« Il faut penser à une autres organisation du travail »
Depuis l’application de ce dispositif en 2017, les pratiques digitales des salariés n’ont pas réellement changé regrettent les consultants Vincent Baud et Caroline Sauvajol-Rialland .
Le nouvel article L2242-8 du code du travail appliqué depuis le 1er janvier 2017 dans le cadre de la loi travail envisage que chaque entreprise de plus de 50 salariés du secteur privé négocie par an avec ses partenaires sociaux la mise en place de dispositifs de régulation de leurs usages numériques, mais aussi d’actions de formation. A défaut d’accord, une charte simple suffit à contenter le législateur.
Qu’en est-il quinze mois plus tard ? Quelques sociétés parmi les plus grandes ont signé des accords dont l’application semble suivre la même logique que celle des 35 heures en son temps : les mesures ne s’appliquent qu’aux travailleurs qui se sentent concernés ! Pour les autres, les chefs ou ceux qui aspirent à le devenir, pas de transformation. Au même temps, les fins de justice accordant aux salariés le paiement d’heures travaillées non rémunérées et-ou la reconnaissance du préjudice de harcèlement « numérique » se réunissent.
La digitalisation du travail est une révolution du contenu, mais aussi du vécu au travail
Traiter ce sujet de façon défensive revient à passer à côté d’une occasion de premier plan : regarder en face l’activité numérique de ses assistants pour en maîtriser les excès quantitatifs et qualitatifs, n’en conserver que le meilleur au profit de la société comme des salariés ! C’est donc sur la culture digitale des sociétés qu’il faut agir.
En 2013, plus de 71 % des travailleurs avaient un usage professionnel des outils digitaux, pour une moyenne d’utilisation de 4,3 heures par jour. Cette proportion est passé en 15 ans de 40 % ; l’augmentation se poursuit au point que plus d’un salarié sur deux dispose actuellement d’une adresse mail professionnelle, qu’un quart d’entre eux travaille avec un ordinateur portable et 45 % avec un téléphone portable.
Conflit de valeurs
Les outils ne font que se varier : téléphones, mails, messageries instantanées, réseaux sociaux d’entreprise, applications de travail en mode projet… La digitalisation du travail est une révolution du contenu mais aussi du vécu au travail comparable à ce qu’ont été préalablement sa mécanisation, son automatisation, son informatisation et sa robotisation. A deux grandes différences près.
Tout d’abord, ce changement technologique est en prise directe avec la vie privée des salariés, alors que toutes les autres apercevaient leur effet direct s’interpréter au temps et au lieu de travail. Le digital bouleverse les équilibres personnels en plaçant les salariés face à un conflit de valeurs : dois-je répondre à mon manageur alors que je suis en train de dîner un samedi soir ? Dois-je examiner mes mails pendant mes congés ? Ultérieurement, les salariés n’ont pas été préparés à bien utiliser les outils numériques. Une faiblesse d’autant plus grave qu’ils sont passés du statut d’outils de travail à celui d’un vrai mode de travail.