L’argot de bureau : les « soft skills », ou le goût des bonnes manières

L’argot de bureau : les « soft skills », ou le goût des bonnes manières

L’heure est grave pour Benjamin, jeune comptable tout juste sorti d’école. Après un parcours scolaire impeccable, il rêve d’obtenir ce poste dans la start-up parisienne à la mode. Soudain, l’entretien d’embauche prend une tournure déstabilisante : « Imaginons que vous êtes sur une île déserte, sans instrument de mesure : quelle heure est-il, à la minute près ? » Pas de réponse.

« Bon, faites le poirier sur le bureau maintenant, que l’on teste votre flexibilité et votre agilité, c’est très important chez nous. » Gêné et engoncé dans un costume tout neuf, Benjamin échoue. « Test final Benjamin : un pierre-feuille-ciseaux en trois points gagnants. La réactivité et l’adaptation aux intentions de vos interlocuteurs sont cruciales. »

Ici caricaturées, les « soft skills » sont désormais dans la bouche de tous les recruteurs : plus sérieusement, il s’agit d’intelligence relationnelle, de capacités de communication, de résolution de problème. Ces compétences « douces » (ou « molles », littéralement) sont en fait des aptitudes comportementales de base ou des traits de personnalité. C’est le savoir-être qui est mis en avant à la place du savoir-faire, source supplémentaire de sélection des candidats.

Ne pas être un robot

Leur origine est attribuée à l’armée américaine, qui désigna à partir des années 1960 par « soft skills » les compétences importantes liées au travail impliquant « peu ou pas d’interaction avec des machines ». Et elles furent nombreuses, à commencer par celles nécessaires pour motiver et gérer des troupes. Elles viennent en complément des « hard skills », ces compétences dures qui s’apprennent lors des études et sont mesurables avec des indicateurs de performance ou des diplômes.

Leur champ très large recouvre ce qu’on appelle « le capital humain », ces qualités qui a priori ne pourront jamais être acquises par les robots, à l’heure où les compétences techniques sont vite obsolètes. Dans son rapport « Future of Jobs » en 2020, le Forum économique mondial a listé les « soft skills » les plus recherchées : autonomie, flexibilité, capacité à s’adapter facilement à une équipe… Chez Blablacar par exemple, cinq compétences sortent du lot : « growth mindset » (aptitude à l’apprentissage), agilité, leadership, priorisation des tâches et travail en équipe.

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Un « esprit critique » est parfois attendu par l’employeur, mais les tests de créativité virent parfois aux tests de compatibilité : dans cette offre de poste de la start-up Paradox, sous la longue liste des compétences douces − « tu as un fort esprit critique », « on encourage la pensée critique et stratégique. On remet en question nos hypothèses, on est attentif à nos biais », ou encore « obsédé par l’excellence, tu as du mal à être satisfait » −, on trouve le déroulement du processus de recrutement, qui comprend notamment un « entretien culture de 60 minutes pour vérifier en profondeur l’alignement avec nos valeurs et notre culture ».

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