Le difficile statut des correspondants de France 24 à l’étranger
Pour Anne-Fleur Lespiaut, la vie de correspondante de France 24 au Mali a subitement pris fin le 22 mars. Alors que les militaires au pouvoir venaient de suspendre la diffusion de la chaîne et de la radio RFI (deux entités du groupe audiovisuel public France Médias Monde) dans le pays, la direction à Paris lui demande de quitter Bamako, où elle s’était installée fin 2020.
Depuis plusieurs mois, la jeune femme faisait les frais de la dégradation des relations diplomatiques entre Paris et Bamako, où elle était publiquement qualifiée de « persona non grata au service de médias français de propagande ». Depuis son retour, elle fait face à d’autres tracas. « Je suis à sec, France 24 n’a pas maintenu mon salaire », déplore la journaliste de 28 ans, que l’on avait pourtant assurée du contraire.
De fait, contractuellement, rien n’oblige France 24 à honorer cette promesse. Comme l’écrasante majorité des 160 correspondants de la chaîne publique, Anne-Fleur Lespiaut est en réalité considérée comme une prestataire, rémunérée non pas directement par la chaîne mais par l’une des 47 sociétés de productions sous-traitantes.
Malgré le « montant minimum garanti » que France 24 versait tous les mois à l’entreprise qui l’employait à Bamako, Hemisphère Media Production Africa (HMPA), son directeur Patrick Fandio a estimé qu’il était « de la responsabilité » de France 24 d’indemniser Anne-Fleur Lespiaut, et non de la sienne, comme il l’a écrit dans un communiqué diffusé après avoir été mis en cause dans un article du Canard enchaîné. Contacté, Patrick Fandio nous a renvoyées à ce texte. Le 10 mai, il a annoncé à la chaîne que leur collaboration s’arrêterait en décembre.
Dépenses imprévues
« Anne-Fleur n’était pas notre salariée », riposte Loïck Berrou, adjoint au directeur de France 24 chargé des magazines et reportages. Interlocuteur privilégié des correspondants, le journaliste défend un système « qui permet à France 24 d’avoir un réseau qui tient la route, et aux correspondants de bien gagner leur vie ».
Une appréciation que tous ceux que nous avons interrogés ne partagent pas. « Plusieurs d’entre nous ont dû abandonner notre statut de pigiste (donc aussi le paiement en salaire, et l’obtention de la carte de presse), pour fonder nos sociétés et être payés sur facture, explique un journaliste qui préfère garder l’anonymat, de crainte de perdre son unique source de revenus. Nous ne cotisons donc pas à la “Sécu” pour nos retraites, nous n’avons pas droit aux congés de maternité, ni au chômage, ni aux indemnités de licenciement si nous sommes virés. »
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