L’inflation frappe durement l’Europe de l’Est
Depuis des jours, les habitants de Timisoara, dans l’ouest de la Roumanie, commencent leur journée par le même rituel : tâter leur radiateur avec anxiété. Le 26 octobre, plus de 50 000 foyers, ainsi que les écoles et les hôpitaux de la ville, ont été privés de chauffage et d’eau chaude durant plusieurs jours. Motif : la flambée des prix de l’énergie a poussé l’entreprise locale de chauffage, Colterm, au bord de la faillite. Face à l’accumulation des impayés, le producteur de gaz E.ON a cessé de l’approvisionner. Depuis, les autorités municipales se démènent avec d’autres fournisseurs pour acheminer gaz et charbon vers les centrales de Colterm. Mais les livraisons sont aléatoires. Alors, tandis que le pays entre dans l’hiver, les radiateurs de Timisoara ne chauffent pas tous les jours, et souvent trop peu.
En octobre, l’indice des prix à la consommation roumain a progressé de 7,9 % sur un an, au plus haut depuis dix ans, selon l’Institut national de statistique. Cela tient beaucoup à la flambée des tarifs du gaz (+ 46 %), et les chiffres sont aussi vertigineux dans les pays voisins. En octobre, l’inflation a progressé de 5,8 % en République tchèque, de 6,5 % en Hongrie – du jamais-vu depuis 2012 – ou de 6,8 % en Pologne. Selon les prévisions du cabinet britannique Oxford Economics, elle devrait progresser de 7 % dans l’ensemble de l’Europe centrale et de l’Est cette année, contre 3,7 % en zone euro. « Cette région est celle où le risque de voir une hausse de prix soutenue ces prochaines années est le plus élevé », analyse Liam Peach, du cabinet britannique Capital Economics.
« Pour le moment, ce choc inflationniste est en grande partie lié à la hausse du cours des matières premières et aux problèmes d’approvisionnement, en particulier dans les pays très intégrés aux chaînes de production européennes », observe Rafal Benecki, économiste chez ING, à Varsovie. Et, sans surprise, les ménages sont les premiers à en souffrir. En Roumanie et en Hongrie, les dépenses liées au chauffage et à l’énergie représentent en effet respectivement 25 % et 22 % des dépenses des familles, contre 7 % en Allemagne, selon la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). « La pression pour que les gouvernements prennent des mesures en faveur de ces ménages va donc augmenter », souligne Beata Javorcik, économiste en chef de la BERD.
« Pénuries sur le marché du travail »
Certains ont commencé à le faire. Soucieux de ménager l’électorat à l’approche des élections législatives de 2022, le cabinet du premier ministre nationaliste hongrois, Viktor Orban, a annoncé, jeudi 11 novembre, que les prix de l’essence et du diesel à la pompe seraient plafonnés à 480 forints (1,31 euro) par litre pour les trois prochains mois. La Roumanie envisage des mesures similaires.
Il vous reste 58.6% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.