Licenciés après un incendie, les ex-salariés de Toupnot exigent réparation
Des trémolos dans la voix, Eric Testeil, 59 ans, s’interrompt pour reprendre son souffle. Cinq ans après qu’un incendie a ravagé les locaux de l’entreprise Toupnot, donnant à sa carrière professionnelle une tournure imprévue, cet ancien salarié ne s’en remet toujours pas. « J’ai laissé plus de trente ans de ma vie dans l’entreprise. Puis il a fallu que je retrouve un emploi. C’était dur, car je n’avais plus 20 ans », raconte M. Testeil, aujourd’hui cariste magasinier.
Entré à l’âge de 17 ans et demi chez le fabricant de corned-beef, installé sur 2 hectares dans le nord-est de Lourdes (Hautes-Pyrénées), il occupe divers postes (déballage de viande congelée, maintenance des outils, chef d’équipe) jusqu’à son licenciement, en mai 2020. Alors, jeudi 4 et vendredi 5 avril, il assistera aux audiences du conseil de prud’hommes délocalisé dans une salle de la chambre de commerce et d’industrie de Tarbes. Au total, ils seront 54 anciens salariés, sur les 72 employés que comptait l’usine, sur les bancs de la juridiction pour contester leur licenciement économique.
Toupnot, une PME familiale créée en 1932, change de mains lorsque Pierre Franco, petit-fils du fondateur, part à la retraite : à partir de 2011, le dirigeant cède progressivement le capital de l’entreprise à Rémi Arnauld de Sartre, qui finit par en détenir 75 % en 2012. Le reste est cédé à Cofigeo.
Trois ans plus tard, le groupe agroalimentaire avale entièrement la société lourdaise. L’appétit du spécialiste des plats cuisinés en conserve ne s’arrête pas là : il met la main sur William Saurin, avec l’aval de Bercy. Le 19 juillet 2018, Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, donne son feu vert à cette opération, à la seule condition du maintien de l’emploi dans le groupe pendant deux ans.
« C’est de la fraude, un scandale absolu »
En 2019, dans la nuit du 9 au 10 janvier, un incendie détruit en grande partie l’atelier de fabrication de Toupnot. Le choc passé, les salariés ne perdent pas espoir. Car, pour eux, la reconstruction de l’usine peut être financée par les 18 millions d’euros de prime d’assurance que perçoit Cofigeo. Et puis, un atelier relais de 7 000 mètres carrés est envisagé pour sauver une cinquantaine d’emplois. Ce projet est jugé viable par le cabinet d’expertise Secafi et la Compagnie d’aménagement des coteaux de Gascogne. Il est aussi présenté aux collectivités locales et aux élus politiques lors d’une réunion en préfecture, en février 2019.
Cependant, « les salariés ne voient rien venir », rapporte Me Elise Brand, saisie par ces derniers au mitan de 2022. « Et, le 1er octobre 2019, le groupe décide de fermer l’usine. C’est de la fraude, un scandale absolu », tonne l’avocate, qui réclame l’indemnisation des salariés pour la perte de leur emploi en raison du non-respect par l’employeur de l’accord conclu en juillet 2018. Pour Philippe Combes, délégué syndical CGT, il s’agit d’une « trahison ». « La direction nous a pris pour des ploucs du Sud-Ouest, sauf que les Toupnot sont toujours là. »
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