« Les hommes et l’égalité professionnelle : qu’est-ce qui coince encore ? »

« Les hommes et l’égalité professionnelle : qu’est-ce qui coince encore ? »

[Malgré les engagements affirmés par les employeurs, pourquoi les femmes sont-elles toujours absentes de certains métiers ou postes à responsabilité ? Haude Rivoal est sociologue, associée au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) – Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET) et au Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris (Cresppa). Elle est l’autrice de La Fabrique des masculinités au travail (La Dispute, 2021).]

Ces derniers temps, on s’interroge beaucoup sur le sens du travail, mais moins sur le genre de celui-ci. Pourtant, les faits sont têtus. Qu’il s’agisse des inégalités de salaires, du plafond de verre, ou, plus grave, du harcèlement sexiste ou sexuel au travail, l’actualité ne finit pas de nous rappeler leur persistance. Pourtant, le monde du travail ne cesse de multiplier les initiatives, de clamer sa bonne volonté et de prouver sa « proactivité » en matière de lutte contre les discriminations : de grands patrons s’engagent, des lois incitent et des rapports alertent.

Alors, qu’est-ce qui coince encore ? Les apports des sciences sociales sont nombreux et riches d’enseignements sur l’étude des femmes au travail, des discriminations qu’elles subissent aussi bien que des manières qu’elles ont parfois de les contourner. Mais, que se passe-t-il du côté des hommes ? Leur rapport au travail, à la virilité et à l’égalité a-t-il changé ?

La féminisation du travail ne modifie pas ses structures inégalitaires

Il n’est pas besoin de beaucoup de chiffres pour prouver que les élites (économiques, financières et culturelles) sont toujours masculines. A Bercy, par exemple, les femmes représentent en 2016 seulement 20 % des emplois de cadres alors que le ministère de l’économie est composé à 57 % de femmes. Même dans les filières plus féminisées comme l’administration, les femmes sont sous représentées.

Cette inégalité existe aussi dans les ministères sociaux considérés comme plus « féminins », où elles sont seulement 40 % dans les postes de direction alors qu’elles composent deux tiers des effectifs (Laure Bereni, Alban Jacquemart, 2018). Dans les emplois les moins qualifiés, le constat reste quant à lui très binaire (Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, 2023). Schématiquement : les ouvriers sont encore largement des hommes et les femmes sont concentrées dans les métiers de l’éducation, du nettoyage et du soin. Voilà de quoi désamorcer d’emblée une idée reçue : celle qui suppose que le chemin vers l’égalité n’est plus très long et qu’il ne suffirait plus que d’un renouvellement des générations pour que le partage des tâches et des responsabilités s’installe définitivement.

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LJD

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