Le quotidien précaire des petites mains de la fibre optique
Lorsqu’un soir du mois d’octobre, Philippe Mary s’aperçoit que son Wi-Fi ne fonctionne plus, l’informaticien de 63 ans croit à une banale interruption et part se coucher sereinement. Il est à mille lieues d’imaginer qu’un mois et demi plus tard il sera encore privé de connexion. Quand, le lendemain, sa box demeure hors service, son opérateur, Orange, dépêche un technicien sur place. Celui-ci identifie rapidement l’origine de la panne : le brin de fibre optique reliant au réseau le domicile de la famille Mary, à Chevreuse (Yvelines), a été sectionné.
Un technicien est justement intervenu la veille jusqu’à une heure tardive pour ouvrir une ligne fibre à un voisin, abonné de Bouygues Telecom. A-t-il volontairement débranché la ligne des époux Mary pour connecter son client ? Est-ce l’installation initiale qui n’était pas correcte ? Toujours est-il que, six semaines plus tard, rien n’est réparé et aucun rendez-vous n’a été fixé. Orange met bien à disposition des Mary une clé 4G, mais affirme ne pas pouvoir faire davantage : c’est un autre acteur, TDF, qui gère le déploiement du réseau à Chevreuse et doit intervenir.
Les mésaventures de la famille Mary ne constituent pas un cas isolé. L’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) a bien tenté de dénombrer les pannes, en demandant à ses membres de recenser les incidents. « Les premiers retours sont désastreux », confie Patrick Chaize, sénateur Les Républicains de l’Ain et président de l’Avicca. A tel point que l’association n’a rien publié pour ne pas « mettre le feu ». « Il y a des dégradations d’installations, des problèmes liés aux mauvaises interventions de techniciens. Mais aussi des soucis d’hygiène dans les immeubles, par exemple en présence de rats », détaille Valérie Alvarez, la médiatrice des communications électroniques.
« Les consommateurs peuvent comprendre quand il faut attendre un ou deux jours, mais pas quand ce sont des pannes répétées », estime Laure de La Raudière, présidente de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), qui doit publier, jeudi 25 novembre, un rapport sur la qualité de la fibre en France. Or, les abonnés sont perdus au milieu d’une myriade d’interlocuteurs qui se renvoient la balle.
Des emplois qui devraient disparaître
Cela tient en partie à l’organisation du déploiement de la fibre dans l’Hexagone et à sa cascade de sociétés intervenantes. Tout le monde connaît les opérateurs dits « commerciaux » que sont Orange, SFR, Free ou Bouygues Telecom, auprès de qui l’on s’abonne et qui gèrent l’ouverture des lignes. Chacun possède son propre réseau, mais, en dehors des grandes villes, une partie des infrastructures est commune. Dans ce cas, un autre acteur intervient : l’opérateur d’infrastructure. Le rôle des Orange, XpFibre (filiale d’Altice France, maison mère de SFR), Axione (détenu par le groupe Bouygues et le fonds d’investissement Mirova), TDF ou encore Altitude Infrastructure : relier les points de mutualisation – ces grandes armoires métalliques qui ont envahi les rues et les sous-sols des bâtiments et qui sont remplies de centaines de brins de fibre – à des boîtiers situés dans la rue ou sur le palier d’un immeuble, sur lesquels il n’y a plus qu’à brancher les lignes des abonnés.
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