« L’Economie féministe »: relire l’économie sans biais sociaux

« L’Economie féministe »: relire l’économie sans biais sociaux

Livre. Voilà un ouvrage dont le titre même interpelle et peut sonner comme un oxymore : comment une science peut-elle être associée à un engagement militant ? Avec L’Economie féministe, Hélène Périvier revient sur les origines de la fausse neutralité des concepts et analyses de l’économie, pour mieux mettre au jour les ressorts d’une organisation sociale issue du modèle patriarcal.

Construite par des hommes, pour être au service d’une société dirigée par des hommes, l’économie est « aujourd’hui encore l’une des sciences les moins féminisées », tranche l’économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE).

Considérant que les réflexions en matière de justice sociale et d’éthique altèrent la dimension scientifique de leur discipline naissante, les économistes de la fin du XIXe siècle s’en sont progressivement détournés, laissant à la philosophie morale le soin de traiter ces questions.

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« Cette quête d’une neutralité idéalisée a conduit les économistes à unifier leurs approches en s’appuyant sur un langage commun. Plus didactique et formalisé, le paradigme néoclassique était un candidat idéal pour dominer la discipline. Ce cadre cohérent répond à des questions relatives aux échanges marchands, mais il n’a pas été conçu pour comprendre les échanges d’une autre nature (comme le travail domestique ou le travail familial). » En supposant que l’individu est libre de ses choix, on nie l’existence de rapports de force et de domination et on écarte le rôle des normes sociales dans les décisions individuelles.

Coût et efficacité

Pourtant, reconnaître que les économistes sont eux aussi soumis à l’influence des biais sociaux, culturels et politiques ne réduit pas l’objectivité de cette science sociale. « Il ne s’agit pas d’opposer comme seule réponse à une recherche qui se veut neutre et objective un relativisme stérile et dangereux, mais de proposer une autre voie en assumant la conversation scientifique qui découle des désaccords. (…) Loin d’altérer la dimension scientifique de l’économie, l’économie féministe en renforce la rigueur, car elle élargit le champ des controverses et réduit l’emprise de biais sexistes et essentialistes. »

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En retour, l’économie apporte un ensemble de connaissances utiles au féminisme. Depuis les années 2000, certains travaux empiriques cherchent à identifier le coût des discriminations ou le gain en efficacité que l’on pourrait tirer d’une réduction des inégalités entre les sexes. Mais la mesure chiffrée de ces phénomènes « doit s’accompagner d’une réflexion sur la place que l’on accorde aux principes de justice sociale », souligne la directrice du programme de recherche et d’enseignement des savoirs sur le genre.

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LJD

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