juin lors de l’examen de la loi santé au Sénat, doit mettre fin au gâchis humain d’une première année de médecine ultra-sélective, la Paces, où plus des trois quarts des quelque 60 000 inscrits échouent à décrocher une place dans les filières médicales. Elle doit aussi collaborer à dénouer la carence de médecins.
Mais cette promesse extraordinaire pourrait éveiller quelques déceptions. La commission des affaires sociales du Sénat a déjà mis en garde contre une « communication gouvernementale potentiellement trompeuse quant à la suppression du numerus clausus et à ses conséquences ». Et dans le monde universitaire et médical, l’affaire semble expérimentée, jusque dans les rangs feutrés des doyens de faculté de médecine : cette « suppression » du numerus clausus serait en réalité amplement en trompe-l’œil.
Pourquoi une telle suspicion envers une mesure pourtant amplement saluée ? Certes, le nombre de places ouvertes dans les filières des études de santé (médecine, maïeutique, odontologie, pharmacie) ne sera plus établi par l’Etat pour chacune des trente-sept facultés françaises (13 523, dont 8 205 en médecine à la rentrée 2018). Mais il restera : aux universités désormais de fixer ce contingentement, en fonction de leurs capacités de formation et des besoins de santé du territoire, « sur avis conforme de l’agence régionale de santé [ARS] », et au regard « d’objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former établis par l’Etat ». Il y aura donc toujours un chiffre couperet.
« On va avoir une forte désillusion »
Si la transformation apparaît comme source d’une plus grande souplesse, difficile en revanche d’y voir un changement. « On laisse croire qu’on va ouvrir les vannes pour rejoindre les études médicales, que ça va être “open bar”, alors que ce ne sera pas du tout le cas », pointe un universitaire.
Le chef de l’Etat a beau annoncer qu’« il n’y aura plus de concours à la fin de la première année », des épreuves sélectives – en cours de définition, elles seront précisées par décret – viendront le remplacer. Au même temps, la Paces, première année aboutissant à ces épreuves, elle aussi enseignée comme « supprimée », va persister dans une version proche, même si des voies alternatives vont monter en force.