La justice suspend la vente des magazines de Mondadori France à Reworld Media
Les organisations syndicales de la filiale française de Mondadori auraient dû être informées de ses intentions de vente, selon le tribunal de grande instance de Nanterre.
Mondadori devra patienter avant de pouvoir se séparer de ses magazines français (Science et Vie, Grazia, Closer, Télé Star, Auto Plus, etc.). Dans un jugement assez inattendu rendu mercredi 10 juillet, le tribunal de grande instance de Nanterre a donné raison aux organisations syndicales. Celles-ci estimaient ne pas avoir été informées suffisamment tôt par la direction de son projet de vente au groupe Reworld Media, propriétaire de Marie France, Auto Moto, Be ou encore du Journal de la maison.
Après être entrés en négociation exclusive le 27 septembre 2018, Mondadori et Reworld avaient annoncé avoir trouvé un accord le 18 février, ce dernier rachetant la filiale française du groupe italien pour 70 millions d’euros. Un laps de temps court, « preuve, selon le tribunal, que le changement significatif de stratégie était nécessairement connu » de la direction de Mondadori de longue date. Compte tenu « de l’ampleur du projet de cession », elle aurait dû ouvrir une procédure d’information-consultation des instances représentatives du personnel sur la stratégie pour 2019, avant de le faire une fois l’accord avec Reworld conclu. Sollicitées, les directions de Reworld et Mondadori n’ont pas souhaité réagir.
« On a été mis devant le fait accompli »
« En s’abstenant délibérément de le faire, [l’entreprise a commis] un détournement de pouvoir, empêchant le Comité social et économique [CSE] d’exercer ses droits à recueillir des explications utiles et à faire des propositions alternatives », estime le tribunal dans son jugement.
La justice a donc enjoint Mondadori à ouvrir cette procédure dans les huit prochains jours, sous peine d’astreinte de 50 000 euros par jour de retard, et à verser 10 000 euros de dommages et intérêts au CSE. La vente est donc suspendue pendant plusieurs mois et devra, de nouveau, être soumise à l’avis de l’Autorité de la concurrence.
« Avant l’entrée en négociation exclusive, la direction a toujours démenti les rumeurs d’un rachat par Reworld. On a été mis devant le fait accompli », regrette un délégué de l’intersyndicale. Ce dernier reconnaît que le CSE n’aurait pas pu empêcher le principe d’une vente, mais s’il avait été informé de cette volonté, « ça se saurait su dans la presse et d’autres repreneurs se seraient peut-être manifestés ».
Une stratégie éditoriale qui inquiète
La décision du tribunal de Nanterre reste symbolique, un accord ayant déjà été conclu entre Reworld et Mondadori. Mais elle « rappelle que les entreprises ont un devoir de loyauté vis-à-vis des instances représentatives du personnel, note Yves Corteville, délégué syndical SNJ-CGT. Il nous faut maintenant des réponses claires de Mondadori sur la stratégie de Reworld et ses répercussions sur l’emploi et sur l’avenir des magazines. »
Depuis le début des négociations exclusives entre les deux groupes, les manifestations des salariés de Mondadori se sont multipliées pour s’opposer à leur rachat par Reworld Media. Nombre d’entre eux craignent que les titres les moins rentables cessent de paraître et que l’entreprise externalise la rédaction d’articles pour les magazines restants.
Leurs inquiétudes portent aussi sur la stratégie éditoriale, alors que Reworld Media recourt pour ses titres au brand content, ces publicités prenant l’apparence d’articles. Ce dernier mise sur la forte audience des contenus en ligne pour générer des revenus publicitaires, au détriment parfois de la qualité, selon les rédacteurs de Reworld. En mettant la main sur Mondadori, Reworld deviendrait le premier groupe de presse magazine en France.
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