L’économiste Michel Husson est mort

Michel Husson est mort le 18 juillet, à Corvara in Badia (Italie), à l’âge de 72 ans. La mort subite de cet économiste-statisticien atypique, marxiste non dogmatique, est une lourde perte pour la communauté hétérodoxe. La finesse de ses analyses, son humour et sa compétence étaient très appréciés et uniques.
Administrateur de l’INSEE, Michel Husson a travaillé à la Direction de la prévision du ministère de l’économie pendant les années 1980, avant de rejoindre, en 1990, l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES), organisme au service des syndicats. Il était aussi un militant. Politique d’abord : il a été l’un des piliers du groupe de travail économique de la Ligue communiste révolutionnaire de 1980 à 2006, avant de rompre avec elle, pointant sa responsabilité dans l’échec de la recomposition politique à la suite de la victoire du non au traité constitutionnel européen, en 2005. Il a ensuite soutenu les campagnes du Front de gauche puis de Jean-Luc Mélenchon, en 2017. Associatif, ensuite : il s’est impliqué dans Attac, la Fondation Copernic, Les Economistes atterrés…
Depuis vingt ans, il a régulièrement mis sur son site des dizaines de publications – une précieuse mine d’informations. La visée centrale de son œuvre est d’« assurer à toutes et tous un emploi et/ou un revenu décent, l’accès à des services publics de qualité et (…) une planète décente ». Cela passe par « l’emploi d’abord », mais aussi par un rééquilibrage du partage de la valeur ajoutée en faveur des salaires. En matière d’emploi, il a clairement démontré l’inefficacité des politiques de baisse de coût du travail menées depuis les années 1980, et notamment des exonérations de cotisations. Il soutenait d’ailleurs la cotisation comme salaire socialisé.
Dépasser le capitalisme
Rejetant les méthodes néolibérales du temps partiel contraint et du revenu universel, tous deux régressifs entre autres par rapport au droit à l’emploi des femmes, et reconnaissant l’efficacité des lois Robien et Aubry sur la réduction du temps de travail, Michel Husson souhaitait aller plus loin, avec une RTT sans perte de salaire, avec obligation d’embauches proportionnelles et sans la flexibilité accrue qui a accompagné ces lois. Selon lui, il faut intervenir sur la répartition primaire des revenus et non, comme le voudraient des économistes comme Thomas Piketty, sur la redistribution et la fiscalité.
Ces mesures s’inscrivent dans une volonté assumée de dépasser le capitalisme. Le néolibéralisme, avec ses conséquences économiques, sociales et écologiques, en constitue l’aboutissement cohérent, mais cette cohérence est source d’instabilité et de crises récurrentes. Depuis les années 1980, les capitalistes utilisent les profits de manière non productive (dividendes, rachat d’actions, etc.). La cause est l’insuffisance des débouchés et l’absence d’occasions de valorisation suffisante du capital, qui induisent une faiblesse des investissements productifs, se combinant à la baisse de la part des salaires et à l’augmentation des taux de profit. La financiarisation, donc.
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