Les référents métiers au secours du dialogue social
Le Livre. Le risque dépressif baisse lorsque les salariés peuvent agir sur les décisions concernant l’organisation du travail. Pourtant, le « travail empêché » est le quotidien de beaucoup de salariés, tous secteurs confondus, public et privé, selon la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail. Près d’un tiers d’entre eux (32 %) disent ne pas ressentir la fierté du travail bien fait. C’est alors « la défiance qui domine dans les relations professionnelles car, pour un grand nombre de salariés, l’organisation du travail est loin d’être aussi “agile” et “flexible” ou “bottom-up” [“de haut en bas”] que nécessaire », constate Jean-Yves Bonnefond dans l’essai Agir sur la qualité du travail.
Pour le docteur en psychologie du travail, « la qualité du travail est d’abord un problème » : en faire un sujet institutionnel, c’est commencer par soulever la question de la définition et de l’évaluation des critères retenus pour juger de la qualité du produit fabriqué, du service rendu ou du soin prodigué. « Mais c’est aussi, à certaines conditions, une solution durable pour l’efficacité et la santé dans les organisations. » Son ouvrage contribue à le montrer.
La matière première du texte est une expérimentation menée à l’usine Flins de Renault par le clinicien de l’activité, avec l’équipe de psychologie du travail du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). L’auteur y arrive en avril 2012, au sein du département montage, dans l’unité d’habillage des portes. L’ouvrage revient sur la genèse et le développement d’un dialogue entre pairs, ligne hiérarchique, direction et organisations syndicales autour de critères de qualité au travail.
Une légitimité nouvelle
Le dispositif est à l’origine d’innovations durables : des « référents métier » élus par les ouvriers, délibérant sur le travail baien fait qui se transforme avec eux, et une instance tripartite de coopération, en cas de conflit, entre ouvriers, direction et syndicats.
Cette transformation organisationnelle tire sa pérennité d’une force de rappel nouvelle : « L’opérateur référent métier, élu dans le collectif et en dialogue aussi bien avec sa hiérarchie qu’avec les instances représentatives du personnel. » Il incarne une légitimité nouvelle susceptible de faire descendre le dialogue social à la rencontre des problèmes de travail réels.
Lorsque l’ouvrage paraît, l’intervention de l’usine Flins de Renault a pris fin depuis deux ans. Elle en aura duré presque cinq. Pourtant, en un sens, elle dure encore : à ce jour, un collectif de plus de cent référents métiers élus par leurs pairs fait vivre dans cette usine de 4 500 salariés un dialogue sur la qualité du travail entre la hiérarchie et les ouvriers et, d’abord, un dialogue entre ces derniers. « Du coup, comme le montre ce livre, les ouvriers comptent davantage pour quelque chose dans un travail qui s’est transformé avec eux », analyse le psychologue Yves Clot dans la préface.