Mourir au travail n’est pas une fatalité

Mourir au travail n’est pas une fatalité

« Le risque zéro n’existe pas. » Cette phrase sert souvent d’argument ultime lorsqu’une entreprise, un employeur ou un cadre est confronté à un accident du travail mortel au sein de ses équipes. L’expression est révélatrice d’un déterminisme auquel on ne doit pas se résoudre au sujet de la vie d’un individu dans l’exercice de son activité professionnelle.

L’idée que le travail puisse tuer en raison de cadences inadaptées, de matériel mal utilisé, de formation insuffisante, d’imprudence ou d’une pression excessive, ne tient pas de la fatalité. La série d’articles que Le Monde a consacrée à ce phénomène montre que, dans la plupart des cas, ce sont les négligences, le non-respect des règles, la course à la rentabilité, le recours excessif à la sous-traitance ou bien l’addition de toutes ces causes, qui sont à l’origine de drames qu’il faut à tout prix chercher à éviter.

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Pour cela, il est nécessaire d’appréhender le phénomène dans toute sa complexité. C’est une gageure. Le fléau fait rarement les gros titres des journaux. Trop souvent, les accidents du travail sont relégués au rang de faits divers. L’ampleur du phénomène a tendance à être minorée. A force de chercher à diluer les responsabilités, de se retrancher systématiquement derrière l’intime et la vie privée pour expliquer un suicide, de dénoncer d’abord le comportement inapproprié du salarié avant d’interroger l’environnement de travail et le niveau de sécurisation du poste, la réalité statistique finit par devenir lacunaire. Remédier à la situation implique en premier lieu de disposer de chiffres fiables et exhaustifs.

La mort au travail est d’autant plus insupportable que chacun n’est pas égal face au risque. Il s’agit d’un phénomène qui touche davantage les ouvriers que les cadres, les intérimaires que les salariés en CDI, les employés de sous-traitants que ceux travaillant pour les donneurs d’ordre. Certains employeurs n’hésitent pas non plus à recourir à une main-d’œuvre jeune et inexpérimentée, qui n’a pas toujours les moyens ni la présence d’esprit de contester des conditions de sécurité inacceptables. Lutter contre la banalisation et l’acceptation de la précarité, c’est aussi améliorer la sécurité au travail.

Changer de mentalité

Le volet répressif existe. Mais il se révèle encore insuffisant. L’efficacité des contrôles pour vérifier que les entreprises ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter l’accident se heurte à la faiblesse des effectifs de l’inspection du travail. Le nombre d’entreprises poursuivies pénalement et condamnées pour homicide involontaire reste rarissime. Quand les condamnations sont prononcées, la plupart du temps, elles le sont à l’encontre de personnes morales, laissant les familles des victimes dans une certaine frustration de ne pas voir sanctionnés les responsables directs des accidents. Quant aux amendes, leur montant n’est pas suffisamment dissuasif pour les grandes entreprises.

Agir uniquement sur le cadre répressif ne permettra pas une transformation en profondeur. Un changement de mentalité doit aussi être mené. Tant que la sécurité sera assimilée à un coût et non à un investissement, les changements resteront marginaux. Les leviers d’amélioration sont connus : solutions techniques, organisation du travail adaptée, messages martelés et formation permanente. La sécurité au travail est l’affaire de tous, y compris des clients, qui ne doivent pas accepter que leurs chantiers se déroulent dans de mauvaises conditions afin de faire des économies. Si le risque zéro n’existe pas, il tient à chacun de nous d’en faire un objectif.

Le Monde

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LJD

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