« Le principal frein à la croissance est l’insuffisance de main-d’œuvre dans certains secteurs »
Le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, se dit confiant sur la vigueur de la reprise, mais souligne les difficultés structurelles auxquelles l’économie nationale est confrontée, notamment en matière d’emploi. Il se montre rassurant sur la poussée inflationniste, tout en prévenant que l’endettement public devra être résorbé.
Comment l’économie française a-t-elle amorcé 2022 ?
Notre enquête de conjoncture, début février, confirme que la reprise est solide et résiste [au variant] Omicron. Elle conforte notre prévision de croissance, qui devrait être d’au moins 3,6 % en 2022. Elle souligne aussi la persistance des difficultés d’approvisionnement, qui devraient, selon les entreprises, se résorber d’ici à la fin de l’année. Mais, surtout, 52 % des sociétés connaissent des difficultés de recrutement. Dans la durée, le principal frein à la croissance est cette insuffisance de main-d’œuvre, qualifiée et non qualifiée, dans certains secteurs.
Peut-on néanmoins espérer un retour au plein-emploi ?
Oui, si nous sommes tenaces et que nous regardons enfin au-delà de la seule urgence Covid. Aujourd’hui, l’économie française connaît une croissance élevée et une inflation trop forte, mais, d’ici à deux ans, cette image devrait s’inverser. En 2024, l’inflation sera probablement revenue autour de 2 % et la croissance aura retrouvé, à 1,4 %, sa trajectoire pré-Covid. Un rythme trop faible pour nous ramener vers le plein-emploi. Il est souhaitable et possible de se fixer un objectif plus ambitieux, autour de 0,5 % de croissance potentielle supplémentaire par an. Alors, le plein-emploi et le désendettement peuvent enfin se profiler, mais plutôt d’ici à dix ans qu’à l’horizon d’une année.
Comment atteindre cet objectif ?
Ces deux dernières années, la vitesse du « véhicule France » venait du fait qu’on appuyait à fond sur la pédale d’accélérateur, budgétaire et monétaire. Et il le fallait. Mais on ne peut pas appuyer indéfiniment sur l’accélérateur parce qu’il se heurte à deux limites : la dette publique pour le budget, et l’inflation pour la monnaie. Aujourd’hui, le sujet est donc différent : c’est celui de l’efficacité du moteur. Il faut lever les freins à la vitesse de croisière de notre économie et, ce, par les réformes.
La France ne manque évidemment pas de dépenses publiques ni même, globalement, d’investissements, même si l’on doit investir davantage dans l’innovation et les deux transitions, numérique et écologique. Le pays manque en revanche d’offre de travail. En 2004, le taux d’emploi, c’est-à-dire la part de la population des 15-64 ans effectivement en emploi, était au même niveau en France et en Allemagne. Depuis, nous avons un peu progressé, mais beaucoup moins que notre voisin : le taux d’emploi y est de 75 %, contre seulement 67 % chez nous. Si nous étions au même niveau, nous aurions 3 millions de personnes de plus en emploi et beaucoup moins de chômage.
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