La longue attente des ouvrières du nettoyage harcelées à la gare du Nord

La longue attente des ouvrières du nettoyage harcelées à la gare du Nord

A la gare du Nord, à Paris, le 1er avril.

Aujourd’hui, à la gare du Nord, à Paris, au sein de la société H. Reinier, prestataire de nettoyage, filiale du groupe Onet, « les femmes sont respectées », affirme Ramouna (tous les prénoms ont été modifiés), ouvrière « nettoyeuse » de trains, qui a été victime de violences sexuelles de la part d’un chef. C’est « ce qui a changé, dit-elle, depuis qu’on a gagné aux prud’hommes. Les hommes savent que, s’il y a de l’irrespect, la femme ira aux prud’hommes ».

Le 17 novembre 2017, le conseil de prud’hommes de Paris avait condamné H. Reinier pour harcèlement et agressions sexuels, harcèlement moral et discrimination syndicale subis pendant plusieurs années par quatre plaignantes, dont Ramouna, et un plaignant, Rachid. Tous étaient soutenus par l’Association européenne contre les violences faites aux femmes (AVFT). Les mesures pour protéger ces femmes et cet homme avaient été « totalement inexistantes », et l’employeur avait « pris le parti délibéré de ne leur accorder aucun crédit de bonne foi et de les sanctionner », après la dénonciation des faits, lisait-on dans le jugement, reprenant les conclusions du défenseur des droits.

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Mais, jeudi 10 septembre, au Palais de justice de Paris, en attendant l’audience en appel interjeté par H. Reinier, on pouvait encore lire dans le regard de Ramouna, qui travaille toujours sur le site, les souffrances qu’elle a endurées. « Je ne peux pas avoir d’enfants. Avec ces histoires de harcèlement, j’ai fait une dépression, je prends des médicaments. » Elle a aussi fait plusieurs fausses couches. « J’espère qu’on va gagner en appel, mais j’ai perdu ma santé. » Ses trois collègues – l’une a été licenciée après sa dénonciation et les deux autres sont en arrêt-maladie de longue durée – sont présentes aussi, ainsi que Rachid, ex-délégué, licencié pour les avoir soutenues. « L’argent, disent-elles, ne rachète pas la santé ni le moral perdus. Ils nous ont humiliées d’une façon incroyable. »

Deux nouvelles victoires aux prud’hommes

Cette affaire avait commencé avec la dénonciation, début 2012, par un élu CFDT, Rachid, de racket à l’embauche impliquant un chef, par ailleurs délégué de SUD-Rail à l’époque, qui sera rapidement démandaté. Rachid, parce qu’il avait soutenu des femmes victimes de racket, a fait l’objet de multiples sanctions et tentatives de licenciement, dont la dernière a abouti, en 2016, ainsi que d’une menace de mort. Quant aux femmes, parce qu’elles avaient refusé de signer une pétition demandant le départ de Rachid, l’accusant d’exhibitionnisme, elles ont eu des représailles sous forme de changement de poste ou d’horaires, de harcèlement sexuel et moral, voire d’agression sexuelle. Le conseil de prud’hommes avait annulé les sanctions et le licenciement infligés à Rachid, qui demande sa réintégration, de même que l’une des femmes victimes.

Que s’est-il passé depuis ce jugement ? Les responsables ou complices de ces faits « ont été reclassés à des postes à responsabilité », voire promus, constate Nazima Benbabaali, déléguée syndicale SUD-Rail SNCF, chargée du suivi des salariés de H. Reinier sur ce site. Et si personne n’est plus venu solliciter SUD pour de tels faits, elle affirme avoir encore « vu des gestes déplacés en 2018 et il y a quelques semaines », notamment envers « une femme victime qui n’a pas osé déposer plainte, mais qui a témoigné anonymement auprès de l’AFVT ».

Il y a aussi eu deux nouvelles victoires aux prud’hommes : le 12 mai, une salariée victime de viol avait fini par dénoncer les faits avant d’être licenciée deux mois plus tard. L’employeur a fait appel. Et un autre délégué, licencié après avoir témoigné pour une victime et pour Rachid, voit reconnaître, dans un jugement du 26 juin, la discrimination et le harcèlement moral qu’il a subis ainsi que son licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il n’y a pas d’appel.

Lors de l’audience, qui s’est déroulée en présence de Slim Ben Achour, avocat et représentant du Défenseur des droits, Virginie Monteil, avocate de l’employeur, a estimé, que « les salariés n’établissent pas les faits » et, en résumé, qu’« il n’y a rien dans le dossier ». Délibéré le 28 octobre.

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LJD

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