« Nous nous sentons démunis » : à Lannion, l’énigmatique histoire de la boucherie abandonnée

« Nous nous sentons démunis » : à Lannion, l’énigmatique histoire de la boucherie abandonnée

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Publié aujourd’hui à 03h40

Depuis des semaines, l’ardoise navigue sur le comptoir du Flambard, ce café situé à deux pas de l’hôtel de ville de Lannion (Côtes-d’Armor). Sur l’écriteau : « Une cagnotte est à votre disposition pour soutenir les salariés de la boucherie abandonnée. » Après avoir réglé leurs consommations, les habitués glissent mécaniquement le reste de leur monnaie dans la tirelire. Dans la sous-préfecture bretonne, tout le monde connaît l’énigmatique histoire de la Boucherie du Miroir. Cette boutique à la devanture beige et bordeaux se trouve dans la rue pavée qui longe les halles, puis dévale en direction des quais.

Cette institution locale ouverte en 1930 est fermée depuis la disparition d’Eric Nouricier. Ce boucher, qui a repris l’affaire fin 2020, est introuvable. « La dernière fois que je l’ai vu, il m’a dit s’absenter quelques jours pour gérer des papiers dans le Sud, témoigne Aurore Thomas, employée du magasin depuis douze ans. Après plusieurs jours sans nouvelles, nous avons commencé à nous inquiéter. Malgré son absence, nous continuions d’ouvrir jusqu’à ce que le syndicat de la boucherie nous recommande d’arrêter. En cas de problème, nous étions responsables. » Avec Jordan Da Mota, son collègue, la trentenaire s’est résolue à tirer le store de la boutique, le 27 octobre 2021. D’autant que les salariés ont compris que la disparition de leur responsable devait désormais être qualifiée de fuite.

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Devant une tasse de café, Aurore Thomas triture ses mains lorsqu’elle raconte sa stupéfaction en découvrant l’état des comptes de ce commerce jusqu’alors prospère – vides et à découvert de plusieurs milliers d’euros, pour certains. La banque n’avait donc pas rejeté les chèques des salaires de septembre et d’octobre par erreur, comme l’arguait le patron. Les fréquents appels de fournisseurs en colère n’étaient pas l’œuvre de grincheux. Quant aux nombreuses lettres recommandées, elles cachaient une accumulation de dettes.

Depuis la fermeture, des vagues de questions submergent les salariés. Où est passé Eric Nouricier ? Qu’a-t-il fait de la trésorerie de cette boutique au chiffre d’affaires annuel de 342 000 euros (pour son dernier exercice connu, en 2013) ? Qui est vraiment cet Héraultais de 57 ans roulant en Porsche Cayenne dans les rues de Lannion ? Et, plus urgent, quel avenir pour cette entreprise sans patron ?

« Leur attente est insupportable »

« Eric nous a embarqués dans sa galère sans scrupule. Il connaissait nos situations et savait pourtant qu’on ne roulait pas sur l’or », s’agace Florian Lageat, compagnon d’Aurore Thomas. Depuis septembre, les employés sont sans ressources. Impossible de postuler à un autre emploi ou de prétendre au chômage tant que leurs contrats de travail à la Boucherie du Miroir perdurent. Parents de deux enfants, Aurore Thomas et Florian Lageat vivent des indemnités de ce dernier, maçon actuellement en arrêt maladie à la suite d’une fracture du poignet.

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LJD

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