La gestion du deuil, cette inconnue des politiques de l’entreprise
C’est une phase qui survient après plusieurs mois de deuil. Un temps dit de « vécu dépressif », où la personne touchée plonge dans une intense souffrance. Parvenir à faire ses courses, manger peuvent être des épreuves, se rendre au travail également.
« J’ai été laminée », explique Stéphanie, manageuse dans un groupe du secteur financier. Huit mois après le décès de son mari, emporté par un cancer, elle a vécu très durement cette période. Après plusieurs mois d’arrêt, son retour à temps complet a eu lieu en septembre 2021. Depuis, elle alterne journées en télétravail et en présentiel. Elle dit aujourd’hui parvenir à assumer sa charge de travail, malgré un deuil porté depuis vingt-deux mois, qui continue de lui absorber beaucoup d’énergie.
Un deuil qui s’apparente pour elle à une longue « traversée » menée dans sa vie privée comme au travail. On se rend au bureau les premiers mois « avec un masque », on dit que « ça va ». Et puis on craque, parfois. Des pauses pour aller marcher, des pleurs dans les toilettes. Stéphanie explique que, longtemps, la concentration lui a fait défaut. Autre difficulté : le rapport avec l’environnement professionnel. Si des collègues l’ont soutenue, elle a été marquée par l’indifférence de sa hiérarchie et des ressources humaines. « Lorsque j’ai annoncé que je m’arrêtais car mon mari allait nous quitter, ma responsable a essayé de négocier avec moi un maintien à temps partiel. »
« Comme des moins que rien »
De vraies blessures qui se sont ajoutées à la peine profonde liée à son deuil, et qui n’ont rien d’une exception. « Des collaborateurs sont traités comme des moins que rien, n’arrivent plus à faire face et quittent leur société, volontairement ou non. D’autres reçoivent une pression énorme de leur manageur… C’est la double peine », confie un cadre participant à un groupe de parole de salariés endeuillés. « Des spirales négatives faites d’incompréhensions peuvent se mettre en place, ajoute Marie Tournigand, déléguée générale de l’association Empreintes, qui accompagne des personnes endeuillées. Des salariés se sentent esseulés, l’encadrement est pour sa part démuni, ne sachant pas quelle attitude adopter. »
Un encadrement qui manque souvent de repères et fait face à une question récurrente : le deuil doit-il rester une affaire privée, hors du champ de l’entreprise ? La réponse est négative, pour Mme Tournigand : « Il ne se résume pas à la mort et aux obsèques, mais concerne la vie après le décès d’un proche. Ce qui inclut bien sûr le temps passé au travail, qui va être affecté. Il y a des risques pour le maintien dans l’emploi, alors que l’on sait que certaines pratiques peuvent favoriser la reprise. » Empreintes rappelle d’ailleurs que les entreprises peuvent aborder la question sous un angle économique. Les arrêts de travail liés à un deuil durent en moyenne trente-quatre jours par an. Une meilleure prise en compte réduirait l’absentéisme, favorisant ainsi la performance des organisations.
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