La bureaucratisation n’est pas obligatoire
L’arbitrage entre l’autonomie et le contrôle des activités des salariés est un enjeu récurent pour les organisations. Ce dilemme paradoxal s’est singulièrement accru ces dernières années avec la pénétration massive des technologies numériques.
Du côté de l’autonomie, ces technologies contribuent à la favoriser dans des registres différents, qu’il s’agisse des possibilités de télétravail ou de l’usage d’applications comme les « kits de survie » (accès à la domotique, aux services de conciergerie, possibilité de réserver une salle, etc.). L’aplatissement de la hiérarchie y concourt également lorsqu’elle conduit à une réelle responsabilisation.
Pour autant, le contrôle, notamment organisationnel et technologique, apparaît encore plus incontournable. Comment en effet imaginer le pilotage de mastodontes complexes à enjeux forts pour leurs usagers, par exemple un grand établissement hospitalier, des grandes gares ferroviaires parisiennes, ou plus généralement l’ensemble du réseau transilien. En l’absence de processus structurants assurant la coordination, voire l’uniformisation, ils deviendraient évidemment ingérables. Evidence d’ailleurs encore fréquemment sous-estimée par les tenants de l’autonomie à tous crins. Il n’en reste pas moins vrai que ces processus sont consommateurs de temps, d’argent, et potentiellement générateurs de stress et de méfiance. Ils tendent naturellement à limiter l’autonomie des salariés.
Déployer de manière extrême l’innovation collaborative
Afin de tenter de résoudre ce dilemme paradoxal, nombre de dirigeants éclairés de grandes firmes ont promu ces dernières années de profondes transformations, de manière à favoriser et déployer de manière intensive l’innovation collaborative jugée nécessaire pour parvenir à construire une croissance durable, dans un contexte de guerre économique mondiale exacerbée.
Parallèlement aux pratiques d’innovations ouvertes et coopératives, souvent en coopération avec des acteurs extérieurs (start-up, clients, utilisateurs, universités, concurrents, etc.), des politiques internes promeuvent ce que la novlange managériale nomme « the new way of working ». Les « espaces collaboratifs », avec leurs différents quartiers, en constituent l’illustration la plus visible. Ils contribuent à autonomiser leurs collaborateurs en les incitant à développer des pratiques coopératives clairement orientées vers l’innovation. Ces nouvelles configurations répondent aussi au risque de se faire « ubériser » ou de ne plus pouvoir séduire les fameux « millennials », dont les prétendues caractéristiques ne laissent pas d’interroger ceux qui ont procédé à des recherches étayées (François Pichault et Mathieu Pleyers, « Pour en finir avec la génération Y… enquête sur une représentation managériale », Gérer et comprendre, n° 108, 2012). Elles peuvent ainsi attirer plus largement celles et ceux qui souhaitent s’impliquer, agir et se responsabiliser dans le cadre de contraintes allégées avec de réelles marges de manœuvre, au-delà d’un seul effet d’âge.
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