« Les conséquences positives du “quoi qu’il en coûte” ne biaisent pas les chiffres du chômage »
Avec un taux de 7,4 %, le chômage est à son plus bas depuis 2008. Mais que retenir de ce chiffre ? Deux économistes, Anne-Sophie Alsif (cheffe économiste de BDO) et Yannick L’Horty (professeur à l’université Paris-Est), ont répondu aux questions des lecteurs du Monde, ce lundi 21 février.
Le taux de chômage est-il vraiment un indicateur pertinent de la santé économique d’un pays ?
Yannick L’Horty (Y. H.) : La permanence du chômage à un niveau élevé, entre 8 % et 11 %, depuis la fin des années 1980 n’était assurément pas un indicateur de prospérité économique.
Pour autant, le chômage est un indicateur de stock qui est le résultat d’une accumulation de flux d’entrées et de sorties du marché du travail, entre chômage, emploi et inactivité. Ces flux sont les meilleurs indicateurs de la santé économique à une période donnée, en particulier les flux d’embauches et de licenciements.
Anne-Sophie Alsif (A.-S. A.) : Oui, car son évolution est en lien avec le taux de croissance économique. Néanmoins, le contexte actuel est particulier, en raison de la nature de la crise, qui était sanitaire et non économique.
Y a-t-il un lien avéré entre la baisse du chômage des jeunes et l’augmentation du nombre de contrats d’apprentissage ?
Y. H. : Le nombre de contrats d’apprentissage a plus que doublé ces trois dernières années : 318 000 contrats en 2018, 650 000 en 2021. Il s’agit d’une hausse massive, qui exerce des effets très bénéfiques sur le nombre de jeunes chômeurs au sens du Bureau international du travail (BIT), puisque les jeunes en contrat d’apprentissage sont des salariés et sont donc actifs occupés.
A chaque fois qu’un jeune en formation initiale entre en apprentissage, il augmente le dénominateur du taux de chômage et le fait donc baisser. La forte baisse récente du chômage des jeunes en France est liée à la hausse spectaculaire de l’apprentissage.
A.-S. A. : Oui, il y a un lien. Le nombre de contrats d’apprentissage a atteint un record en 2021 s’élevant à 718 000, la quasi-totalité (97 %) étant dans le secteur privé, selon le ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion. La reprise économique, la forte demande mondiale et les résultats positifs du « quoi qu’il en coûte » favorisent le recours massif par les entreprises à ce type de contrat dans un contexte où il est difficile de trouver de la main-d’œuvre.
De plus, beaucoup de ces contrats peuvent déboucher sur un CDI et permettent une véritable insertion sur le marché du travail. Le développement de ces contrats est très efficace pour lutter contre le chômage des moins de 25 ans.
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