Le CDD, nouvelle norme du marché de l’embauche
Christelle consultante en transformation numérique, cette quadragénaire dit avoir toujours « correctement gagné sa vie ». Pourtant, quand elle a voulu acheter son appartement, aucun établissement bancaire ne lui a prêté de l’argent, dans un premier temps. Car elle était précaire, « abonnée » aux contrats à durée déterminée (CDD), lorsqu’elle a déposé sa demande : « Ils m’ont tout simplement répondu qu’ils ne croyaient pas en mon projet car j’étais instable, alors même que j’apportais 40 000 euros pour un logement qui en valait 140 000. » Résultat : elle a continué de vivre chez ses parents, durant des mois, jusqu’au jour où une « banque a compris [son] cas » et lui a – enfin – octroyé un crédit immobilier.
Cette course d’obstacles, ils sont des milliers à l’accomplir chaque année, faute d’avoir des revenus probable. Pourtant, le contrat à durée indéterminée (CDI) reste la forme d’emploi la plus commune puisqu’il concernait 88 % des salariés (hors intérim) en 2017, selon la Dares – la direction de la recherche du ministère du travail. Mais avant de signer un CDI, un préalable s’impose pour de très nombreuses personnes : un CDD, voire plusieurs – sachant que certains actifs restent enfermés dans ce statut pendant des années.
Ce type de contrat est, en effet, devenu la norme – et le CDI l’exception – en matière d’embauche : en 2017, 87 % des recrutements ont été conclus pour une durée limitée. Un pourcentage qui reflète des changements structurels dans le monde de l’entreprise : de 2001 à 2017, le nombre d’entrées en CDD a été multiplié par 2,5 ; la durée moyenne de ces contrats n’a pas arrêté de baisser, passant de 112 jours à 46 au cours de la période (avec une forte progression des contrats courts, ceux d’une seule journée représentant 30 % des CDD en 2017 contre 8 % seize ans plus tôt). Aujourd’hui, le marché du travail est, plus que jamais, dualisé « entre des salariés en CDI et d’autres multipliant les contrats très courts », écrit la Dares.
Fragilité matérielle
Psychologue dans une entreprise, David a accumulé des CDD pendant six ans avant d’être titularisé. Chaque fois que son contrat expirait, il ressentait la même crainte : ne pas être renouvelé et en subir les conséquences. « On n’est jamais à l’aise, on travaille beaucoup plus que les autres pour montrer qu’il faut nous garder. C’est simple, on vous dit que si vous n’êtes pas content, il y en a plusieurs qui seraient prêts à prendre votre place sur-le-champ », se désole-t-il.