La « génération Covid », stoppée dans son envol, entre angoisse et résilience
Récit« Une génération à l’arrêt » 1|3. « Le Monde » consacre une série à l’impact de la crise due au Covid-19 sur la jeunesse. Aujourd’hui, des témoignages recueillis de Paris à Saint-Brieuc, de Lyon à Wambrechies, expriment des inquiétudes mais surtout du volontarisme.
Il a attendu la fin de la rencontre pour confier son mal-être : « En fait, cette période, je la vis très mal. » D’autant plus mal qu’il se sait « chanceux » : Boran Yildiz, 20 ans, ne fait pas partie de la cohorte d’étudiants privés de cours, enfermés entre quatre murs devant leur écran d’ordinateur, croisant les doigts à chaque prise de parole politique en espérant que soient annoncés sinon un retour à la « vie d’avant » du moins une reprise de la « vie d’étudiant ».
Etudiant, il l’est, en deuxième année de BTS informatique, mais, à la différence de ses camarades à l’université qui ont « basculé » dans l’enseignement à distance, lui, qui suit ses cours dans un lycée de Champigny (Val-de-Marne), continue de venir en classe chaque jour. Son rythme s’est même accéléré : « A cause de la crise sanitaire, on a beaucoup de retard sur le programme, explique-t-il. On n’a pas le temps de respirer. »
Il ne s’en plaint pas : les cours sont devenus la « dernière chose » à laquelle il peut « [se] raccrocher ». Sa vie sociale est à l’image de sa pratique sportive, « à l’arrêt ». En guise d’échappatoire, ce fils d’un câbleur de fibre optique et d’une coiffeuse se contente du trajet en bus qui sépare le lycée de son appartement. Une heure de transport, de la musique dans les oreilles et le regard rivé à la fenêtre, il peut être « dans sa bulle ».
« Vivoter »
Pour Lola et Tom, 19 et 20 ans, la « bulle » qu’ils espéraient former en s’installant ensemble, à Floirac (Gironde), près de Bordeaux, a viré au « huis clos ». « On a l’impression d’avoir 45 ans », glissent-ils à l’unisson. Les deux amoureux ont fait une croix sur leurs projets de séjours à l’étranger – ils rêvaient de pays anglophones – pour une « vie d’adulte », en autarcie. « Travailler, rentrer, manger, regarder la télé : ça sera notre vie peut-être dans quinze ou vingt ans. Mais aujourd’hui ? Etre ensemble, c’est ce qu’on souhaitait, mais H24… », souffle Lola.
Et c’est presque moins dur pour elle, inscrite en BTS de commerce international, que pour lui, qui a quitté Lyon cet été, diplômé du bac, pour la rejoindre dans cette petite ville de 17 000 habitants. Sans amis. Peu de perspectives, sinon celle de passer, à un moment ou à un autre, le concours de surveillant pénitentiaire. Et même plus de petit boulot : celui de vendeur dans un magasin de baskets qu’il avait décroché a tourné court, avec la fermeture du centre commercial où l’enseigne est implantée. Depuis, le jeune couple vivote, du chômage partiel de Tom et des bourses de Lola.
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