L’édition Tech for Good
Le président de la République a terminé, jeudi 16 mai, une « séquence » liée au digitale : comme en 2018 a été structurée une semaine d’événements bariolés sur le secteur technologique, ouverte vendredi 10 avec l’admission de Mark Zuckerberg par le président de la République, poursuivie mercredi 15 avec le sommet Tech for Good à l’Elysée, et close jeudi avec la prise de parole du chef de l’Etat au salon VivaTech. Mais, par rapport à l’année antérieure, l’exécutif a cherché à exposer qu’il accordait un peu plus de place aux entreprises françaises et européennes, et gardait un peu plus ses distances avec les géants américains comme Facebook ou Google.
La pondération des contenus haineux a été au centre des interactions avec les géants américains
Signe d’une légère transformation d’ambiance, les interactions avec les grandes entreprises du digitale américaines ont surtout eu lieu autour d’un thème qui leur vaut de plusieurs polémiques : les contenus haineux ou terroristes et leur modération. Vendredi a été remis le rapport de la mission effectuée par des régulateurs français chez Facebook, et mercredi a été déclenché l’« appel de Christchurch », créé en réponse au récent attentat en Nouvelle-Zélande et signé par plusieurs pays mais aussi par Facebook, Google, Twitter ou Amazon…
La normalisation des réseaux sociaux est un des thèmes que M. Macron a mis en avant pour les élections européennes. Et au dîner structuré mercredi soir à l’Elysée avec les différents acteurs de la semaine, un entrepreneur français a noté, dans la bouche des tempéraments politiques présentes, un « durcissement du discours sur les grands acteurs de la tech ».
Au sommet Tech for Good, dans lequel des sociétés actives dans le digitale sont nommées à prendre des promesses de responsabilité sociale, l’Elysée a choisi d’accorder plus de place aux firmes françaises, après que certaines ont affirmé des remarques. « Après l’édition 2018, nous avions appuyé que la recherche du Tech for Good ne pouvait se résumer à un face-à-face entre les autorités et les géants de la tech. Il existe tout un écosystème français de start-up qui crée des centaines d’emplois, qui résout des défis environnementaux et qui produit des champions internationaux », explique Nicolas Brien, directeur général de France Digitale, grande association de jeunes pousses. « On a 4 licornes en France, et les Etats-Unis 169 : il faut viser haut », a exhorté, à son arrivée à Tech for Good, Frédéric Mazzella, le créateur de Blablacar, l’une des ces entreprises valorisées plus d’un milliard de dollars (895 millions d’euros).
« Une troisième voie » française
En 2018, des grandes firmes françaises comme Orange, BNP Paribas ou Sanofi avaient imploré de ne pas être assez mis en avant lors de Tech for Good, alors qu’on déroulait le tapis rouge aux sociétés américaines, convoquées à diriger les ateliers thématiques. A l’image d’Uber, controversée pour la gestion de ses chauffeurs, mais choisie pour animer le débat sur l’avenir du travail.
En 2019, chaque groupe de travail a été coprésidé par une entreprise française, aux côtés de son homologue international : IBM et BNP Paribas pour l’éducation, L’Oréal et Booking.com pour la différence, Uber et Orange pour le travail, Samsung et La Poste pour l’inclusion, Hewlett-Packard Enterprise et Engie pour l’environnement. Par ailleurs, l’Elysée note avoir, cette année, inclus 50 % de sociétés françaises parmi les adhérents, ce qui n’était pas le cas en 2018. Le nombre d’invités a, au passage, crû de 48 à 84.
L’environnement tech français est bien parti pour accéder un nouveau seuil de 5 milliards d’euros de levées fonds
Jeudi 16 mai, à VivaTech, le salon international des opérations de la digitale effectuée à Paris, Emmanuel Macron a aussi joué la carte locale, en se mettant en scène face à des start-up françaises (Frichti et OpenClassrooms) et européennes (TransferWise, UiPath, Vinted). Dans un jeu de questions-réponses avec les cinq entrepreneurs, et devant un auditoire de 5 000 personnes, le chef de l’Etat a vanté le dynamisme de l’écosystème tech tricolore, bien parti pour accéder un nouveau seuil de 5 milliards d’euros de levées de fonds en 2019 contre 3,5 milliards un an plus tôt.
Le président de la République a aussi réservé quelques piques aux modèles de la Chine, « stato-centré », et des Etats-Unis, « piloté par des grands acteurs privés ». Il a défendu pour « une troisième voie » européenne : « L’Europe peut devenir un leader mondial », a-t-il lancé, encourageant un public favorable à « ne pas avoir un discours défensif mais conquérant ».
L’Elysée « très satisfait »
En avant-propos à cette assistance, une table ronde a réuni les dirigeants des entreprises ayant présidé les ateliers de Tech for Good, modérée par Maurice Lévy, le président du conseil de surveillance de Publicis, co-organisateur du sommet et de VivaTech (avec Les Echos). De son côté, l’Elysée s’affirme « très satisfait » du bilan des engagements pris en 2018 : IBM a créé 1 000 des 1 800 emplois promis d’ici 2020, Google a arbitré 3 millions d’euros à des associations dédiées à l’emploi en France…
Cette année, de nouvelles promesses ont été pris à Tech for Good : 44 entreprises ont ainsi fait le vœu d’installer 30 % de femmes à des postes de management ou de direction d’ici à 2022. Quatorze autres – Uber, Orange, RATP, Deliveroo, Google… – ont mis en place un repère commun identifiant et valorisant les compétences non techniques (accueil, travail en équipe, etc.) des salariés afin de faciliter leur mobilité professionnelle. Un chauffeur Uber pourrait ainsi espérer trouver un emploi dans le métro parisien, développe-t-on.
Au-delà des raideurs entre acteurs tricolores et géants américains, certains ont noté la mise en avant, cette année, de plusieurs dirigeants de sociétés chinoises, dont Jack Ma, le médiatique patron d’Alibaba, présent à Tech for Good et gratifié d’un tête-à-tête avec M. Macron. « Les plates-formes chinoises ne doivent pas être vues seulement comme des barbares qui nous envahissent, ils portent des occasions. Nous ne sommes pas naïfs mais pas manichéens », a éclairci le secrétaire d’Etat au digitale, Cédric O, ex-conseiller du président de la République.