La longue marche des salariés pour un retour sur leurs lieux de travail
La reprise a été difficile pour Adrien. En ce début septembre, sa première journée de travail a confirmé ses craintes. « On nous avait dit de bien nous reposer durant les vacances car la fin d’année devait être intense, explique ce manager d’une entreprise de conseils. C’est le cas, le travail a afflué dès les premières heures. L’entreprise espère rattraper dans les prochains mois une partie de l’activité perdue lors du confinement. On nous a d’ailleurs conseillé de ne pas prendre plus de deux jours de congé pour la Toussaint ».
Le scénario est similaire dans cette autre société de services : « Nous avons incité nos collaborateurs à prendre au moins trois semaines de congé cet été afin qu’ils soient pleinement disponibles à la rentrée », explique Pierre (son prénom a été modifié), son DRH.
Des salariés « pleinement disponibles » ? Les spécialistes de la santé au travail en doutent. « Tout le monde est parti en congé en se demandant comment se dérouleraient la rentrée et les mois suivants, tant d’un point de vue personnel, pour l’école des enfants par exemple, que d’un point de vue professionnel », souligne Valérie Langevin, psychologue du travail et experte d’assistance-conseil à l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS). Une charge psychologique liée aux craintes sur l’avenir qui peut se doubler, chez certains salariés, d’un « épuisement psychique et physique » dû à la période du confinement, poursuit-elle.
Jugeant le corps salarial fragilisé, les professionnels de santé observent aujourd’hui avec attention la volonté de certaines entreprises d’intensifier leur activité. Ils y voient un facteur de risques psychosociaux majeur. « Un de plus », soupire un médecin. La « longue marche » qui s’engage pour de nombreux salariés retournant au travail se déroule en effet dans un contexte anxiogène, où les sources de stress sont nombreuses et les questionnements sur les situations sanitaire et économique omniprésents. « Nous sommes actuellement dans un monde d’incertitudes que certaines personnalités ont beaucoup de mal à gérer », confirme Céline Roux, déléguée générale de la fédération francilienne des Services de santé au travail interentreprises.
Le mal-être au travail
Le retour au travail après plusieurs mois de télétravail peut être également une source d’angoisse. « Il peut y avoir chez certains collaborateurs la manifestation de peurs phobiques, notamment au moment de reprendre les transports en commun », constate Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’Association nationale des DRH. Olivier Coldefy, psychologue expert, confirme : « Certains sont en situation d’hypervigilance lors de leurs déplacements et sont déjà en tension lorsqu’ils arrivent au travail. »
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