Airbus veut coûte que coûte maintenir sa production

Produire à tout prix, tel semble être le credo d’Airbus. Comme prévu, Guillaume Faury, patron de l’avionneur, a annoncé, lundi 23 mars, le redémarrage de la production. Le groupe avait décrété quatre jours de pause, en France et en Espagne, pour désinfecter les usines et préparer les mesures et les équipements de protection destinés aux salariés. Pour justifier, la relance de la production, M. Faury a cité l’exemple du site de Tianjin, dans la grande banlieue de Pékin, qui « a rouvert » après avoir fermé ses portes pendant quinze jours.

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Pour reprendre son activité, Airbus a conclu un accord d’entreprise signé par seulement trois des quatre syndicats représentatifs : FO, la CGC et la CFTC. En revanche, « la CGT n’a pas signé cet accord », signale Xavier Petrachi, délégué CGT du constructeur. Le syndicat aurait préféré que l’avionneur suspende sa production au moins pendant la période de confinement de quinze jours décrétée par les autorités.

Soutien aux fournisseurs

Le groupe voit au-delà du coronavirus. Son objectif est de rester opérationnel pour pouvoir rebondir le plus haut possible lorsque la pandémie sera terminée. « Nous sécurisons également nos activités afin de préserver l’avenir d’Airbus et de reprendre efficacement nos opérations après la crise », a déclaré M. Faury. L’avionneur ne veut surtout pas se mettre dans la même situation que Boeing. Son rival américain a dû stopper sa production de 737 MAX dès janvier après que son moyen-courrier a été impliqué dans deux catastrophes aériennes qui ont causé la mort de 346 passagers et membres d’équipages. Cet arrêt des chaînes du MAX menace d’être très pénalisant pour Boeing.

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Selon l’équipementier américain Spirit Aerosystems, l’un des principaux fournisseurs du MAX, il faudra au minimum deux ans pour retrouver les cadences de production d’avant l’arrêt des chaînes. Un retard à l’allumage qu’Airbus refuse absolument. Notamment pour préserver tous les maillons du plus grand au plus petit de ses fournisseurs.

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L’avionneur a promis d’apporter « un soutien très fort à cet écosystème, à sa chaîne de fournisseurs ». Le PDG a rappelé que pour assembler « chaque avion, il fallait 500 000 pièces » dont beaucoup sont produites par des intervenants extérieurs. Outre un soutien aux équipementiers, il veut aussi rester à l’écoute des compagnies aériennes clientes de ses avions. « Nous allons voir avec chaque compagnie pour nous adapter à la nouvelle situation », a expliqué M. Faury.

Avec ce tour d’horizon, Airbus espère « établir de nouvelles prévisions » de production et de livraisons de ses appareils. Pour fixer ce nouveau calendrier, le groupe veut s’inspirer de l’exemple de la Chine qui a été « la première touchée, mais aussi la première à sortir de la crise ».

Aider les compagnies à ne pas faire faillite

Pour se donner les moyens de passer la crise, mais aussi d’épauler ses fournisseurs et ses compagnies clientes, l’entreprise a levé une nouvelle ligne de crédit de 15 milliards d’euros. Elle dispose désormais de 30 milliards d’euros de liquidités. Pour faire bonne mesure, la direction a annoncé qu’elle renonçait au versement d’un dividende de 1,4 milliard d’euros et qu’elle suspendait le financement de la retraite complémentaire. Cette manne ne sera pas de trop pour aider l’avionneur européen à repartir de l’avant après que le Covid-19 aura été terrassé. Si le constructeur ne veut pas perdre trop de clients, il devra sûrement mettre la main à la poche pour empêcher les compagnies aériennes de faire faillite, et donc de renoncer à leurs commandes.

Il pourrait suivre l’exemple du motoriste Safran, par ailleurs équipementier de premier rang d’Airbus. Selon les informations du Monde, plusieurs compagnies aériennes clientes des moteurs du groupe, lui ont déjà demandé des délais et des facilités de paiement.

« Il y aura toujours une aviation et les gens auront toujours besoin de voyager »

« Dans la plus grande majorité des cas, les compagnies veulent sécuriser leur trésorerie pour pouvoir rebondir dès que la crise sera passée », a assuré Guillaume Faury. Le dirigeant affiche sa très « forte confiance » en l’avenir, mais Airbus a quand même annulé ses prévisions de production et de livraisons pour 2020. M. Faury se veut optimiste car, selon lui, « il y aura toujours une aviation et les gens auront toujours besoin de voyager. Toutefois, cela prendra du temps » pour revenir à la normale.

Les usines du constructeur repartent dès ce lundi mais en configuration réduite, signale la CGT. En effet, certains salariés, testés positifs au SARS-CoV-2, sont confinés à leur domicile, tandis que d’autres doivent s’absenter pour garder leurs enfants. En pratique, les équipes de production travailleront six heures d’affilé avec deux à trois heures d’écart entre chaque équipe pour désinfecter les locaux. Contrairement à beaucoup d’entreprises, Airbus se refuse à prendre des mesures de chômage partiel. Au contraire, rappelle la CGT : « Les jours non travaillés devront être récupérés avant la fin de l’année. »

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Qui peut bénéficier du chômage partiel ?

En principe, toute entreprise relevant du code du travail peut recourir au dispositif de l’activité partielle. Encore faut-il qu’elle en remplisse les conditions, c’est-à-dire qu’elle soit « contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité » pour l’un ou plusieurs des cinq motifs énoncés à l’article R 5122-1 du code du travail.

Parmi ces motifs figure la « circonstance de caractère exceptionnel », qu’a retenu le ministère du travail dans sa communication sur le COVID-19, donnant ensuite quelques exemples de « cas éligibles à l’activité partielle », tels que la suspension des transports en commun, la baisse d’activité liée à l’épidémie ou « l’interruption temporaire des activités non essentielles ».

Or, à ce jour, aucune interruption des activités non essentielles n’a été imposée, dès l’instant qu’elles ne reçoivent pas de public. Par ailleurs les transports en commun sont maintenus (un arrêté paru au JO du 20/03/2020 précise les mesures de sécurité applicables pour en permettre la continuité).

Par conséquent, les seules entreprises qui sont de facto éligibles à l’activité partielle sont celles qui, recevant du public sans avoir une activité indispensable à la vie de la nation, ont été obligées de fermer jusqu’au 15 avril 2020, à savoir les salles d’auditions, conférences, réunions, spectacles, certains centres commerciaux et commerces, les restaurants et débits de boissons, les salles de danse et de jeux, les bibliothèques, centres de documentation, salles d’expositions, les établissements sportifs couverts, les musées, les restaurants et bars d’hôtels, à l’exception du « room service ».

Le gouvernement a aussi précisé que les commerces qui ne peuvent plus accueillir de clients peuvent maintenir leurs activités de livraison et de retrait de commandes. Le critère est donc dans la réception du public à l’occasion d’une activité non essentielle.

Toutefois toutes les autres entreprises doivent continuer leur activité, soit parce qu’elles sont essentielles à la vie de la nation, même si elles reçoivent du public (alimentaire, pharmacies, stations-services, banques, bureaux de tabac, presse, services publics, livraison de repas à domicile, ventes à emporter et de livraison, hôtels et leurs « room service », animaleries restent également ouvertes – voir aussi la liste dérogatoire), soit parce qu’elles ne reçoivent pas de public.

Toutes les autres entreprises doivent, pour l’instant et en priorité, placer leurs salariés en télétravail quand c’est possible, aménager la sécurité des autres postes, placer les salariés en arrêt de travail dans les cas d’infection ou de garde d’enfant de moins de 16 ans.

« Le coronavirus pourrait bien être le point de bascule de l’économie numérique »

Un livreur Amazon dans les rues de Paris, jeudi 19 mars.
Un livreur Amazon dans les rues de Paris, jeudi 19 mars. PHILIPPE LOPEZ / AFP

Pertes & profits. Les grandes catastrophes accélèrent les grandes ruptures. La première guerre mondiale a amplifié le passage de la société rurale à la société industrielle. La seconde a débouché sur l’avènement de la société de consommation. Le coronavirus pourrait bien être le point de bascule de l’économie numérique.

A l’heure où toute l’économie semble mise sous cloche, un petit territoire résiste encore à l’envahisseur biologique. Le commerce en ligne devient subitement tout le commerce, ou presque. Quand Fnac Darty ferme tous ses magasins, il devient de facto une entreprise 100 % numérique alors qu’un mois auparavant ce mode de distribution ne représentait que 20 % de son activité.

Les derniers maillons

C’est exactement ce qui s’est passé en Chine, où, d’un seul coup, le commerce en ligne est devenu le seul lien marchand avec l’extérieur pour les centaines de millions d’habitants calfeutrés chez eux. L’occasion, pour les distributeurs physiques comme Carrefour ou Fnac Darty, de tester leurs compétences numériques. Et, pour les spécialistes du commerce virtuel tels qu’Amazon ou Cdiscount, de monter encore en puissance.

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C’est alors que ce changement de paradigme bute soudain sur un obstacle tout bête : l’humain. Pas de commerce en ligne sans chauffeurs dans les rues ni livreurs dans les escaliers. Ils ont pris, dans ce nouveau monde, la place dévolue aux caissières dans l’ancien. Les derniers maillons face au client. Aussi fragiles qu’essentiels. Ils s’insurgent, de même que leurs confrères magasiniers dans les entrepôts. Pourquoi ne sont-ils pas confinés comme les autres, contraints de prendre des risques pour un si maigre salaire ?

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Dès lors, certains demandent de restreindre l’activité des e-commerçants au commerce des biens essentiels, alimentation, médicaments… Cela réduirait le personnel employé, et donc les risques encourus. Mais ce serait fermer la petite fenêtre vers l’extérieur que conservent encore les confinés et enlever le rare oxygène qui maintient en survie le circuit économique. Non seulement les commerçants, mais aussi les industriels et les services qui en vivent. Parmi toutes les aides que prévoit le gouvernement, la sécurisation des circuits logistiques et la protection des livreurs devraient être tout en haut de la pile. C’est l’économie d’aujourd’hui et plus encore notre place dans celle de demain qui est en jeu.

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« C’est un choc. Ce n’est qu’un premier cas » : les soignants face à la première victime du coronavirus dans leurs rangs

Le personnel médical emmène un patient vers un hélicoptère médical, à l’hôpital Emile-Muller à Mulhouse (Haut-Rhin), le 22 mars.
Le personnel médical emmène un patient vers un hélicoptère médical, à l’hôpital Emile-Muller à Mulhouse (Haut-Rhin), le 22 mars. SEBASTIEN BOZON / AFP

Ils redoutaient tous ce moment. Depuis des jours, des semaines, les soignants qui bataillent contre l’épidémie de Covid-19 s’attendaient à être frappés à leur tour.

La nouvelle est tombée dimanche 22 mars. Le ministre de la santé, Olivier Véran, a annoncé le premier décès d’un soignant contaminé par le SARS-CoV-2. Jean-Jacques Razafindranazy, 67 ans, était médecin urgentiste à Compiègne, dans l’Oise. Hospitalisé depuis près de trois semaines, il est mort, la veille, au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, où il avait été transféré après l’aggravation de son état.

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L’hôpital de Compiègne avait été le premier, avec celui de Creil, également dans l’Oise, à accueillir des patients contaminés, il y a tout juste un mois. « C’est très préoccupant car ce collègue n’avait, à notre connaissance, pas de problème de santé particulier, témoigne un délégué hospitalier de Compiègne. C’est un choc. Et ce n’est qu’un premier cas. Il y aura d’autres morts parmi les soignants. »

« Envoyée au casse-pipe »

La mort de ce médecin a redoublé l’inquiétude et la colère des professionnels de santé, en première ligne dans la lutte contre l’épidémie, mais sans armes, ou si peu. Depuis le début de la crise sanitaire, médecins, infirmières, aides-soignants, pharmaciens dénoncent le manque de masques, ahuris de devoir travailler sans, d’avoir à se rationner ou de se contenter de simples masques chirurgicaux, pourtant inefficaces pour se protéger d’une contamination.

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« Comment l’Etat n’a-t-il pas pu anticiper les stocks ? Nous sommes pour la plupart à court de gel hydroalcoolique, nous utilisons des masques FFP2 (protection de référence en cas d’épidémie) périmés, et nos pharmacies n’ont toujours rien reçu. J’ai le sentiment d’avoir été envoyée au casse-pipe », s’indigne Maryse Balmy, médecin généraliste dans le Val-d’Oise, testée positive au Covid-19.

Lui aussi contaminé, Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France, redoute une « hécatombe » parmi les soignants. Furieux de voir la France contrainte de pratiquer une « médecine de catastrophe », il tempête contre « l’administration, qui a été en dessous de tout. Elle devra rendre des comptes ».

« Le système craque de tous côtés »

Le ministre de la santé, Olivier Véran, a annoncé samedi avoir commandé 250 millions de masques et confirmé que les 86 millions actuellement en stock seront en priorité distribués aux professionnels de santé. Mais le temps presse : la « vague » épidémique a déjà commencé à déferler sur la France, avec plus de 16 000 personnes contaminées et 674 morts.

Coronavirus : les « urgentistes » des entreprises sonnent l’alarme

La terrasse d’un restaurant fermé, à Nice, le 15 mars.
La terrasse d’un restaurant fermé, à Nice, le 15 mars. ERIC GAILLARD / REUTERS

L’urgence face à la pandémie de Covid-19 reste avant tout sanitaire, mais elle se révèle aussi économique. C’est « l’appel solennel » que les spécialistes des entreprises en difficulté ont adressé, vendredi 20 mars, au ministère de l’économie et des finances ainsi qu’à celui de la justice.

« Les tribunaux doivent pouvoir sans délai ouvrir en voie numérique les procédures de sauvetage pour payer les salaires et sauver les emplois », a exhorté l’Association pour le retournement des entreprises (ARE). « Nous sommes les urgentistes des entreprises. Il faut laisser les entreprises malades accéder aux hôpitaux, autrement dit aux tribunaux de commerce », presse Hélène Bourbouloux, administratrice judiciaire.

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Message reçu : contrairement au projet initial, une ordonnance attendue ces jours-ci devrait permettre à la justice consulaire de continuer à traiter, malgré le confinement, les entreprises mal en point qui affluent, faute de rentrées d’argent dans leurs caisses. « J’ai ouvert en deux jours quatre dossiers d’entreprises employant plus de 500 ou 1 000 personnes », relève Mme Bourbouloux, sans en dire plus.

Selon l’Agefi, elle a notamment été désignée conciliatrice dans le cadre d’une procédure ouverte le 16 mars sur SoLocal, l’ex-PagesJaunes (2 800 salariés). « Mes auxiliaires de justice sont consultés par des entreprises très importantes, employant des milliers de salariés », observe de son côté Thierry Gardon, président du tribunal de commerce de Lyon.

« Gouffre potentiellement fatal pour l’économie française »

Or, la chancellerie avait fait savoir jeudi qu’il n’y aurait pas de nouvelles procédures de redressement judiciaire ou de conciliation pendant la pandémie, pour des raisons sanitaires. Un enjeu majeur car, selon les règles en vigueur, « l’ouverture d’une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire » est un préalable pour permettre au fonds de garantie des salaires AGS d’avancer la rémunération des employés d’entreprises en difficulté.

En 2019, le fonds de solidarité patronal a versé 1,5 milliard d’euros à 181 497 bénéficiaires

Des dizaines de milliers d’employés vont avoir besoin de ce secours vital dans les prochains jours, assurent les professionnels. « Les entreprises se placent sous cocon (…). Mais un grand nombre d’entre elles ne pourront pas tenir très longtemps et, déjà, des entreprises nous appellent pour nous informer qu’elles ne pourront payer leurs salaires à la fin de ce mois ou du mois d’avril », prévient l’ARE. En 2019, le fonds de solidarité patronal a versé 1,5 milliard d’euros à 181 497 bénéficiaires, contre 2,2 milliards alloués à près de 290 000 en 2009, au pic de la crise financière.

Coronavirus : l’essor massif des outils de travail à distance

Télétravail à domicile à Nancy (Meurthe-et-Moselle), le 20 mars.
Télétravail à domicile à Nancy (Meurthe-et-Moselle), le 20 mars. Mathieu CUGNOT

Au Monde, pour la première fois dans l’histoire du quotidien vespéral, des réunions de rédaction journalières se déroulent par vidéoconférence. Depuis que la France est confinée en raison de la pandémie de Covid-19, la poignée de cadres restés au siège, boulevard Auguste-Blanqui, dans le 13e arrondissement de Paris, y échange avec une trentaine de chefs de service et de journalistes installés chez eux, grâce à l’outil Hangout Meet de Google.

Pour garder le contact en cette période troublée par le coronavirus, l’équipe du service « économie » a créé un canal sur l’outil de discussion collectif Slack, alors qu’avec la proximité au bureau, ses journalistes n’en avaient jusqu’ici pas perçu l’utilité.

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Ces exemples de conversion aux outils de télétravail n’ont rien d’exceptionnel depuis qu’un nombre inédit d’employés ont été renvoyés chez eux afin d’éviter la propagation du Covid-19. Les éditeurs de logiciels de collaboration à distance voient les usages se multiplier.

Parmi les spécialistes indépendants « pure players » (qui exercent leur activité uniquement en ligne), Slack a gagné 7 000 nouveaux clients payants depuis février, contre seulement 5 000 au cours de l’ensemble du trimestre précédent. Début mars, Zoom, connu pour son outil de vidéoconférence, a publié un chiffre d’affaires en hausse de 78 %, au-delà des estimations. Klaxoon, la start-up française cotée qui a bâti son succès sur les réunions virtuelles, constate « cinq fois plus de demandes que la normale ».

Du côté des grands acteurs traditionnels de l’informatique professionnelle, Microsoft a vu l’usage de sa suite Teams (vidéoconférence, messagerie, bureautique collaborative) croître de 37 % en une semaine : il a atteint 44 millions d’utilisateurs quotidiens – un record – contre 20 millions il y a quatre mois. En France, il a été multiplié par sept, selon Microsoft, cité par la chaîne américaine CNBC. Son concurrent Cisco, éditeur de la suite de télétravail Webex, enregistre, lui, sept fois plus d’inscriptions gratuites depuis février.

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Google, Facebook ou Amazon, pour leur part, ne publient pas de chiffres, mais sont prêts à surfer cette vague sans précédent. Amazon, leader mondial de l’hébergement de données et de logiciels en ligne dans le « cloud » (informatique dématérialisée), met en avant ses solutions de vidéoconférence, de partage de documents, de gestion d’accès sécurisé « VPN » pour les employés… Comme beaucoup d’acteurs, Google a étendu l’accessibilité de ses services de façon exceptionnelle : jusqu’au 1er juillet, l’option avancée de vidéoconférence Meet est gratuite pour les cinq millions d’entreprises clientes payantes de sa suite de bureautique en ligne (Gmail, Google Docs, Hangout…).

Coronavirus : malgré les annonces du gouvernement, les intermittents du spectacle restent inquiets

Devant le palais des festivals, en mai 2019, à Cannes.
Devant le palais des festivals, en mai 2019, à Cannes. ALBERTO PIZZOLI / AFP

Chaque jour qui passe, une idée nouvelle circule pour tenter de résoudre la difficile équation des intermittents du spectacle en cette période de crise sanitaire due au coronavirus. Fermeture des théâtres et des lieux culturels, annulations ou reports de festivals, de tournages… Le château de cartes n’en finit pas de s’écrouler, et les heures de travail partent en fumée. Comment faire pour assurer une continuité de droits (et de revenus) aux artistes (comédiens, chanteurs, marionnettistes, circassiens…) et aux techniciens (créateurs lumière, décorateurs, régisseurs…) ?

Jeudi 19 mars, dans un communiqué, la ministre du travail Muriel Pénicaud et le ministre de la culture Franck Riester ont annoncé des « mesures exceptionnelles » pour les intermittents et les salariés du secteur culturel. Le gouvernement a décidé de « neutraliser », c’est-à-dire de ne pas prendre en compte la période du confinement (depuis le 15 mars et jusqu’à une date inconnue) dans le calcul de la période de référence ouvrant droit à l’assurance-chômage pour les intermittents. De même, cette période sera neutralisée pour le versement des indemnités – ainsi, les intermittents et autres salariés du secteur culturel arrivant en fin de droits continueront à être indemnisés jusqu’à la fin de la période de confinement.

Les artistes et les techniciens du spectacle bénéficient d’une assurance-chômage spécifique compte tenu de leur activité discontinue. Ils doivent réaliser 507 heures de travail en douze mois pour pouvoir être éligibles aux annexes 8 (techniciens) et 10 (artistes) de l’Unédic. Chaque année, à une date « anniversaire », un(e) intermittent(e) doit pouvoir justifier de 507 heures de travail sur les douze derniers mois. La « neutralisation » permettra donc de retenir les 507 heures hors période de confinement.

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Un premier pas positif

Cette annonce, bien que saluée comme un premier pas positif, ne règle que partiellement le problème. Dans un communiqué, jeudi, la CGT- Spectacle souligne que les mesures « ne permettent pas de répondre à la totalité des problématiques » : « Depuis le 4 mars, date du premier arrêté interdisant les rassemblements de plus de 5 000 personnes dans des lieux clos, quantité de spectacles sont annulés, entraînant des milliers de pertes d’heures pour les salariés intermittents du spectacle. Nous attendons donc des réponses concrètes et complémentaires pour la période se situant entre le 4 et le 15 mars. »

Coronavirus : dans toute la France, les caissières en première ligne

Blagnac, le 17 mars 2020 - Les caisses de l'hypermarche Leclerc de Blagnac. Certaines d'entre elles sont munies d'une protection en plexiglass entre le client et les caissieres ou caissiers. Les caissieres sont munies de gants et de masques de protection. Le confinement obligatoire en raison de la pandemie de coronavirus Covid-19 debute a midi ce jour. Les clients sont limites dans l'hypermarche. A l'ouverture a 9h, seules 250 personnes entrent sur une des deux portes d'entree. PHOTO: Vincent NGUYEN / Riva Press

VINCENT NGUYEN / RIVA PRESS POUR LE MONDE

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Publié hier à 04h46, mis à jour à 10h26

Ces gants-là, ça ne vaut rien. Assise derrière la caisse, elle regarde sa main comme un objet étrange, dans un bref moment d’accalmie. Ces doigts en plastique transparent, beaucoup trop larges, la légère transpiration à l’intérieur… Elle l’agite comme une marionnette et on entend le froissement du plastique. Un peu plus tard, elle accepte de donner son numéro de téléphone pour raconter, à l’abri des oreilles indiscrètes, sa vie de caissière pendant l’épidémie.

Maintenant on dit « hôtesse de caisse », mais il faudrait, en temps de guerre contre le coronavirus, parler de bons petits soldats, voire de chair à canon, tant elles ont subi – ce sont des femmes à 90 % – l’assaut d’une clientèle devenue folle, juste avant le confinement, décrété mardi 17 mars à midi.

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Elles sont de moins en moins nombreuses depuis dix ans dans les super et les hypermarchés, avec l’apparition des caisses automatiques. Une baisse d’environ 10 %, soit un bataillon de 150 000 équivalents temps plein, selon la Fédération du commerce et de la distribution. Mais il est chaque jour au front depuis que tous les commerces « non indispensables » ont fermé. On ne peut plus dire « l’intendance suivra ». Elle précède tout.

De nombreux clients se sont précipités faire leurs courses, comme ici à l’hypermarché Leclerc de Blagnac, le 17 mars, avant le début du confinement.
De nombreux clients se sont précipités faire leurs courses, comme ici à l’hypermarché Leclerc de Blagnac, le 17 mars, avant le début du confinement. VINCENT NGUYEN / RIVA PRESS POUR LE MONDE

Bénédicte, le prénom qu’elle a choisi pour ne pas être reconnue, a 30 ans et travaille en Normandie pour une chaîne de supermarchés de hard discount. « Ce sont des gants de boulangerie, on s’en sert pour mettre les viennoiseries en rayon, question d’hygiène. On se protège comme on peut mais ce n’est pas pratique pour rendre la monnaie. » La jeune femme travaille là depuis plusieurs années, payée au smic avec un contrat de 30 heures : « C’était ça ou rien. Quand il y a un rush on fait un avenant au contrat. »

Du jamais vu

Pour un rush, c’en était un, du jamais vu. Une heure et demie de queue devant le magasin, dès que les rumeurs de confinement ont commencé à courir, vendredi. Lundi, ce fut bien pire. « J’avais l’impression qu’on n’allait pas s’en sortir. Forcément, la contamination on y pense. On est en communication avec les microbes », dit cette mère de deux jeunes enfants.

Ses journées durent dix heures. Après le paiement, les clients sont à touche-touche avec elle car les caisses n’ont pas de rebord, à dessein : « Faut que ça soit du tac au tac, que ça dégage vite. On doit passer 3 000 articles à l’heure, c’est l’objectif fixé. » Quand il y a moins de monde, Bénédicte fait le ménage ou de la mise en rayon. Pour la semaine du 23 mars, on leur a promis un bouclier de Plexiglas. Mais toujours pas de masques.

Netflix et YouTube réduisent leur trafic de données pour protéger internet

village de l’emploi

Face à l’augmentation massive de l’utilisation d’internet liée au confinement, la Commission européenne demande aux plateformes de divertissement de réduire leur trafic de données pour privilégier le télétravail et l’éducation. Netflix et YouTube ont accepté de jouer le jeu.

En conséquence direct du confinement général en Europe, la Commission européenne annonce que  » la demande en capacité internet a augmenté que ce soit pour le télétravail, le e-learning ou le divertissement « . Or, ce phénomène  » pourrait mettre les réseaux en péril à l’heure où il est justement nécessaire qu’ils soient aussi opérationnels que possible « .

La semaine dernière, Cloudflare révélait ainsi que le trafic internet en Italie a augmenté de 30% entre le 5 et le 12 mars 2020. L’usage des messageries en ligne a été multiplié par trois, le streaming de vidéo a doublé, les sites web d’actualité reçoivent jusqu’à 60% de trafic supplémentaire, et les jeux en ligne 20%.

De même, Heficed, fournisseur d’infrastructure réseau basé à Londres, révèle que la demande pour des serveurs internet parmi ses clients a augmenté de 30% à cause des changements d’usage liés au COVID-19. L’opérateur britannique BT a également constaté une augmentation du trafic entre 35 et 60%.

Dans ce contexte, Thierry Breton, Commissaire européen au Marché Intérieur, estime que  » les plateformes de streaming, les opérateurs telecom et les utilisateurs ont une responsabilité commune pour prendre des mesures afin d’assurer le fonctionnement d’internet pendant le combat contre la propagation du virus « .

Le Français s’est ainsi entretenu avec le CEO de Netflix, Reed Hastings, quant à cette situation. En réaction, le géant américain a accepté de réduire la qualité de son streaming vidéo en Europe pendant 30 jours afin de privilégier les applications plus  » sérieuses » telles que le travail et l’éducation.

Ceci devrait permettre de réduire le trafic Netflix sur les réseaux européens d’environ 25%, tout en maintenance une qualité de service convenable pour les utilisateurs. Ces mesures d’économie de données sont en cours de déploiement, mais les consommateurs européens ne devraient en voir l’impact que d’ici quelques jours.

Le 20 mars 2020, YouTube vient à son tour d’annoncer une réduction de la qualité de ses vidéos en Europe. Par défaut, les vidéos seront désormais proposées en définition standard par défaut. Rappelons que Google doit lui-même faire face au coronavirus, et que les modérateurs humains de YouTube ont été remplacés par des IA puisqu’ils ne peuvent plus venir travailler.

Covid-19 : les opérateurs européens confirment une hausse massive du trafic, mais restent confiants

Par ailleurs, la Commission européenne a demandé à l’Organe des régulateurs européens des communications électroniques (ORECE) de mettre en place un système de reporting d’utilisation de données afin d’alerter les opérateurs et les régulateurs en cas de potentiels problèmes de capacité de réseau. Rappelons également que les opérateurs européens coopèrent avec les gouvernements de plusieurs pays de l’UE en fournissant les données de localisation de leurs clients.

En Espagne, plusieurs opérateurs européens appellent les consommateurs à utiliser les réseaux de communication avec parcimonie. C’est notamment le cas d’Orange, MasMovil, Telefonica et Vodafone qui demandent à leurs clients de prioriser les applications de télétravail pendant la journée. Les réseaux seraient actuellement confrontés à une hausse de 40% du trafic.

Malgré la forte hausse du trafic liée au confinement, il est peu probable que le réseau s’effondre. Par exemple, la plateforme de switching de DE-CIX Frankfurt a une capacité de 54,1 Tbps ce qui représente 9 fois le pic de trafic de la semaine dernière.

De même, BT déclare que le trafic en journée, malgré l’augmentation massive, est toujours inférieur de moitié par rapport à l’usage en soirée et très loin de la capacité maximale du réseau. Vodafone et TalkTalk se montrent également rassurés auprès de BBC News. Pour l’heure, une panne de réseau ou un ralentissement n’est donc a priori pas à craindre en Europe