Le groupe d’Ehpad Emera dans la tourmente judiciaire, deux ans après le scandale Orpea
« On l’a découverte à cause de l’odeur », confie une aide-soignante. Dans une note transmise en octobre à l’agence régionale de santé (ARS) d’Ile-de-France, Mme L., fille d’une résidente de l’Ehpad La Tournelle, un établissement du groupe Emera situé à La Garenne-Colombes (Hauts-de-Seine), a écrit succinctement : « 4 octobre : Restée seule, enfermée pendant vingt-quatre heures dans sa chambre fermée à clé. » Atteinte de la maladie d’Alzheimer, sa mère a été laissée seule durant une journée dans sa chambre verrouillée par le personnel, qui « la croyait hospitalisée ». Un « oubli » qui « n’a pas été porté à la connaissance » de la direction d’Emera. Pas plus que la dizaine d’incidents consignés dans le signalement de Mme L. à l’ARS : vol de vêtements, chambre sale, toilette non effectuée… Le groupe assure pourtant considérer « avec le plus grand intérêt toute réclamation ou plainte effectuée par les familles et résidents ».
Le cas est loin d’être isolé. En août 2022, un résident d’un Ehpad francilien d’Emera a subi un coma diabétique à la suite d’une erreur d’administration d’insuline. Plus récemment, le 26 août, une résidente de l’Ehpad Sophie, situé à Grasse (Alpes-Maritimes), s’est défenestrée. « C’était une dame qui était à bout, témoigne une soignante de l’établissement. Elle répétait qu’elle n’allait pas bien, mais rien n’a été fait. » Le parquet de Grasse, saisi, a conclu à un suicide et s’apprête à classer l’enquête. Le 5 septembre, une résidente de l’Ehpad La Tournelle meurt des suites d’une déshydratation. Le 29 septembre, un homme de 83 ans, pensionnaire d’un autre Ehpad du groupe à Châteauneuf-Grasse, échappe à la vigilance des personnels et disparaît. Son corps sans vie sera retrouvé quelques jours plus tard.
Le 3 octobre, Alice Béranger porte plainte pour les mauvais traitements subis, selon elle, par sa grand-mère, pensionnaire de l’Ehpad Douceur de France, à Gradignan (Gironde), également géré par le groupe Emera. Depuis, « une dizaine de plaintes » se sont succédé contre des établissements du groupe en France, assure Me Farge, conseil de plusieurs familles plaignantes. Le groupe évoque, pour sa part, « cinq plaintes » depuis deux ans – dont deux pour l’Ehpad de Gradignan, confirme le parquet de Bordeaux – et assure diligenter « des enquêtes internes systématiques ».
Des « plats remplis d’eau », des chambres « sales »
Familles, mais aussi personnels et même directeurs d’établissement sont nombreux à dénoncer au sein du groupe Emera une dérive, résultant d’une course aux profits à tout prix, qui rappelle un précédent. « Deux ans après le scandale Orpea, rien n’a changé », s’indigne Me Farge, qui s’étonne également du manque de réaction tant de l’opinion que des élus.
Il vous reste 70% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.