L’argot de bureau : le « flex office » ou la vie sans poste fixe
Premier arrivé, premier servi (à moins d’avoir réservé par Internet) ! Ce n’est ni une salle de classe ni une bibliothèque universitaire surpeuplée, mais l’espace de travail du futur. Surtout aux yeux de ses ardents défenseurs, qu’ils soient start-up ou grands groupes : bienvenue dans un monde où le bureau est un bien collectif. Ordinateur portable dans la main gauche, mug rigolo dans la main droite, smartphone dans la poche, le travailleur du XXIe siècle est paré.
Le « flex office », « desk sharing », « free seating », ou « bureau dynamique » (le terme est flexible), désigne l’absence de poste de travail nominatif. Adieu la boule à neige de Joël achetée à Venise, le presse papier de Mireille, les photos du labrador de Thierry et le cadeau de fête des Mères de Julie, sauf à tout réinstaller chaque matin. Même chez les plus réformateurs, des casiers personnels ont survécu pour abriter ce qu’il reste de la personnalisation du bureau.
Popularisée en 1995 par les consultants américains d’Accenture, la méthode du « bureau flexible » permet d’économiser des mètres carrés : entre les vacances, les RTT et les missions de terrain, un poste de travail individuel n’est occupé que 60 % du temps en moyenne. Avec le flex office, on dénombre moins de postes de travail que de salariés : le siège de BNP Personal Finance compte ainsi 2 055 « positions » pour 2 600 collaborateurs, soit un ratio de 0,8. Certaines entreprises descendent jusqu’à 0,6 soit six bureaux pour dix.
Le Covid-19 pourrait bien accélérer le mouvement : il a par exemple convaincu Suez, qui s’est converti au « flex ». Certains estiment que des bureaux nus seraient bien plus faciles à désinfecter tous les soirs, ce qui permettrait une meilleure sécurité sanitaire.
Ridicule
Le flex office bien organisé répartit les espaces selon les besoins : il postule que le salarié choisit une place en fonction de ses activités du jour. Souvent, ces espaces sont conçus à l’échelle d’un service précis, d’un « territoire d’équipe » (un étage, par exemple), et non de toute l’entreprise, comme chez Axa depuis 2017. Danone a, de son côté, instauré des règles drastiques : interdiction de partir en réunion sans ses affaires, et obligation de libérer les tables à partir de quinze minutes d’absence.
Le « flex », c’est une mentalité. Après tout, le célèbre physicien Stephen Hawking (1942-2018) disait que « l’intelligence, c’est la capacité de s’adapter au changement »… La non-attribution des bureaux, c’est donc le décloisonnement. L’occasion de discuter, de découvrir ce que fait vraiment un développeur Web, de ne plus se limiter à ses trois collègues ennuyeux de la comptabilité, en toute transparence, sans trop de confidentialité. Attention, par exemple, à ne pas s’exclamer que « même mon gamin en CP dessinerait un meilleur logo que le nôtre », alors que cet homme barbu à six mètres de vous n’est autre que Chris, le « design manager ».
Il vous reste 16.55% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.