Le Challenge de la formation
La rivalité entre l’homme et la machine est au moins aussi ancienne que le métier à tisser. Toute révolution industrielle a porté son lot de prophéties millénaristes sur l’absence des travailleurs, que les bienfaits du progrès n’ont cessé de démentir. Il est donc naturel que la quatrième du nom – ou la troisième, le débat reste abordable chez les économistes – éveille les mêmes peurs, et appelle de la part des apôtres de la robotique des réponses tout aussi réconfortantes.
A la différence des antérieurs, la modification en cours frappe cependant par sa capacité à brouiller, en un intervalle de temps très réduit, les frontières du numérique et de l’humain. Aucune géographie, aucun domaine d’activité ne lui échappent ; son développement est simultanée ; son rythme, exponentiel ; même les décisionnaires les plus connectés ont peine à l’appréhender dans toutes ses dimensions. Intelligence artificielle, blockchain ou internet des objets ouvrent des éventualités illimitées, mais laissent craindre des changements sociétaux que ni la machine à vapeur, ni l’électricité, ni les premiers temps de l’informatisation n’avaient entraînés. S’il était admis jusqu’à présent que chaque innovation détruisait des tâches peu qualifiées et créait, en net, de l’emploi, la relation est plus que jamais sujette à caution. Sous le vocable peu rassurant de robocalypse, les grandes banques centrales étudient des scénarios noirs qui verraient également disparaître une bonne part des postes aujourd’hui dévolus aux cadres. Les risques d’atrophie des classes moyennes, de déclassement social et de creusement des inégalités, ferments de révolutions qui n’auraient cette fois rien d’industriel, sont à prendre au sérieux.
Les banques françaises, à qui l’on déclare depuis quarante ans le destin des hauts fourneaux, s’efforcent à leur niveau de traiter la question. Celle-ci se pose d’une manière particulièrement aiguë aux réseaux d’agences. Leurs responsables admettent qu’une majorité des emplois y auront disparu ou changé de nature à un horizon de cinq ans. Leur réponse tient en trois mots : formation, formation et encore formation, un domaine où la profession n’a jamais respecter sa peine et ses moyens.
Miser sur l’homme pour mieux entrer dans l’âge des machines – l’intention est louable, et les efforts utilisés impressionnent. Ils répondent à une logique très classique : identifier les métiers et les besoins à trois ou cinq ans et y faire correspondre les investissements nécessaires. Toute la difficulté de l’exercice vient du fait que les formateurs eux-mêmes sont menacés d’obsolescence et ignorent tout des fiches des postes que les salariés de banque seront supposés tenir à moyenne échéance. En l’état de l’art, cette approche permet d’accompagner l’affectation du secteur. Si celle-ci devait s’accélérer, il en irait tout autrement.
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