La formule gagnante 

La formule gagnante 

Quentin Hugon 
Bien que les risques de appesantisse de travail ou de distance avec la hiérarchie, près d’un tiers des actifs français l’ont choisi. Le futur de l’emploi à l’heure de la transformation digitale sera le sujet des Rencontres économiques et sociétales d’Occitanie (RESO), le mardi 14 mai 2019, à Montpellier.Un air de musique classique changement dans la salle à manger. « L’Andante du trio en sol mineur opus 17 de Clara Schumann », déclare une voix féminine dans l’enceinte. Assis à sa table de travail, entre la bibliothèque et la cage des cochons d’Inde, Gérard reste rivé sur son écran. Comme tous les vendredis, ce fonctionnaire de 61 ans, expert qualité à l’Insee, fait du télétravail. Une forme d’organisation dans laquelle « un travail qui aurait aussi pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication », indique le Code du travail. « J’ai une heure et demie de transport par jour, déclare Gérard. Alors quand l’Insee a ouvert la brèche, j’ai sauté sur l’occasion. »

Un mécanisme intergénérationnel

Comme lui, 29 % des actifs formant dans un bureau pratiquent le télétravail, soit une augmentation de quatre points par rapport à 2017, selon le dernier baromètre de l’observatoire Actineo. La disposition devrait se réaffirmer : d’après une étude Opinionway pour Horoquartz, 49 % des salariés souhaiteraient bénéficier de ce dispositif. « Le télétravail suscite de l’intérêt dans toutes les générations : les jeunes, qui maîtrisent précisément les outils digitaux et ont une relation au travail très moderne, les salariés en milieu de carrière avec des enfants, les seniors qui veulent avoir plus de souplesse d’organisation et plus de temps libre », note Maximilien Fleury, responsable des relations sociales chez Renault France. Pour coller davantage à leurs attentes, le groupe automobile, qui a été l’un des premiers à expérimenter le travail à distance, vient de réviser son accord signé en 2007. « Nous avions des retours très positifs de la part de nos 3 200 télétravailleurs », assure M. Fleury. Mais le système perdait de souplesse. « Désormais on peut choisir une formule fixe ou variable, à raison de deux jours maximum par semaine, pris en journées pleines ou en demi-journées. »

« L’équilibre des temps de vie est le troisième critère pris en compte par les candidats dans le choix de leur employeur »

Les sociétés s’y retrouvent aussi. « Dans le conseil, on est sur un marché pénurique », déclare Eric Perrier, PDG de Viseo, une entreprise de services digitale qui compte 2 200 assistants, dont 1 300 en France. « Le télétravail, qui n’est pas très développé dans nos métiers, est une manière d’attirer les talents et de les soutenir, en leur permettant de vivre une expérience professionnelle plus satisfaisante. » Le résultat est net : le chef d’entreprise enregistre un taux de fidélité deux fois plus fort chez les télétravailleurs que dans le reste des effectifs. Sabrina Salvatore, responsable RSE et transformation RH au sein du groupe Randstad, dresse le même fait. « L’équilibre des temps de vie est le troisième critère pris en compte par les candidats dans le choix de leur employeur, rappelle-t-elle. Procurer du télétravail est donc un vrai plus en termes d’attractivité. » Un moyen aussi de renforcer aussi. « Un salarié à qui on accorde le télétravail le prend comme une chance. Il aura donc à cœur de montrer qu’on a eu raison de lui faire confiance. » D’après le ministère de l’économie, des finances, de l’action et des comptes publics, le télétravail accepterait aussi de diminuer l’absentéisme de 20 %. Cadre chez PSA à Paris, Stéphanie Ousset, 41 ans, pointe du doigt un autre gain non injurieux pour les entreprises : « Faire des économies de mètres carrés. Cela a été le cas chez PSA. On a minimisé les bureaux attitrés, ce qui nous a autorisés de prendre des locaux abondamment plus petits à Rueil-Malmaison. »

Une solution gagnant-gagnant ?

Malgré cela, beaucoup de sociétés en France traînent encore des pieds. « J’ai beau être soucieuse du bien-être de mon équipe, je ne vois pas comment je pourrais le mettre en place chez moi, assure Brigitte Delmas, présidente de la Papeterie financière, entreprise familiale de 10 salariés spécialisée dans l’édition de registres légaux à Paris. Ce serait ingérable. On a des expéditions tous les jours, des clients à accueillir dans nos bureaux. Quand un assistant n’est pas là, les autres doivent prendre le relais, ce qui est très lourd à porter. »

« Si le salarié n’a pas de bonnes relations avec son manager, la distance risque de créer encore plus de tension »

Le télétravail n’est pas toujours le remède non plus pour le bénéficiaire. « Si le salarié n’a pas de bonnes relations avec son manageur, la distance risque de créer encore plus de tension », précède Daniel Ollivier, créateur et directeur associé du cabinet Thera Conseil, spécialisé dans l’efficience du management. D’où l’importance de bien cadrer le dispositif. Ce que s’essaie par exemple de faire Orange. « On limite le télétravail à trois jours par semaine, avec obligation de passer au moins deux jours dans son unité de rattachement pour garantir le collectif », déclare Martine Bordonné, directrice de projet digital et nouveaux modes de travail. Le jeu en vaut vraiment la chandelle, assure également Baptiste Broughton, cofondateur et directeur général de la plate-forme Neo-nomade. « Quand le télétravail est bien pensé, c’est un vrai résultat gagnant-gagnant, et un progrès pour la société : moins de gens sur les routes, donc moins de pollution et moins de risques d’accident. »

Le programme RESO 2019

Les 1resRencontres économiques et sociétales d’Occitanie (RESO) se soutiendront mardi 14 mai 2019, de 9 heures à 17 h 30, au Corum de Montpellier, place Charles-de-Gaulle, 34000 Montpellier.

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