L’entreprise de crèches en question
Entreprises. A la suite d’un rapport public de l’inspection générale des affaires sociales, en mars 2023, et de livres rapportant des maltraitances dans les crèches du secteur lucratif, l’Assemblée nationale a constitué une commission d’enquête sur « le modèle économique des crèches et la qualité d’accueil des jeunes enfants ». Celle-ci vient d’interroger les grands groupes du secteur (Babilou, People & Baby, La Maison bleue, Les Petits Chaperons rouges…) sur leurs actionnariats, leurs modèles économiques et leurs politiques de qualité.
Ces témoignages, visibles par tous, retracent des croissances réussies mais qui exigent des formes nouvelles de gouvernance et de contrôle.
Dans les années 2000, l’Etat peine à répondre aux besoins dans ses domaines habituels. Il suscite alors la création d’entreprises de crèches qui bénéficient du financement public des prestations. Les investisseurs seront séduits par leur potentiel de croissance rapide en France et à l’étranger.
20 % des places
Aujourd’hui, ces entreprises détiennent environ 20 % des places (80 000) et ont réalisé l’essentiel de la croissance du secteur. Elles innovent avec les réservations de places pour les entreprises et les organismes, et s’appuient aussi sur un large réseau de crèches, souvent associatives, pour rester près du domicile des enfants. Enfin, leurs actionnaires ne reçoivent pas de dividendes et misent sur la croissance du secteur pour valoriser leurs titres.
Ce modèle suscite plusieurs critiques. Les prestations étant, pour l’essentiel, payées par l’argent public, on demande aux entreprises de mieux justifier de leurs coûts et de leurs marges. On craint aussi que leur rentabilité ne repose sur des conditions de travail dégradées. Pour autant, crèches publiques ou privées doivent se conformer à un grand nombre de normes de qualité et font l’objet de contrôles inopinés par la protection maternelle et infantile.
Aussi, et comme pour les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), personne n’avait prévu l’indignation générale provoquée par le signalement de maltraitances ou la révélation d’indicateurs de gestion contraires à la qualité de l’accueil. Cela venait conforter le soupçon d’un secteur trop financiarisé, autant que les difficultés à contrôler des activités aussi sensibles.
Attractivité et transparence
Pour sortir de ce piège et restaurer la confiance, il faut d’abord une gouvernance propre aux valeurs du métier. Certaines entreprises ont déjà adopté la qualité de société à mission. Elle engage les actionnaires sur ces valeurs, impose un comité de mission, la publication régulière d’un rapport de mission et un audit indépendant. En s’étendant au secteur, cette mutation améliorerait son attractivité et sa transparence.
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