La CFDT attaque Carrefour sur sa politique sociale en France « qui a des conséquences très fortes pour les travailleurs »

La CFDT attaque Carrefour sur sa politique sociale en France « qui a des conséquences très fortes pour les travailleurs »

Carrefour, qui revendique plus de 5 000 magasins en France, s’est longtemps présenté comme le premier employeur privé du pays. Depuis l’arrivée à la tête du groupe d’Alexandre Bompard, les organisations représentatives du personnel, dont la CFDT, n’ont cessé de contester le passage d’un nombre significatif de magasins en franchise ou en location-gérance.

La branche Services du syndicat CFDT a annoncé lundi 11 mars à l’Agence France-Presse (AFP) assigner l’enseigne devant le tribunal judiciaire d’Evry, duquel dépend le siège du distributeur à Massy, en banlieue parisienne. « Nous estimons que [le] mode de gestion tel que pratiqué par Carrefour ne répond pas aux règles du droit et qu’elle a des conséquences très fortes pour les travailleurs », a expliqué à l’AFP Sylvain Macé, secrétaire national de la CFDT-Services, au sujet du passage de nombreux magasins en location-gérance ou en franchise.

Le syndicat demande à la justice d’« interdire au groupe Carrefour et aux sociétés défenderesses de procéder à de nouvelles mises en location-gérance ou en franchise au sein du groupe », et de « garantir cette injonction par une astreinte de 100 000 euros par infraction constatée », selon le texte de l’injonction que l’AFP a pu consulter.

Depuis l’arrivée à la tête de Carrefour d’Alexandre Bompard, en 2017, plus de 300 magasins ont été confiés à des sociétés tierces, franchisés ou locataires-gérants, ce qui représente selon la CFDT 23 000 salariés sortis des effectifs. Le distributeur ne communique plus, depuis plusieurs années, sur le nombre de personnes qu’il y emploie.

La franchise et la location-gérance sont des formes de cession à des tiers de la gestion des points de vente. Pour Carrefour, le mouvement permet de conserver sa part de marché commerciale tout en se libérant d’un certain nombre de dépenses, à commencer par les salaires. En outre, le franchisé s’approvisionne auprès de la centrale du groupe, ce qui place l’entreprise franchiseuse dans un rôle de grossiste.

Perte d’avantages sociaux

Cela n’est pas sans conséquence pour les salariés. Une fois que leur magasin a « basculé », ils ne sont plus employés par un grand groupe coté au CAC 40, mais par une plus petite structure. Après une période de transition, ils perdent les avantages sociaux négociés au sein de Carrefour, évalués par la CFDT à 2 000 euros par an en moyenne.

Le distributeur défend cette politique en assurant qu’elle permet d’éviter les fermetures pour les magasins les moins rentables, qu’elle relance l’activité et qu’elle préserve l’emploi.

« Le modèle imposé aux franchisés et locataires-gérants pèse in fine sur les salariés » qui deviennent la seule marge de manœuvre pour améliorer la rentabilité du magasin, estime Sylvain Macé. Le syndicaliste rejoint l’analyse d’un ancien cadre du distributeur, Jérôme Coulombel, qui avait estimé dans un livre publié en septembre 2023 que le distributeur imposait aux franchisés et aux gérants des prix de gros ou des prestations externes trop élevés.

Une association de franchisés de Carrefour a annoncé en janvier avoir assigné le distributeur devant le tribunal de Rennes, en disant regretter « le déséquilibre significatif entre les droits et les obligations de chaque partie ».

Forme de “délocalisation locale”

Un autre point hérisse les syndicats : que cette politique soit menée alors que Carrefour débourse des centaines de millions d’euros pour rémunérer ses actionnaires. Le distributeur, qui a annoncé pour 2023 un bénéfice net à 1,66 milliard d’euros pour 94,1 milliards d’euros de chiffre d’affaires, a versé 481 millions d’euros de dividendes en 2023, et dépensé 802 millions d’euros pour racheter ses actions.

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La CFDT s’inquiète de voir l’ensemble de la grande distribution, au-delà du seul géant du CAC 40, « se diriger vers un modèle qui est une forme de “délocalisation locale”, où on externalise les enjeux sociaux ». Auchan a récemment dit vouloir se tourner vers davantage de franchise, modèle également plébiscité par Casino. Ce mouvement s’opère dans un contexte de fort dynamisme des enseignes de magasins indépendants, comme le leader E.Leclerc, Intermarché et Système U, où chaque patron d’un magasin ou de quelques magasins est libre de sa politique sociale.

Le Monde avec AFP

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