Le référent contre le harcèlement sexuel, personne de confiance ou alibi ?
Depuis le 1er janvier 2019, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel impose à tous les comités sociaux et économiques (CSE) de nommer parmi leurs membres un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. La mesure s’inscrit dans le prolongement de la loi Rebsamen (2015) et de la loi travail (2016), qui ont intégré la notion de propos sexiste, et renforcé les obligations de l’employeur en matière de prévention contre le harcèlement sexuel.
Elle a été globalement saluée par les syndicats et les associations féministes, avec quelques réserves concernant l’insuffisance de moyens dont bénéficient ces référents – et surtout, les risques pesant sur leur indépendance. Les entreprises d’au moins 250 salariés doivent aussi désigner un second référent « chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes », précise le texte de loi.
Un an après l’entrée en vigueur de la mesure, les entreprises se sont-elles pliées à cette obligation ? Difficile à dire : « Le ministère du travail ne dispose pas d’outil informatique nous permettant de connaître dans quelle mesure [les CSE] le font réellement », nous indique le ministère. Quant aux référents désignés par l’employeur dans les entreprises de plus de 250 salariés, il n’existe aucun moyen de les recenser. Mais Karine Armani, fondatrice d’Equilibres, une société qui œuvre pour l’égalité au travail, considère que cette obligation est prise au sérieux : « Le mouvement #metoo, qui a mis en lumière le problème du harcèlement sexuel, a contribué à faire exister le sujet au sein des entreprises ».
D’autant que les cas portés devant la justice semblent en augmentation. Me Alain Antoine, du cabinet du même nom, et Me Guillaume Boulain, de CRTD & Associés, membres du réseau Eurojuris, témoignent tous deux d’une « hausse » des affaires de harcèlement sexuel. « A ce jour, le nombre de contentieux sur cette thématique reste stable, mais nous constatons une libération de la parole en entreprise », affirme de son côté Me Céline Vieu Del Bove, du cabinet Aguera Avocats.
Un texte de loi imprécis
Dirigeante de la société B2B consulting RH et ancienne DRH chez Thales, Béatrice Bretegnier a sondé des grandes entreprises de la région PACA, où elle exerce. « Fin décembre, quinze des dix-huit entreprises interrogées avaient déjà nommé leur référent CSE et leur référent employeur ; pour les autres, qui ont constitué tardivement leur CSE, c’était en cours », rapporte-t-elle. Rappelons que les CSE devaient être constitués avant le 31 décembre 2019.